La fausse lettre

Un coursier m’apporte ce matin un courrier venant de mon éditeur Robert Laffont, portant son étiquette. Il ne me fait rien signer, s’en va aussitôt. Le courrier contient un journal sur la Bourse, qui n’a rien à voir ni avec l’éditeur ni avec moi. J’appelle chez mon éditeur : personne, dans aucun service, ne m’a envoyé un courrier par coursier. J’en conclus qu’il s’agit encore de l’une de ces manœuvres destinées à me signaler la présence occulte des gens qui surveillent mon activité, au quotidien mais aussi chez mes éditeurs, m’empêchant ainsi de publier tant que je ne me rends pas à leur raison, tant que je ne leur livre pas Voyage et la règle des Pèlerins qui va avec. Voilà des années que cela dure, en vain.

Mon voyage en religion

arbre de vie,

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J’ai été élevée sans religion, quoique baptisée bébé pour contenter mes grand-parents. Mes parents étaient farouchement athées et anticléricaux, ils nous avaient instruits sur les méfaits du clergé, qu’ils avaient connus pendant leur enfance. Mais ils étaient communistes et croyaient au progrès, à la nécessité de libérer les peuples opprimés. Ce n’était pas une religion mais cela y ressemblait, la lecture quotidienne de l’Huma et les réunions de cellule en formant la liturgie. Comme je m’intéressais à la politique mais critiquais le communisme, mon père m’emmena un jour à l’une de ces réunions afin que je puisse en parler avec les camarades. Toute gamine, j’exposai à ces messieurs mes vues, essayant de les convaincre qu’une anarchie régulée par la responsabilité personnelle et le sens de la communauté formerait un monde bien plus accompli que leur système. Ils m’écoutèrent poliment, par respect pour mon père sans doute, et nous en restâmes là.

En 6ème je commençai le latin, en 4ème le grec. Avec ces langues, je découvris la mythologie antique, qui constitua pour ainsi dire ma première religion, une religion à laquelle il n’y avait pas à croire. Cela me convenait tout à fait : un enchantement du monde, sans contraintes. Je me mis à explorer aussi la mythologie égyptienne, puis je m’intéressai à l’hindouïsme, au taoïsme, au bouddhisme. Je recopiais dans un cahier les éléments que je trouvais dans des livres, avec aussi des écritures en langues orientales, sans les connaître mais pour le bonheur des signes. Parallèlement j’explorai aussi l’esprit en lisant Freud et un peu Jung, et toujours beaucoup de littérature et de poésie, notamment française et russe, bien sûr imprégnées de christianisme.

À dix-sept ans, lors de mon premier voyage, j’eus un contact inattendu, précis et extrêmement fort avec Dieu dans l’église-mosquée de Sainte-Sophie, à Istanbul. Je me cachai pour pleurer. Pendant très longtemps je demeurai comme je le disais « mystique mais athée ». C’est-à-dire, vivant dans l’expérience de Dieu, mais sans croire en Dieu, au sens où je voyais les gens croire en Dieu un peu comme au Père Noël. Je m’intéressai à l’art pariétal, visitant des grottes préhistoriques, allant voir des spécialistes, m’interrogeant sur le sens liturgique de ces œuvres. À la montagne, et notamment au cours de mes ermitages, mes expériences mystiques devinrent de plus en plus fortes et je finis par me tourner plus concrètement vers le christianisme, d’autant que la première ville en plaine était Lourdes. Je fis des retraites au carmel, où j’appris à prier selon le catholicisme. À Paris j’allai un peu au catéchisme, puis je retournai dans mes montagnes, munie d’une Bible en hébreu, d’un dictionnaire et d’une grammaire d’hébreu, et je me mis à apprendre, seule, suffisamment de cette langue pour traduire et commenter de longs passages de la Genèse et de l’Exode. Je me remis aussi au grec, et traduisis et commentai aussi de larges passages des Évangiles. Tout cela entra dans la composition de mon livre Voyage.

En retournant vivre à Paris, je passai régulièrement devant la Grande mosquée, tout près de chez moi. Je commençai à lire le Coran, un peu plus que je ne l’avais fait jusqu’à présent. Un jour, j’allai à la mosquée et demandai la permission d’y prier. On me demanda si je voulais me convertir. Je dis que je voulais seulement prier. C’était le milieu de la matinée, on me laissa aimablement entrer dans la salle de prière des femmes, en me disant que le Prophète avait dit qu’il était permis au musulman de prier partout. Je priai debout en silence pendant un peu plus d’une demi-heure, en compagnie des moineaux qui se faufilaient sous le toit. Quelques semaines plus tard, j’allai trouver un imam (du moins je suppose que c’en était un) dans un bureau de la mosquée, pour qu’il me fasse prononcer la shahâda.

