En Palestine, la police d’occupation arrête les petits jeteurs de cailloux ; en France on fait mieux, des cailloux symboliques suffisent pour être conduit au poste. Un enfant de huit ans dénoncé par son instituteur, arrêté et interrogé par la police pour une parole incorrecte au sujet de Charlie Hebdo. Un enfant de seize ans dénoncé, arrêté, placé en garde à vue et interrogé pendant vingt-quatre heures, quoique n’ayant en rien le profil d’un djihadiste, pour avoir publié sur son facebook le dessin parodique d’une couverture de Charlie que j’ai publié moi aussi il y a quelques jours ici. Les cas d’enfants arrêtés par la police de l’État français (qui fut acclamée lors de la grande manifestation organisée à Paris par ce même État le 11 janvier) pour « apologies du terrorisme » se multiplient. Voilà ce qu’est devenu le pays de la liberté d’expression.
En Italie, c’est l’écrivain Erri de Luca qui risquait cette semaine la prison, pour avoir pris en paroles la défense d’activistes en lutte contre un projet destructeur de nature. Lui aussi est accusé d’apologie du terrorisme, puisqu’il soutient des « saboteurs ». Voilà ce que devient la liberté d’expression en Europe.
En France, Houellebecq veut entrer à l’Académie française. Finkielkraut y est déjà, et Hélène Carrère d’Encausse lui est favorable. L’Institut va-t-il prendre officiellement le relais de Charlie Hebdo, devenu emblème national ?
Au Chili, de nouvelles analyses vont être faites sur le corps de Pablo Neruda pour déterminer si oui ou non Pinochet l’a fait assassiner, quelques jours après son coup d’État du 11 septembre.
À la Bibliothèque Nationale de France, s’est tenu il y a quelques jours un colloque sur « Heidegger et les juifs ». Avec toujours les défenseurs acharnés du philosophe dont on ne peut vraiment plus nier qu’il fut nazi, et antisémite au point d’estimer que les juifs devaient être l’objet d’une « extermination totale ». C’est que l’esprit nationaliste, terrien et raciste d’Heidegger sert aujourd’hui, inconsciemment ou non, à justifier le colonialisme d’Israël et à travers Israël, du monde occidental. Bernard-Henry Lévy semble pourtant l’avoir un peu amère, cette haine des juifs de leur gourou, éclatée au grand jour. Mais comme il ne veut pas lui non plus faire machine arrière et reconnaître qu’il s’est trompé et bien aveuglé, comme il ne veut surtout pas chercher le fond nihiliste de la philosophie d’Heidegger, il se fend d’un article pour affirmer qu’il faut quand même continuer à le lire. Mais qui a jamais dit le contraire ? Il n’est pas question de placer en garde à vue les lecteurs d’Heidegger. Si seulement ils voulaient bien apprendre à lire, et à reconnaître comme dans Charlie Hebdo la bête immonde cachée derrière la façade, le monde se porterait mieux.
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