Il y a toujours dans une ville, un quartier, des endroits où l’on n’est pas allé depuis un certain temps, et où il se trouve de nouvelles choses à voir. La ville comme la nature change continuellement, même si les changements sont moins puissants en ville. Je prends des photos de graffs, de tags, d’endroits, comme à la montagne je cueille baies et champignons, comme sur la plage je ramasse petits galets, coquillages, bois flottés… Le monde est en perpétuel don. Et le spectacle de danse auquel j’étais conviée ce soir à Bobigny était aussi grâce et don, don des artistes au public, aux gens, si fort qu’il arrache à soi qui le reçoit. « Nicht Schlafen », « pas dormir », par les ballets C de la B d’Alain Platel offre un moment extraordinairement intense, beau, poignant, époustouflant de perfection plastique et de profondeur humaine, comme si le monde entier s’était concentré en une heure quarante sur cette scène avec neuf danseurs autour de trois cadavres de chevaux, laissant pressentir le danger d’une violence éclatant d’entrée, faisant voir la folie humaine ordinaire et aussi les liens et les moments autres, familiers ou étranges, étranges comme ce qu’il reste encore à connaître.
après cet après-midi à Paris…
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ce soir à Bobigny, juste avant le début du spectacle :
photos Alina Reyes
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