Troisième journée de cours : quelque chose de spécial

Arc-en-ciel, vu du RER aujourd'hui au retour, photo Alina Reyes

Arc-en-ciel, vu du RER aujourd’hui au retour, photo Alina Reyes

*

Mon ultrasensibilité voit s’ouvrir des choses spéciales et inouïes, une expérience à nulle autre pareille. Peut-être d’autant plus aujourd’hui où j’étais extrêmement fatiguée, après une nuit d’à peine quatre heures de sommeil, les deux heures de trajet aller habituels, plus l’heure et demie passée dans un bureau à régler des trucs administratifs (changement de sécu etc., tout ce dont j’ai horreur) ; à quoi se sont ajoutées deux heures de réunion pédagogique avec.un inspecteur, le proviseur et tous les profs de lettres du lycée. Puis bien sûr les deux heures de trajet retour. Mais ça valait la peine, car il y a eu aussi LES COURS.

Il ne me restait plus assez d’énergie pour faire régner le calme dans la classe, mais en dépit des bavardages nous avons bien travaillé, quoique trop lentement à mon goût. D’abord je les ai intéressés à une citation de Jean Guéhenno : « Les vrais livres sont rares », qu’ils ont bien su commenter. Puis, du texte de Stendhal que j’avais choisi de leur faire étudier, j’ai réussi à leur faire toucher du doigt, après quelques opérations de repérages précis dans les phrases, les deux niveaux d’écriture cachés. Comment, après une série de verbes évoquant la vision ordinaire, au sens premier du terme (voir, apercevoir, etc.), il employait « se figurer » et « réfléchir », le sens concret de la narration conduisant à et étayant un autre niveau de sens. De même je leur ai fait repérer l’emploi, apparemment anodin et inutile à l’action, des mots « porte-fenêtre », « porte », « porte d’entrée », en quelques lignes de la narration, suivies ou entrecroisées de lignes indiquant le passage des deux personnages d’un état d’esprit à un autre – avec au milieu la mention, réitérée, de l’oubli. Il faudra que j’y revienne la prochaine fois, pour qu’ils n’oublient pas et prennent goût à repérer, comme dans une enquête policière leur ai-je dit, de telles profondeurs dans les textes des « vrais livres ». Et ce travail, cet enseignement, ne se limite pas aux textes : il se passe aussi dans les têtes, dans les corps, dans les rapports humains ; de façon souvent aussi discrète que le battement d’ailes d’un papillon, mais je le sens, et c’est très, très bon.

*

alinareyes