Journal

a b c d e fune fresque signée Baudelocque, boulevard Raspail à Paris

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L’architecture de l’écriture. L’architecture de mon esprit, corps et âme, où je vais la nuit, pénétrant toujours plus avant, ouvrant toujours de nouvelles portes.

Le jour est le rêve de la nuit, le réel vit dans la nuit, et de ce réel unique sortent, ahuris comme des nouveau-nés, les agitations et les figures mal-voyantes du jour que les hommes appellent réalité.

Ceux qui, souvent sans savoir le grec, se permettent de juger le grec de tel ou tel évangéliste parce qu’ils ont entendu dire que le grec de celui-ci était meilleur que le grec de ceux-là… Les mêmes qui disent toujours n’importe quoi, parce qu’ils répètent ce qu’ils croient savoir, ce qu’on dit. En tout cas, selon ma propre lecture des textes, le grec de Jean, âpre et brut, parfaitement singulier, est extrêmement beau.

Pétrole. Neige. Crash.

Recalée par mon éditeur. Le manuscrit que je lui ai remis n’est pas moins bon que ceux qu’il a publiés au cours des années précédentes, et grâce auxquels il a gagné beaucoup d’argent (beaucoup plus que moi). Seulement je suis blackoutée depuis trop longtemps sans doute, et puis l’éditeur a changé, le précédent me faisait confiance et me suivait – me voici maintenant comme ces ouvriers qu’on renvoie alors qu’ils ont fait tourner l’usine toute leur vie. Voilà, on n’a plus besoin d’eux, on n’a plus besoin non plus de produits de la même qualité, on en fabrique ailleurs à moindre coût et s’ils sont jetables, tant mieux, ça fait tourner l’industrie. Et chaque fois que je sors dans Paris, il me semble qu’il y a de plus en plus de pauvres dans les rues – qui y circulent, ou qui y vivent.

Nous sommes sans argent, mais nous sommes vivants et nous ne sommes pas sans ressources. Courage, et confiance.

Synode à Rome sur la famille

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Ces messieurs sans femme ni enfants se sont réunis pour définir ce que doit être ce qu’ils ne vivent pas. Je salue l’ouverture que le pape François – malgré sa misogynie – mettait en œuvre bien avant d’être pape sur ces questions, et la continuité de son travail, qui aurait grand besoin d’être soutenu par un travail des théologiens. Un mariage ne peut pas être nul ni être annulé. Un mariage est un mariage, qu’il soit « réglementaire » ou non, avec ou sans papiers. Donc il implique des responsabilités, la première étant le respect du partenaire et le respect de l’union qui a eu lieu, même en cas de séparation. Il est impossible de faire qu’un mariage ne soit pas un mariage, du moins s’il a été consommé. (Même s’il se peut que des célibataires ne comprennent pas cela). « Et ils furent une seule chair ». Quant au corps du Christ, lui-même se distribuait à tous, et donna raison à l’étrangère qui lui fit remarquer que les petits chiens ayant le droit de manger les miettes sous la table, sa fille comme tous les « enfants » de Dieu avaient droit à son « pain », celui que donne le Messie.

Les catholiques ne sont pas obligés d’admettre que la parole des hommes, en l’occurrence celle du clergé, passe avant celle de Dieu. Ce n’est pas parce que l’Église s’est trompée là-dessus pendant des siècles qu’elle ne doit pas admettre son erreur et se corriger, en reconnaissant humblement la leçon de Dieu. Le clergé n’est pas Dieu, et les hommes ne peuvent prétendre mieux savoir que Jésus à qui Jésus se distribue. Dieu a donné l’exemple à suivre via Jésus. Jésus se distribuait à tous et à toutes sans discrimination. Jésus ne créait pas d’exclusion. Croire que le Christ ne se donne qu’à certains, c’est être polythéiste. Depuis le Christ, le peuple élu ne peut plus désigner seulement le peuple à qui il s’est révélé en premier (ce qui est d’ailleurs faux, tous les hommes ont toujours eu connaissance de Dieu, même si cette connaissance s’exprimait moins clairement que dans la Torah), mais toute l’humanité. L’unicité de Dieu fait l’unicité de l’homme. Personnellement, j’ai communié pour la première fois de ma vie sans demander l’autorisation à personne, et j’ai ensuite continué de la même manière : quand je m’y sentis appelée par Dieu, et par nul autre. C’est Dieu qui décide. Rien ne nous empêche de communier, si un prêtre s’y refuse il suffit de changer de paroisse. Le clergé d’en haut n’a déjà plus beaucoup d’autorité, les chrétiens savent très bien décider par eux-mêmes s’ils doivent ou non utiliser les moyens contraceptifs par exemple. S’il veut finir de perdre toute autorité et devenir parfaitement inutile, qu’il continue ainsi. Si L’Église tombe, Jésus la relèvera, sous une autre forme, plus juste et plus vivante.

