Des rats et des hommes

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Lucian Freud, Homme nu avec rat

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« Hier soir j’ai traversé Londres pendant le match, il n’y avait pas un rat dans les rues », me dit O, ravi. Avant de se rendre compte de ce qu’il venait de dire et d’ajouter en riant : « pas un rat, si je puis dire ». C’est que, venant de passer dix jours avec un descendant de Sigmund Freud, l’un des nombreux enfants de Lucian Freud, il a subi dix jours de cauchemar avec cet homme qui s’est révélé obsédé par les rats, suite à une histoire bien freudienne qui laisse sa cave scellée et pleine de rats morts, dont l’odeur empeste son appartement, qu’il quitte donc régulièrement pour aller dormir à l’hôtel, parlant vingt fois par jour des rats, prononçant le mot de façon brusque et rauque, impressionnante.

Et je songe bien sûr à L’homme aux rats, l’un des plus fameux, ou le plus fameux des récits cliniques de Freud. Et aussi à la phrase du même Freud à Jung (selon Lacan), lors de leur arrivée par bateau aux États-Unis, en 1909 : « Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste ». Or, qu’est-ce qui apporta la peste par bateau, sinon les rats ?

Dans la tragédie grecque Oedipe, à cause de son inceste, a apporté la peste dans la cité. Les néo-Gobineau médiatiques qui comme l’homme aux rats ont la phobie d’être envahis par quelque fantasmatique corps étranger, ceux qui parlent d’un pays comme d’une « race blanche », ceux qui voudraient un pays sans mélange, incestueux donc, font comme les rats le lit et le chemin de la peste… brune.

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