#balancetonporc : j’approuve et je participe avec un porc « littéraire »

Très salutaire avalanche de témoignages des femmes. Comme le disent certaines, la honte change de camp. Alors je balance mon porc, moi aussi. Bien entendu chaque femme en a rencontré plusieurs sur son chemin, surtout dans les milieux bourgeois, qui fonctionnent sur l’interdomination des hommes et où les manifestations de domination sur les femmes sont bien souvent une compensation à leur soumission entre hommes, domination et soumission cohabitant toujours. Des porcs qui se sont ainsi révélés porcs sur mon chemin, je choisis d’en mentionner un représentatif d’un milieu dont on parle peu : l’édition, le milieu littéraire. J’ai déjà mentionné cette histoire plusieurs fois ici ou là, mais je ne suis pas sûre d’avoir donné le nom de la personne. Cette fois je vais donc le faire.

Je venais de publier mon premier roman, qui avait obtenu un grand succès. Je suis invitée, entre autres, à une manifestation littéraire sur une semaine à Bourg-en-Bresse. J’y vais, je me retrouve dans un même hôtel avec le rédacteur en chef d’alors du Magazine Littéraire, une jeune journaliste, et le fameux académicien du Goncourt, l’auteur célèbre et célébré Robert Sabatier. Le rédac’chef, sympathique mais très repoussant physiquement, fumant trois paquets de Gitane par jour, vieux, cuit et laid, couche avec la jeune journaliste – et je me demande comment elle fait pour se plier à ce qui à mes yeux ne peut être qu’un échange de sexe contre possibilité de travailler. Robert Sabatier, lui, me propose avec insistance de venir dans sa chambre où il me dira des poèmes. Il a trente-trois ans de plus que moi, sa proposition me fait éclater de rire. Mieux vaut en rire qu’en pleurer, n’est-ce pas, même si finalement je ne trouve pas ça drôle du tout. Maintenant, a posteriori, je me demande si cette invitation n’était pas un traquenard monté tout exprès – c’est même probable. Seulement ça n’a pas marché pour le vieux porc distingué, alors il s’est vengé. Quand, un peu plus tard, je l’ai rencontré, ici ou là, il a refusé de me saluer. Ce qui ne serait pas bien grave si tous ces types ne fonctionnaient pas en réseaux, capables de nuire à la carrière de quelqu’un à qui ils auraient décidé de nuire. J’ai vu ailleurs et dans ma propre expérience ce genre de situation se répéter de façon plus complexe avec d’autres porcs, car il y a dans ce milieu des porcs très aptes et très entraînés à faire régner leur porcherie en toute discrétion. La discrétion, c’est la « qualité » qu’ils préfèrent chez une femme, ne voulant que soient révélés ni leurs viols ou abus physiques ni leurs viols ou abus mentaux – beaucoup, sans doute les pires,  n’ayant pas les moyens physiques d’en commettre d’autres que psychiques. Comme je suis aussi peu discrète que possible -voir mes livres- cela m’a beaucoup nui et c’est seulement inadmissible, d’autant que tout le milieu se protège comme l’église dans la pédophilie.

Mon homme, qui est tout à la fois très viril et très séduisant, et qui ne s’est jamais conduit en porc, approuve complètement ces dénonciations de femmes – il m’en a parlé le premier. Mais je vois que les Inrocks s’enfoncent en voulant paraître antisexistes pour se rattraper de leur dernière couverture fangeuse : commentant une vidéo publicitaire de David Lynch, ils l’interprètent comme le fait que les actrices paient leur désir de célébrité par le danger sexuel auquel elles s’exposent. Vous voyez le truc ? Un acteur est un artiste qui travaille, une actrice a un désir de célébrité. Qui, forcément, se paie. La femme n’est pas artiste, ne travaille pas, n’a pas à pouvoir travailler sans se soucier des porcs. Elle est juste un bel objet que les hommes peuvent, ou non, rendre célèbre. Cherchez bien, vous verrez la même logique à l’œuvre dans bien des cas, dans l’édition comme dans le cinéma, la politique, les médias et ailleurs, partout où les rapports d’intersoumission entre hommes garantissent le silence de tous.

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alinareyes