« J’ai continué à marcher, malgré mon barbelé dans la cuisse. Il faisait si froid. Si je m’arrêtais, j’allais m’endormir, mourir sur place. J’avançais, et il y avait juste une idée dans ma tête : le jardin, la ménagerie. Là-bas il ferait chaud, à cause du souffle des animaux endormis. » (Je finis de taper L’Exclue, paru en 2000 et dont je n’ai plus le manuscrit, qui sera l’un des livres reproposés ici dans quelques jours sous forme numérique).
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» … Et l’homme ultime prononcera sa première parole, afin que poussent les herbes, et que la femme comme un rayon de soleil apparaisse à son côté. Et de nouveau il adorera la femme et la couchera sur l’herbe ainsi qu’il a été ordonné. Et les rêves obtiendront vengeance, et ils sèmeront des générations dans les siècles des siècles !
Vers une terre lointaine et sans péché désormais je m’avance.
Désormais me suivent des créatures légères
avec aux cheveux les irisations du pôle
et sur la peau le doux scintillement de l’or.
Étrave mon genou, je progresse parmi les herbes
et mon haleine rejette de la face de la terre
les ultimes pelotes du sommeil.
Et les arbres cheminent à mon côté, contre le vent.
Je vois de grands mystères singuliers et étranges :
Fontaine la caverne d’Hélène.
Trident avec dauphin la forme de la Croix.
Porte blanche le barbelé sacrilège.
Par là glorieux je passerai.
Les paroles qui m’ont trahi et les gifles seront
devenues myrtes et palmes :
Hosanna annonceront-elles, Hosanna à celui qui vient !
Je vois dans la privation la jouissance du fruit.
Oliviers obliques avec un peu de bleu entre les doigts
ces temps de la colère derrière les barreaux.
Et plages sans fin, humides du désir ensorcelant des yeux,
les profondeurs de Marina.
Là chaste je marcherai.
Les larmes qui m’ont trahi et les humiliations
seront devenues souffles et chants infinis d’oiseaux :
Hosanna annonceront-elles, Hosanna à celui qui vient !
Vers une terre lointaine et sans péché désormais je m’avance. »
Odysseas Élytis, Prophétie
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