En lisant « Le Sceau des saints », de Michel Chodkiewicz (2)

au Jardin du Luxembourg hier, photo Alina Reyes

 

Poursuivons notre lecture avec des passages du troisième chapitre (La sphère de la walâya [sainteté, « rapprochement »]) de ce livre (éd tel gallimard) fondé sur la théologie d’Ibn Arabî.

Contrairement à ce que pensent ceux qui s’imaginent que ce sont les hommes qui inventent leur Dieu, tous les hommes adorent un seul et même Dieu, puisqu’il n’en est qu’un. Mais chaque forme d’adoration est une science bien distincte des autres, propre à donner un éclairage particulier, enseigné aux hommes par Dieu lui-même sur lui-même. Cela n’exclut pas les passerelles, mais requiert une vision claire du fait que chacune a son domaine propre, qui peut être approfondi à l’infini. C’est dans cet approfondissement que tous les chercheurs de Dieu communient, comme peuvent se comprendre tous les pêcheurs du monde, comme ils communient en vérité, quelles que soient leurs méthodes de pêche. Et c’est par cet approfondissement qu’ils déblaient pour toute l’humanité le chemin du salut.

« Nous avons fait mention précédemment du célèbre questionnaire de Tirmidhî. Ibn Arabî y répond dans le long chapitre LXXIII des Futûhât. La première question est ainsi posée : « Quel est le nombre des demeures (manâzil) des saints ? » Ces demeures, écrit Ibn Arabî, sont de deux sortes : sensibles (hissiya) et spirituelles (ma’nawiyya). Le nombre des premières – qui se subdivisent à leur tour en sous-catégories – est « supérieur à cent dix ». Le nombre des secondes est de deux cent quarante-huit mille, qui appartiennent en propre à cette communauté et que nul n’a atteintes avant elle. Ces « demeures spirituelles » se rattachent à quatre types de sciences : la science « de chez Moi » (ilm ladunnî, allusion au verset 18 : 65 où cette science, qui est donc en relation avec le Je divin, est attribuée à Khadir), la science de la Lumière (ilm al-nûr), la science de l’union et de la séparation (ilm al jam’wa l-tafriqa) et la science de l’Écriture divine (ilm al-kitâba al- ilâhiyya). » (p. 63-64)

« Le « regard vers Lui », c’est-à-dire l’étendue de la vision de Dieu à laquelle l’homme peut aspirer étant déterminée par la représentation préalable qu’il s’en faisait, la plus parfaite, celle des « prophètes d’entre les saints », ou des afrâd, appartient aux êtres qui « possèdent toutes les croyances ». Il ne s’agit pas ici, bien entendu, d’une simple addition des représentations mentales correspondant à ces croyances mais d’une réalisation effective des modalités de connaissance et d’adoration spécifiques de chacune d’elles. » (p. 65)

Voilà le degré que devront viser les Pèlerins d’Amour. Un degré de connaissance élevée, contre l’ignorance qui engendre ratiocinations agnosticistes et tentations de mépriser les autres religions. Viser ce degré et l’atteindre ne peut se réaliser que dans l’abandon.

à suivre

 

alinareyes