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Après Le voyage de Chihiro avant-hier, j’ai regardé Le château ambulant hier. Merci Miyazaki. Quand on ne peut pas se déplacer physiquement, au moins se déplacer en pensée. Je suis aussi allée faire rapidement des courses, mais je compte ne pas y aller plus de deux fois par semaine et ne pas sortir pour autre chose. J’ai été contaminée et je suis tirée d’affaire mais je ne veux pas risquer de propager le virus alors qu’il se répand largement. J’ai vu encore trop de gens peu soucieux de la sécurité de tous. C’est ainsi, par l’aveuglement délibéré, qu’on s’engage dans le crime.
C’est un grand raout évangélique qui a été l’un des principaux foyers de dissémination du coronavirus dans le pays – les deux mille qui s’y donnaient la main venaient d’un peu partout et y sont retournés porter l’infection. Qu’est-ce qui est le plus grave, la stupidité ou la nullité ? Ces maladies contagieuses ont investi les librairies et les lieux de culte. Le coronavirus les a fermés, il nous laisse le soin de les désinfecter, ainsi que tous les autres lieux de pouvoir infectés.
Pourquoi des journaux confient-ils à des femmes imbéciles le soin de tenir dans leurs pages un « journal de confinement » ? S’ils veulent de l’indignité pour faire le buzz, ce ne sont pourtant pas les hommes imbéciles qui manquent dans l’édition. On voudrait discréditer les femmes, on ne s’y prendrait pas mieux. Le confinement ne peut que rendre un·e auteur·e médiocre encore plus médiocre. La pratique de la chronique dans la presse aussi – car les auteurs y sont livrés à eux-mêmes, alors que dans l’édition leur piètre production est vernie par les éditeurs afin qu’elle soit vendable.
Ces dames, nées et demeurées grandes bourgeoises, font donc dans Le Monde et Le Point leur Marie-Antoinette. Le peuple sur les réseaux sociaux l’a bien saisi, ce qu’elles disent malgré elles, c’est : si les gens du peuple se plaignent d’être confinés dans leurs étroits appartements, qu’ils aillent comme elles dans leur Petit Trianon ! Elles feraient mieux de réfléchir à ce qui pourrait arriver à leurs petites têtes, à leur retour de Varenne.
L’argent et la renommée achètent bien des choses et des gens, mais ils ne protègent pas de tout. Et surtout pas du déshonneur. Mais là où croît le déshonneur, croît aussi l’honneur. Et la pandémie nous révèle nombre d’artistes de l’honneur, à commencer par les soignantes et soignants que les confinés applaudissent chaque soir à leurs fenêtres d’immeubles. Artistes de l’honneur aussi, les éboueurs qui ramassent les poubelles et nous évitent ainsi davantage d’infection, alors même que les hommes « de pouvoir » sont incapables de leur fournir des masques et de quoi se protéger de l’épidémie, comme à bien d’autres qui sont au front : des ouvriers, des caissières, des employés, des policiers et des gendarmes, des pompiers… Honneur à tous ceux, toutes celles qui sauvent l’honneur au combat. Tous ceux que Macron et son monde ne voient pas, ne voient que comme des « riens » corvéables – c’est pourquoi Macron lors de son allocution ne s’est adressé en fait, en recommandant aux confinés de lire, qu’à son monde, le monde des bourgeoises et des bourgeois chroniqueurs et lecteurs de chroniqueurs. S’il s’était adressé au peuple entier et non à sa classe seulement, il se serait abstenu de recommandations paternalistes, ou du moins aurait pu recommander de lire mais aussi de jouer aux jeux vidéos, d’écouter du bon son, de cuisiner, de faire des abdos à la maison… Le fait est que le moment que nous vivons révèle combien tant de « ceux qui ne sont rien » sont précieux, alors que tant de « ceux qui ont réussi » sont bons à rien.
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