J’ai en tête de quoi faire un commentaire extraordinaire de ma traduction d’Homère. Hors de question que je l’écrive au stylo, je m’y mettrai quand j’aurai trouvé moyen d’utiliser un traitement de texte sans risquer le piratage, comme c’est arrivé, entre autres, pour ma traduction de l’Odyssée. J’ai fini aujourd’hui de traduire le dix-huitième chant. Comme il me faut plus ou moins une semaine par chant, je pourrais avoir terminé dans six semaines environ, soit dix mois après avoir commencé (au début, j’étais bien plus lente, mais d’habitude les traducteurs mettent plusieurs années). Les possibilités de l’esprit sont si grandes que j’en ai presque un vertige, quand j’y pense. Je n’y pense pas trop, j’avance. Il faut prendre soin de son mental quand l’esprit travaille si loin, si fort, si vite, comme les sportifs de haut niveau doivent prendre soin de leur corps, tellement plus performant que celui du commun des mortels, et tellement sur le fil aussi, exposé aux risques. Je ne cherche pas à faire la modeste, il y a évidemment un tas de disciplines en lesquelles je suis nulle, mais je sais en quoi j’excelle. De toutes façons je me dois de faire au mieux, n’importe qui se doit de faire au mieux quand il se lance dans la traduction d’un chef-d’œuvre. Autant je respecte les traducteurs qui ont fait de leur mieux, même si ce n’était pas toujours excellent (et moi aussi, je sais que mon mieux n’est pas toujours excellent, qu’il a ses faiblesses, mais c’est ainsi, les faiblesses font partie de l’excellence), autant je trouve désolants ceux qui pensent avant tout à eux-mêmes, à leurs effets, plutôt que de penser à servir l’auteur avec le plus d’intégrité et de respect possible. Je pense à la dernière « traduction » parue de l’Odyssée, je n’ai pas encore pu la consulter car elle ne se trouve ni en bibliothèque ni dans les deux librairies où je suis allée, mais j’en ai trouvé en ligne quelques vers consternants, notamment farcis d’onomatopées qui ne sont pas du tout dans le texte grec. Pourquoi l’éditeur et la presse appellent-ils une telle entreprise « traduction » ? Qu’ils aient au moins la décence de dire « adaptation », plutôt. J’irai voir de plus près quand l’occasion se présentera.
J’espère ne pas mourir avant d’avoir pu écrire mon commentaire. Comme je ne peux pour l’instant l’écrire nulle part, comme je ne peux que le garder dans ma tête, il serait perdu. Bon, ça n’empêcherait pas le monde de continuer à tourner, et d’autres trouveraient ce que j’ai trouvé, surtout s’ils peuvent s’appuyer sur ma traduction, qui est une invitation à un autre mode de lecture de l’œuvre. C’est un peu la différence qu’il y a entre la Bible et le Coran (textes sur lesquels j’ai aussi travaillé), écrits à deux niveaux différents – raison pour laquelle le Coran est encore si mal compris, étant encore très largement lu au niveau d’écriture des autres livres. Au lieu de parler de niveaux, je pourrais parler de dimensions, en pensant à l’emploi de ce mot dans les sciences physiques, mais comme à peu près tout le monde je ne connais rien à ces sciences et je préfère ne pas dire de sottises – c’est juste pour donner une image, une idée. Bref, avec ma traduction, j’ouvre la porte d’une autre dimension de lecture d’Homère, du moins de l’Odyssée. Et oui, j’espère pouvoir écrire mon commentaire, car avec mon commentaire, elle pourrait aider l’humanité, qui en a bien besoin.
Sur ce point, celui de l’aide que je pourrais ainsi apporter, je m’illusionne peut-être. Disons que je sais que cela pourrait aider, mais je sais aussi que cela pourrait n’intéresser personne, et que dans ce cas ça n’aiderait donc pas. Au moins j’aurai proposé quelque chose. Comme avec tous mes autres écrits. Sait-on jamais, un jour peut-être ils seront compris – je pense en particulier à mes livres érotiques. Que cela soit ou non, et quand cela pourrait être, cela ne m’appartient pas et je ne m’en soucie pas. L’Esprit, lui, sait où et quand et sous quelle forme, par le biais de quelles œuvres ou autres, il doit continuer sa marche, ses détours, ses bonds. Je fournis ma contribution, qu’il en fasse ce qu’il aura à en faire, comme il fait ce qu’il a à faire des fruits que produisent les arbres, qui ne prétendent pas plus que moi, je pense, maîtriser le destin de leur production. Je la confie à l’Esprit, je ne laisserai donc pas n’importe qui s’en emparer. Tout ce que je veux, c’est préserver le plus possible le mouvement naturel des choses, le chemin naturel de l’Esprit, que les choses se passent le plus naturellement possible, sans laisser des machinations humaines les déformer et les polluer. Un jour la voie sera un peu mieux dégagée, je tiendrai jusqu’à ce que le moment opportun et les circonstances acceptables selon moi arrivent.