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« L’âme retire de cette oraison et de cette union une extrême tendresse, si bien qu’elle voudrait fondre, non de douleur, mais en larmes de joie. Elle en est baignée tout entière sans l’avoir senti et ne sait ni quand ni comment elle les a versées, mais elle éprouve une grande délectation en voyant que ce feu ardent a été apaisé par une eau qui l’augmente encore. On dirait de l’arabe, mais c’est ainsi. » Sainte Thérèse d’Avila.
Si elle avait voulu seulement dire : c’est incompréhensible, elle aurait pu dire : c’est du chinois. Seulement, cela dépasse l’imagination, c’est divinement exquis, comme la substance même d’une langue sémitique, et spécialement donc de l’arabe, cette langue du Coran qui déchire tout cœur qui l’entend appeler à la prière. Si les mystiques chrétiens espagnols ont pu être inspirés par le soufisme, c’est que le soufisme vient comme un jus du Coran, lequel, contrairement à ce qu’on croit souvent, est tout entier mystique, dans sa substance même, sa langue, dans laquelle Dieu vit et bouge comme un nourrisson.
L’islam est par essence mystique. C’est à méconnaître cela qu’on l’égare parfois. La soumission à Dieu est mystique. Toute la vie de Mohammed est mystique. C’est pour cela que dans le Coran la miséricorde de Dieu annule le péché originel (dont est exempte Marie, par exception, dans le catholicisme, du fait d’avoir donné naissance au Verbe de Dieu). Les musulmans aiment l’idée de pleurer en priant, des vidéos très populaires le montrent, ils y trouvent comme la sainte espagnole « une grande délectation ». Délectation qui n’a rien de morose, contrairement à ce qui se produisit plus tard dans un catholicisme devenu doloriste. Ici nous sommes dans la pure réponse au très ancien désir d’Isaïe, qui s’exclamait : « Ah, si tu pouvais déchirer les cieux ! », nous sommes dans la fulgurance d’Élie quittant la terre dans un char de feu, nous sommes dans l’indicible du Verbe qui se dépasse lui-même en étant arraché à la tombe par la résurrection.
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