Les Belles Endormies, très beau roman de Yasunari Kawabata, paru en 1961, exposait le tableau d’un vieil homme jouissant de jeunes filles inconscientes, droguées. Un an plus tard paraissait La Femme des sables de Kôbô Abé. Je n’ai plus ce livre avec moi et je ne peux donc en parler dans le détail mais il m’a laissé, comme à tous ses lecteurs, une très forte impression. Et il m’apparaît maintenant comme une sorte de conséquence du roman de Kawabata : où l’abus du vivant commis par l’homme se retourne contre lui. L’homme parti à la recherche d’une nouvelle espèce d’insecte qu’il veut capturer et à laquelle il veut donner son nom devient cet insecte prisonnier de lui-même qu’il était.
C’est un texte très polysémique, d’où sa puissance, sa capacité à apporter un éclairage sur toutes sortes de situations, intimes, politiques, spirituelles. En continuité avec la note précédente, et d’autres, je dirais aujourd’hui : cette femme des sables ne peut-elle être lue comme la réaction de la nature et de la pensée aux abus que commet l’homme sur elles ? Voici un homme enfermé suite à sa passion de classer et tuer des êtres vivants, comme il disait l’être par la paperasse, la classification, les cadres, les limites, la langue morte que la société impose aux hommes. Le sable menace le monde, la maison de l’homme, parce que l’homme maltraite la nature et la littérature, expression de la nature, de la vérité. Parce qu’il n’habite pas le monde en poète, parce qu’il ne l’habite pas. Nature et littérature veulent être habitées, vraiment.
Après une chronique de Max-Pol Fouchet sur le livre, voici en huit vidéos le film entier (1964), aussi mythique, tiré du roman par Hiroshi Teshigahara.
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