Quand les morts sortent de terre

 

« Tout n’était que mensonge, de la tête aux pieds », dit Benjamin Murmelstein à propos de la vie dans le camp de concentration de Theresienstadt, dans le dernier film de Claude Lanzmann, Le Dernier des injustes.

De la tête aux pieds, un corps « comme si », un corps sans corps, une âme sans âme, une intelligence sans intelligence. Le dernier texte de Dominique Venner, sur son blog, se terminait par une référence à Heidegger, justifiant à ses yeux le fait de se donner la mort. Tout n’est que mensonge aussi, autour de Heidegger, dans un certain milieu qui fait la loi de la pensée en France. Deux ans après que j’avais intenté un procès à l’heideggerien Haenel, publié par l’heideggerien Sollers, pour le pillage de Forêt profonde (dont toute la partie « bordel » est un décalage des camps nazis – sur lesquels j’ai travaillé dans un autre roman), Lanzmann accusait Haenel, publié par Sollers, de falsification de son œuvre pour son livre sur Ian Karski – renforcé par le jugement de la spécialiste de la Shoah Annette Wieviorka, qui parla de « détournement de témoignage ». Tout n’est que mensonge dans l’occultation de la sympathie d’Heidegger pour le nazisme, et surtout dans le déni du nihilisme de sa pensée, où l’homme n’est qu’un « être pour la mort ». Le mensonge appartient à la mort, et l’heideggerien Venner a révélé le pot-aux-roses en se révélant en effet « être pour la mort ».

Révélation qui faisait dire hier à Mgr Jacquin, recteur de Notre-Dame que « c’était une scène apocalyptique ». Or il y a du mensonge encore dans l’interprétation que cet homme voulait donner de son acte. Celui que le mariage gay scandalisait se revendiquait du suicidé Mishima comme de Montherlant, écrivains homosexuels. Celui qui dénonçait la perte des valeurs et le nihilisme de notre temps avait passé son temps à adorer les armes et la guerre – il suffit de jeter un œil sur sa bibliographie, les titres sont éloquents. La vérité c’est qu’il a fini par aller au bout de son adoration quasi-érotique des armes à feu en se fourrant un canon dans la bouche et en tirant. La vérité c’est qu’il est allé faire cela dans Notre-Dame, lui qui se revendiquait païen, quelques heures avant la veillée de prière annuelle pour la vie, où il s’agit de prier pour la protection de la vie depuis sa conception jusqu’à sa fin entière. Et que faisant cela, il s’est en quelque sorte avorté et euthanasié lui-même, à la fois fœtus et vieillard, dans le ventre de Notre-Dame. La vérité c’est qu’il a menti, et d’abord comme toujours à lui-même, en prétendant faire cela pour sauvegarder les valeurs de vie.

Hier soir le cardinal Vingt-Trois, lors de cette veillée de prière, a rappelé une très belle chose – je le cite de mémoire : « nous n’aimons pas la vie comme une espèce de divinité étrange, mais parce qu’aimer la vie est le signe de l’amour entre les êtres ». Oui, il ne s’agit pas de vénérer la vie pour la vie, dans son caractère biologique, mais de savoir que lorsqu’on aime, on respecte et on protège la vie. L’homme n’est pas un « être pour la mort », un être pour le mensonge. L’homme est un être pour la vie, la vérité, l’amour. Nul ne peut servir deux maîtres. Une pensée mène au gouffre, une autre au salut. Et il en est ainsi de tout ce qui découle de l’une et de l’autre, et se répand invisiblement dans les âmes. Il faut choisir son camp, l’enjeu est crucial.

 

alinareyes