Ainsi donc, des premières à la dernière religion, j’ai fait le parcours. Et je continue à marcher.

Palestine, ange dans la nuit de Jacob Israël

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une pierre au jardin des Plantes, photo Alina Reyes

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Si tant d’hommes n’avaient pas cédé au mal, nous aurions pu fonder l’œuvre que j’avais inventée pour pacifier la Terre Sainte. Des années durant, je les ai adjurés de renoncer au mal, avertis que je n’accepterais jamais de compromettre cette œuvre avec le mal. Ils ont seulement accumulé mensonge sur mensonge, tromperie sur tromperie, dissimulation sur dissimulation, attendant d’user ma résistance par des manipulations mentales mais aussi concrètes sur ma vie, attendant que je me soumette à leur propre volonté sur ma propre œuvre. C’est ce qui se passe avec la Palestine et sa propre terre. Or je n’ai jamais cédé, ne céderai jamais. Sans justice faite, pas d’accord, pas de paix.

Je voudrais juste les inviter à songer que s’ils ne s’étaient tous aussi mal comportés, en réseaux, l’horreur qui vient d’avoir lieu,  a déchiqueté des centaines d’enfants et de gens, ne se serait peut-être pas produite. Je voudrais juste les inviter à réfléchir à l’effet boule de neige sale que produit ce qui semble un « petit » mal que l’on fait en se faisant croire qu’il n’est pas grave, et qu’il peut aboutir à un bien. Le mal produit le mal. Qu’ils y songent, car cela continue, et on ne sait pas jusqu’où cela peut aller.

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1900 Palestiniens tués depuis le 8 juillet, dont plus de 400 enfants. Plusieurs centaines de milliers de déplacés, 400 000 enfants en état de choc.

Il n’y a aucun doute que les coupables le paieront.

Espérons pour eux et pour nous tous qu’ils le paieront devant les hommes, à la régulière, devant un tribunal international. Sinon, la sanction sera absolument terrifiante.

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Les nazis ont vraiment perdu, eux qui dans leur idéologie nihiliste voulaient anéantir les juifs : ils sont devenus des rois du monde.

Mais si les sionistes persistent à leur tour dans leur idéologie nihiliste, alors elle se retournera aussi contre eux, ils perdront tout et leurs victimes deviendront des rois du monde.

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Les deux Allemagne se sont bien réunifiées, malgré leurs différences politiques et de niveau de vie. Pourquoi Israël et la Palestine ne pourraient-ils le faire ? Devenir un seul et même État palestinien pour tous, sans ségrégation raciale comme aujourd’hui. Ils y trouveraient paix, renouveau et prospérité, pourraient devenir un paradis terrestre, icône et exemple pacifiant pour le monde. Une vraie Terre Sainte.

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«Le nom Israël empêche de penser, même les meilleurs penseurs» déclare Gil Mihaely, croyant ainsi anéantir les critiques d’Israël. S’il disait vrai, cela signifierait quoi ? Ce qui empêche de penser est la chose la plus néfaste qui soit. Israël serait donc la chose la plus néfaste qui soit ? Bien sûr que non, car elle donne à penser, et beaucoup. D’abord elle n’est pas une chose mais le nom d’un homme, le nom que Jacob a reçu après son combat dans la nuit avec l’ange. Jacob, confronté à l’usurpation qu’il a commise à l’encontre de son frère, a appris à sortir de la nuit,  de l’auto-aveuglement qui empêche de penser, et c’est ainsi qu’il a reçu son nouveau nom. Et c’est parce qu’il a nom d’homme qu’Israël doit être critiqué et combattu, comme tout homme, quand il retourne à l’inhumanité. Tel l’ange, nous combattrons Israël dans son déni avec l’arme de la vérité, jusqu’à ce qu’il y vienne, pour son salut et celui de tous.

Du ciel vient ce qui sauve

J’ai plusieurs livres en cours, dont un roman presque fini, mais à cause de la surveillance organisée depuis quelques années pour me forcer à livrer Voyage et l’ordre des Pèlerins d’Amour à qui je ne veux pas les livrer, je ne peux écrire tranquillement ni publier librement. Or voici qu’un nouveau livre m’est venu, par la grâce d’un rêve que le ciel m’a envoyé hier. Hier j’ai commencé à l’écrire et ce matin, au réveil, je suis restée longuement sans bouger, à mettre en place la suite dans ma tête. Je crois que celui-ci dénouera la situation. Du ciel vient ce qui sauve. Il sauvera non seulement ma famille et moi, mais aussi beaucoup de monde.