OK boomers et OK bobos

 

Je les appelais « vieux de la caste » et j’invitais les jeunes à reconnaître et rejeter leur domination, dans un roman prophétique. Douze ans plus tard nous y sommes : eux les appellent boomers et ils ont raison.

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Il y a aussi – parfois ce sont les mêmes – de jeunes bobos écolos qui ne se rendent pas compte qu’ils agissent comme leurs pères en voulant imposer leur loi à d’autres qui, souvent moins privilégiés qu’eux, aimeraient pouvoir profiter des moments où ils peuvent acheter moins cher ce qu’autrement ils n’ont pas les moyens d’acheter. Les pauvres de toute façon ont une empreinte carbone moindre que les écolos qui voyagent et vivent confortablement. Cette séquence assez obscène où des bourgeois blancs empêchent un prolo issu de l’immigration de circuler librement donne le sentiment que ces militants devraient sérieusement approfondir leur pensée, s’ils ne veulent devenir les prochains vieux de la caste.

« Sais-tu ce que je vois ? Je vois que ce pays ressemble à un vieil homme qui a passé sa vie à jouir et abuser de son pouvoir et qui, déclinant, se masque pour mendier la compassion de la jeunesse, l’absolution de la jeunesse, avec laquelle il se comporte pourtant comme il l’a toujours fait : mentir, utiliser les autres, les flatter pour mieux les renier, les anéantir et leur faire porter le poids de l’enfer qu’il mérite lui-même.

Ce pays vampirise sa jeunesse, ne la caresse que pour la maltraiter, lui interdire l’avenir. Vous êtes dans son même sac d’ogre, jeunes cadres, jeunes chômeurs, jeunes intellectuels et jeunes voyous. Vous payez aux vieux de la caste des décennies de retraite souvent plus confortables que vos salaires et tout ce qu’il y avait à prendre dans ce pays, ils l’ont pris.

L’art, la littérature, ils les ont pris et saccagés.

Les idéaux, la foi et l’innocence, idem.

L’amour, l’amour érotique, l’amour des enfants, l’amitié sans calcul, idem.

La nature, la beauté.

La politique.

Le travail.

Les médias.

Ils se sont servis, et alliés dans le crime à un point que nulle société avant n’avait atteint.

Et ceux qui aujourd’hui parviennent à sortir la tête de l’eau en leur riant au nez, de leur barque pourrie les vieux ogres ne leur tendent la main que pour pouvoir, une fois récupérés, les faire bouillir et les bouffer aussi. N’ayant d’autre ambition que de se nourrir et de vivre encore, encore un peu plus longtemps et même au-delà : continuer à ne pas laisser la place, une fois morts.

Pourtant, pourtant, c’est vous qui êtes jeunes, et puissants si vous les rejetez. Et ils seront bel et bien vaincus. »

extrait de mon roman Forêt profonde (2007)

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alinareyes