Plutarque, « De la superstition » (un passage, dans ma traduction)

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Bien des maux ordinaires deviennent fatals à cause de la superstition. Midas l’ancien, démoralisé paraît-il par quelques rêves, en eut l’esprit si misérablement angoissé qu’il se suicida en buvant du sang de taureau. Le roi de Messénie Aristodème, pendant la guerre contre les Spartiates, entendit les chiens hurler comme des loups et vit du chiendent pousser autour de l’autel familial ; les devins y virent des signes effrayants et lui, perdant courage et abandonnant tout espoir, tira sa lame et se tua. Dans le même ordre d’idées, Nicias, le général athénien, n’aurait-il pas fort mieux fait d’en finir avec la superstition comme Midas et Aristodème, plutôt que de se laisser, par peur de l’ombre d’une éclipse de lune, encercler par ses ennemis, et qu’ainsi quarante mille hommes ensemble périssent ou soient pris vivants, et qu’il meure lui-même sans honneur ? Car il n’y a rien à craindre au fait que la terre s’interpose et projette son ombre par périodes sur la lune ; ce qui est à craindre, c’est que les ténèbres qui tombent de la superstition brouillent et aveuglent la raison de l’homme dans des circonstances où il aurait le plus grand besoin de sa raison.

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