Pèlerins. Je vous aime tant, et je vous attends, depuis si longtemps.

à Soulac-sur-mer. Photo Alina Reyes

 

“…solitaires à la pensée pure, à la conscience limpide, qui dans la joie et la quiétude de leur coeur se complaisent en leur isolement à méditer sur le Seigneur dans la plénitude de leur chant de grâce. La vie de leur intelligence ne saurait s’exprimer, ils se nourrissent d’exemples bénis, dressés dans la vérité.

Ils ont déchiré le voile qui cachait les voies intérieures. C’est avec peine et par le secours de la vérité, qu’ils ont atteint l’état de quiétude, mais ils en sortent bientôt pour connaître la joie. Leurs désirs ne sont point des obstacles, l’éloignement de leur fin ne leur fait rien différer. Ils attendent le jour de la mort et prennent garde à ce qui le suivra.

Appelés du Seigneur, ils le cherchent, espèrent en lui et le servent. Ils sont sincères et leurs paroles sont de justice. Ils n’ont aucune crainte du pouvoir séculier ni du royaume de Satan. Ils sont plus précieux que tout homme, mieux gardés que tout peuple. Leur magnificence et leur grandeur d’âme sont insurpassables. Ils sont glorifiés dans les demeures de leur Père céleste et exaltés aux yeux des créatures. Nul ne peut les arrêter de toujours commémorer Dieu, nul ne les empêchera de le louer sans cesse. Leur langue ne vit que pour le chanter et le glorifier, leur coeur est envahi d’unité divine et de pureté.

Le monde leur cache son véritable aspect, mais ils le démasquent, le mettent à nu, le foulent aux pieds ; et ses trahisons, ses ruses, ils les connaissent ; il revêt pour eux ses parures les plus merveilleuses, ils le voient tel qu’il est ; il feint la douceur, mais ils le savent vaincu ; il leur sourit, ils sont de glace ; il veut les attirer, eux le repoussent. Ils jettent un regard clairvoyant sur la perfidie de ses oeuvres ; sa honte est étalée devant eux, il est sans emprise sur eux et ne peut en rien les atteindre.

Ils sont les purs amis de Dieu, les saints d’élection, les hommes aux yeux dessillés ; leurs ambitions ne sont pas de ce monde et leurs efforts trouvent toujours leur réponse ; leur âme est inondée de crainte céleste. Un conseil salutaire les dirige vers Dieu, puis à leur tour, ils deviennent pêcheurs d’hommes ; un marché les lie au Seigneur dont ils sont les bénéficiaires bienheureux.

Leur vie intérieure est pure et rend témoignage à la pureté. Leur coeur est balayé des souillures dans la grâce de leur élection. Ils sont armés de leurs provisions pour leur périlleux voyage, auréolés de crainte de Dieu et de salut. Sur le char de leurs ailes ils volent vers le but. Ils ont atteint la joie éternelle dans le baiser d’une immuable allégresse. Ils triomphent de la reddition des comptes, et sont sans crainte des châtiments à venir.

O mon enfant, choisis la félicité pour ton âme, avant que ne surgisse le regret tardif et vain, ou l’angoisse infinie.

Que Dieu nous révèle et te révèle la voie droite

Et nous conduise sur les sentiers du salut,

Par sa miséricorde et sa grâce abondante.

Amen.”

Bahya Ibn Paqûda, Les devoirs du coeur, Neuvième portique, L’ascèse. Traduits et présentés par André Chouraqui, éditions Desclée de Brouwer, 1972

 

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