De golf en Golfe et bien plus loin, l’été indien

mon frère bien-aimé, le sioux Black Elk, dont je vous reparlerai dans quelques jours

 

C’était l’été indien 1989. Fuyant le système médiatico-littéraire français, je venais de poser mes valises à Montréal, où j’allais demeurer jusqu’à l’été suivant. Le quotidien Le Devoir m’ouvrit ses pages pour y tenir une chronique hebdomadaire. Je commençai la toute première en parlant des Amérindiens qui étaient en train de manifester pour protester contre le projet de construction d’un terrain de golf sur leur territoire. D’emblée, je me fis très mal voir – comme si une Québécoise venait ici soutenir les musulmans français dans Le Monde (mais ici en France je doute fort qu’on la laisserait faire, alors que Le Devoir, tout en publiant le courrier des lecteurs mécontents, me garda jusqu’au bout).

Après cette petite bataille du golf, vint la Guerre du Golfe. Toujours chroniqueuse, je me déclarai contre, bien que l’immense majorité des Occidentaux fut alors pour. Aujourd’hui je lis dans La voix de la Russie un bref article intitulé « La guerre est finie, la Russie retourne en Irak ». Il se conclut ainsi : « Avant la visite de Nouri al-Maliki à Moscou, des sources à Bagdad notaient déjà que les pourparlers sont un signe que les autorités irakiennes ont l’intention de diversifier les liens économiques et politiques du pays en les soustrayant au contrôle des Etats-Unis. » Bravo les coalisés, c’est celui qui n’y était pas qui remporte la mise ! Dans tout ce qui n’est pas votre monde mais que vous voudriez contrôler, la Russie et la Chine sont en train de vous faire la nique, Amérique et consorts. Sans compter le moment où les peuples du Moyen-Orient ou d’Afrique, en train de se débattre pour renaître ou faisant leurs premiers pas, sauront marcher tout seuls, voire vous faire marcher.

Hier soir une journaliste de l’autre grand quotidien québécois, La Presse, m’a demandé par mail si je voudrais bien répondre à une interview téléphonique sur ma conversion à l’islam. Je lui ai dit que je préfèrerais le faire par écrit, à moins qu’elle ne s’engage à me montrer avant publication la retranscription qu’elle aurait faite de mes paroles, afin d’éviter malentendus et ambiguïtés. La dernière fois c’est le magazine Famille chrétienne qui m’avait fait dire que j’étais une pécheresse, mot que je me suis toujours bien gardé de prononcer, afin de ne pas conforter leur idéologie sournoise. Ils furent plus sournois encore en me le faisant dire malgré moi. C’est du viol et les journalistes le pratiquent volontiers pour faire dire à autrui ce qu’ils veulent dire eux-mêmes. La journaliste de La Presse ne m’a pas recontactée, et ce n’est pas plus mal.

Certains Amérindiens du Canada ont négocié avec les colons français ou blancs à leur arrivée ; ils ont ainsi évité d’être pourchassés, contrairement à d’autres tribus, comme les Lakotas (Sioux). Mais alors qu’eux ont accepté d’être confinés aux territoires qui leur étaient consentis, les Lakotas aujourd’hui ont rompu les traités qu’ils avaient signés avec les Etats-Unis, et que ces derniers avaient bien sûr violés à maintes reprises, pour déclarer leur propre République.

Il ne s’agit pas de remporter telle ou telle victoire ici-bas – elles sont si passagères, comme nous le voyons avec la Guerre du Golfe. Il s’agit avant tout de remporter la seule vraie victoire, la victoire dans l’au-delà de l’ici-bas, un au-delà bien au-delà de l’ici-bas et bien plus présent en nous que l’ici-bas : le domaine de la liberté. La liberté d’esprit, qui seule donne la vraie liberté effective, et l’assurance de traverser le temps – ce que nous appelons la vie éternelle, ici-bas comme ailleurs.

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alinareyes