De l’autre côté, l’aube

J’ai souvent rêvé, depuis toujours, que j’habitais dans un phare. L’un de mes livres préférés est Armen, de Jean-Pierre Abraham – quel beau nom – qui raconte sa vie de gardien de phare. J’ai vécu jusqu’à l’âge de vingt-quatre ans face au phare de Cordouan. J’ai rêvé aussi que j’étais une baleine blanche, je plongeais dans les profondeurs et je riais. De l’âge de onze ans jusqu’à l’âge de dix-sept ans, j’ai pris le bac deux fois par semaine, dont l’une était le lundi vers six heures du matin, pour traverser l’estuaire de la Gironde. Parfois je l’ai fait en vedette de secours, quand la tempête empêchait le passage du bac. J’aime Istanbul, j’aime Anvers, Saint-Nazaire, j’aime les ports. À l’âge de dix-sept ans j’ai fait ma première traversée de nuit entre Le Pirée et Héraklion. Je l’ai refaite plus tard, toujours avec la joie indicible de l’arrivée au blanc du petit matin. La deuxième traversée de nuit très importante que j’ai vécue fut celle que je fis en 2007 entre Le Pirée et Pythagorio, en escale pour Patmos, passant volontairement une nuit blanche dehors sur le pont pour mieux la sentir et goûter l’aube. Ne vous laissez pas voler l’aube, c’est à elle de vous enlever.

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