Sortez d’entre les murs

Le problème de beaucoup d’hommes, surtout parmi les dominants – politiques, religieux, intellectuels, entrepreneurs, domestiques … est qu’ils ne savent pas faire l’amour. Leur mode d’existence est de se baiser les uns les autres, et de se faire baiser les uns par les autres. Ils ne connaissent pas le rapport à l’altérité. C’est pourquoi Jacques Lacan, croyant que son cas et celui de ses semblables était celui de tout le genre humain, prétendait qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Ils sont enfermés. Le rapport profond à l’autre, celui que l’Église a théorisé comme rapport trinitaire, le rapport aux autres de Jésus et de ses semblables en Dieu, les affole, menaçant de faire tomber les murs où ils demeurent enfermés dans leur fausse sécurité. D’où les massacres, les abus sur autrui et autres crucifixions. D’où leur dévotion au faux : fausse puissance, fausse humilité, fausse parole. Il n’est pour eux de rapport que faussé, contraint par les murs du faussé – fossé, pourrait dire Lacan. Ainsi va ce monde, les dominants avançant à marche forcée dans le faux avec leurs dominés, qui souvent s’ignorent, chacun dans ce système étant à la fois dominant et dominé, n’agissant en fait que sur prescription de la domination.

L’autre jour en marchant, passant devant un bouquiniste, je me suis prise à rêver soudain de n’être pas l’auteur de Voyage ni de Francis K, et de découvrir ces livres par la grâce de ce qu’on appelle hasard. Comme il m’arrivait souvent quand je n’achetais mes livres que chez des bouquinistes, découvrant des titres ou des auteurs dont je n’avais jamais entendu parler, avec la joie d’avoir trouvé sur le bord de l’eau, portée par la mer, une bouteille ayant voyagé dans le mystère du temps avec son message encore inconnu. Oui, il est beau de le vivre comme lecteur, et aussi, très, comme auteur. Ma parole navigue, et je suis ma parole.

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