Parler de miséricorde, comme le font certains, pour progresser sur ces questions, fait un peu dame patronnesse. Il faudrait penser sérieusement, notamment, au sens de l’eucharistie. Il ne s’agit pas d’un signe, comme j’ai entendu un cardinal le dire, mais d’une nourriture. Cela aide à comprendre qu’il ne s’agit pas de l’accorder par miséricorde, mais que c’est un devoir des chrétiens de la donner à qui la veut. Dieu en a fait un droit pour les hommes : quand il envoie la manne, c’est pour tous. Avant cela, quand il crée le jardin, ses fruits sont pour tous (mais tous les fruits ne sont pas pour l’homme). Il y a des approfondissements considérables à faire sur ces questions. Il y faut un travail de théologie, soutenu par la prière et non par des considérations pratiques ou même seulement de bienveillance.

à lire aussi sur les questions du couple et de la famille, en téléchargement gratuit, mon livre Charité de la chair

La stratégie du choc, par Naomi Klein (9) La crise comme moyen de faire plier les travailleurs et la démocratie

1297362-437792-jpg_1175205_434x276manifestation de joie lors de la mort de Margaret Thatcher, l’année dernière

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Nous lisons maintenant le chapitre 6 de ce fameux livre.

« Thatcher et Pinochet deviendraient plus tard de grands amis. (…) Malgré toute l’admiration qu’elle vouait à Pinochet, Thatcher ne se montra nullement enthousiaste lorsque Hayek lui suggéra pour la première fois d’imiter les politiques du général. En février 1982, elle exposait le problème en toute franchise dans une lettre privée adressée à son gourou intellectuel : « Vous conviendrez, j’en suis sûre, que certaines des mesures prises au Chili seraient inacceptables en Grande-Bretagne, où il existe des institutions démocratiques… » (p. 163)

« S’il avait aidé les Chicago Boys à prendre le pouvoir au Chili, Nixon avait adopté une politique intérieure toute différente – incohérence que Friedman ne lui pardonnerait jamais. » (p.165)

« Thatcher se battait pour son avenir politique – et ce fut un triomphe spectaculaire. Au lendemain de la victoire des Malouines, qui coûta la vie à 255 soldats britanniques et à 655 Argentins, la première ministre faisait figure d’héroïne, et son surnom de « dame de fer », autrefois péjoratif, se mua en louange. (…) Le nom de code de la riposte britannique à l’invasion argentine était « Opération Corporate ». Bien que bizarre, il se révéla prémonitoire. Thatcher utilisa l’énorme popularité que lui valut la victoire pour lancer la révolution corporatiste qui, ainsi qu’elle l’avait elle-même avoué à Hayek, était impossible avant la guerre. Lorsque les mineurs de charbon déclenchèrent la grève, en 1984, Thatcher fit comme si l’impasse était le prolongement de la guerre des Malouines et exigeait la même brutale détermination. Elle eut alors cette formule mémorable : « Nous avons dû nous battre contre l’ennemi extérieur aux Malouines ; nous devons maintenant nous battre contre l’ennemi intérieur, qui est beaucoup plus coriace mais tout aussi dangereux pour la liberté ». Ayant transformé les travailleurs britanniques en « ennemi intérieur », Thatcher lança contre les grévistes toute la force de l’État. Au cours d’une seule confrontation parmi de nombreuses autres, 8000 policiers anti-émeute armés de matraques, dont bon nombre à cheval, prirent d’assaut des manifestants et laissèrent 700 blessés dans leur sillage. À la fin du long conflit, le nombre de blessés s’élevait d’ailleurs à plusieurs milliers. » (pp 171-172)

« En 1985, Thatcher gagna aussi cette guerre-là : les travailleurs avaient faim et ne purent plus tenir ; en fin de compte, 966 d’entre eux furent congédiés. Revers dévastateur pour l’un des syndicats les plus puissants de la Grande-Bretagne. Le message envoyé aux autres était limpide : si Thatcher était prête à tout sacrifier pour mater les mineurs de charbon, dont le pays avait besoin pour s’éclairer et se chauffer, il serait suicidaire pour les syndicats plus faibles et produisant des biens et des services moins essentiels de contester le nouvel ordre économique. Mieux valait accepter docilement l’offre du gouvernement. Quelques mois après son arrivée à la Maison-Blanche, Ronald Reagan avait lancé un message similaire en réaction à une grève des contrôleurs aériens. En ne se présentant pas au travail, déclara-t-il, « ils ont renoncé à leur emploi, et leurs contrats de travail seront résiliés ». Il congédia d’un seul coup 11 400 travailleurs exerçant un métier essentiel – choc dont le mouvement syndical des États-Unis ne s’est pas encore complètement remis.

En Grande-Bretagne, Thatcher utilisa sa double victoire contre l’Argentine et les mineurs pour faire faire un bond considérable à son programme économique radical. Entre 1984 et 1988, le gouvernement privatisa notamment les sociétés British Telecom, British Gas, British Airways, British Airport Authority et British Steel, sans compter la vente de sa participation dans British Petroleum. » (pp 172-173)

« Le genre de crise que Friedman avait en tête était économique et non militaire. (…) Les crises…, « moments vacants » au cours desquelles les règles habituelles touchant le consentement et le consensus ne semblent pas s’appliquer. » (p.174)

à suivre

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