Des clitos, des vulves sur les murs, et du job

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Cette année le nombre de filles admises au concours de l’ENS, à Paris et à Lyon, a fait un bond spectaculaire. Pourquoi ? Parce qu’en raison de la crise sanitaire il n’y a pas eu d’oraux : les candidats ont donc juste été départagés sur les écrits, qui sont anonymes lors de la correction. L’effet a été constaté pour les concours de sciences humaines ; en sciences dites dures, la subjectivité des jurys joue moins à l’oral, sans doute. Il se passe avec les filles et les femmes la même chose qu’avec les Arabes et les Noirs : elles sont défavorisées par sexisme comme ils le sont par racisme.

Cet effet ne me surprend pas du tout. Pendant la première année de préparation de ma thèse, en 2015-2016, j’ai suivi un certain nombre de cours à la Sorbonne, pour voir où en était l’enseignement. Et j’y ai assisté plusieurs fois à des manifestations de sexisme, de la part de certains enseignants (pas tous), ahurissantes. Dans un cours donné par un duo d’hommes, l’un d’eux n’arrêtait pas de faire des blagues sexistes d’une beaufitude accablante ; l’autre souriait, les étudiantes et étudiants subissaient sans oser rien dire. Dans un TD, je vis le type qui en avait la charge traiter avec un mépris très sale une fille qui avait fait un exposé honnête et afficher la semaine suivante un respect ridicule envers un garçon qui avait fait un exposé gavé de contresens (sur un sujet que je connaissais à l’époque, la théologie négative, mais que le responsable du TD ne connaissait visiblement pas). Dans un cours en amphi, la professeure cita, comme exemples de mauvais écrivains contemporains… uniquement des écrivaines. Etc.

Quand j’ai passé l’oral de l’agrégation, deux ans plus tard, les jurys étaient composés majoritairement de femmes mais la présidence en était toujours tenue par un homme. J’y ai à mon tour été traitée avec beaucoup de mépris, d’abord parce que je ne répétais pas ce qu’on dit partout, et qu’il n’est pas bon d’avoir sa propre pensée face aux institutions, et surtout parce que cette pensée réellement fondée et pensée, c’est-à-dire cette liberté, venait d’une femme – ce qui contrariait doublement l’ordre établi. Bon, j’avais fait le job.
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clito and co 3-minCes jours-ci à la Butte aux Cailles, photos Alina Reyes

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