Montaigne veut réformer l’agreg

12 mai 2017 : j’ai retenté l’agreg cette année, en ayant cette fois conscience de la nécessité de se conformer aux codes d’écriture de la dissertation, qui après tout permettent de mettre tout le monde au même exercice. Je l’ai de nouveau préparée seule et je sais que j’ai encore été très faible en grec ancien et en grammaire, n’ayant pas vraiment eu le temps de les travailler – m’étant décidée tard j’ai seulement eu le temps de lire les œuvres au programme. Malgré cela je suis cette fois admissible. Et je reviens sur ce que je disais ici l’année dernière en découvrant que l’analyse des textes en disposant des textes est en fait prévue lors des oraux – ce qui fait un ensemble d’épreuves finalement très complet. Je ne réussirai peut-être pas l’oral, mais le fait que même en travaillant seul il soit possible de réussir l’écrit, montre que ce concours est un défi qui vaut la peine d’être tenté.


Audio de 4 mn : Antoine Compagnon sur la fameuse « tête bien faite » plutôt que « bien pleine » que demande Montaigne, et la « science » que demande Rabelais, pourvu que ce soit avec « conscience ». Les têtes pleines qui bourrent leurs livres de phrases des autres pillées ici et là, par exemple, et souvent sans citer leurs sources, des têtes pleines d’une science ou d’une autre et prêtes à toutes les compromissions, ou faisant reculer les hommes en faisant mine de les faire avancer, sont légion.

J’ai beaucoup d’estime pour l’agrégation et comme pour tout, c’est en l’éprouvant que je comprends ce qui serait à y réformer. L’encouragement au bachotage, à la tête pleine de citations des textes au programme et de critiques qu’il faut savoir par cœur puisque les dissertations doivent se faire sans les textes ; et le fait de devoir écrire les dissertations à la main, donc d’un jet, quasiment sans possibilité de correction, sont non seulement contraires aux conditions dans lesquelles tout penseur travaille, mais aussi un obstacle à la pensée.

montaigne-minMontaigne face à la Sorbonne, photo Alina Reyes

Pour bien penser, mieux vaut, même s’il est possible de s’en passer, disposer des textes sur lesquels on est invité à penser. Un texte demande à être lu pour être compris, et toujours relu, relu différemment selon la question posée. Consulter le texte permet d’affiner la pensée, de la préciser.

D’autre part la pensée n’est pas un plan établi au départ, exposé en introduction et ensuite servilement développé dans la dissertation. La pensée se découvre à mesure qu’elle avance, par l’écriture quand elle a lieu par écrit. Il est possible, et même souhaitable, que la pensée découvre autre chose que ce qui avait été planifié. Une pensée qui se limite au prévu, au prévisible, n’est pas une pensée. Le traitement de texte permet cette souplesse que la rédaction à la main en sept heures entrave.

Montaigne ne suit pas Machiavel

Après avoir écrit sur Giono, sur Hugo, sur Diderot, sur Molière (suivre le mot clé Agrégation de Lettres modernes), j’ai l’intention d’écrire et de donner ici bientôt un texte que je veux intituler « Montaigne à chevals » (non, ce n’est pas une faute d’orthographe, du moins en ancien français).

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alinareyes