Grâce

Heureuse et bienheureuse dans mon corps et dans mon esprit. Musclée, agile, au psychique et au physique. En grec, pour saluer, on dit χαῖρε : « réjouis-toi », enjoy, mais en plus de la joie il y a dans ce mot, d’abord, la grâce – c’est le mot qu’on entend dans « charisme ». Le grec est à mon sens la plus belle langue que je connaisse, surtout le grec d’Homère, chamarré, composite, antique et atemporel, brut et extrêmement subtil. La joie m’inonde tout le temps que je passe à le traduire, comme pendant le yoga. Souvent je dois m’arrêter parce que l’émotion me submerge, ou parce que s’ouvre devant moi une perspective jusque là inouïe, que je prends le temps de contempler. Ma langue de traductrice se libère à mesure de l’avancée dans le texte, à mesure que j’y suis de plus en plus chez moi, comme Ulysse toujours plus près de son retour à la maison. Alexandre le conquérant emmenait partout avec lui un coffre contenant les œuvres d’Homère. Selon Plutarque, le poète lui apparut un jour en rêve et lui désigna, par deux vers de l’Odyssée, l’île de Pharos, où s’implanter – île qui a donné, d’après son fameux phare d’Alexandrie, son nom aux phares. « Pharos » est aussi le mot par lequel Homère désigne la toile que tisse Pénélope, et la voile d’un navire, et le manteau des femmes ou des hommes. La beauté du regard d’Homère, aussi bien sur les femmes que sur les hommes, est unique, illuminante.

… et voyez aussi mes deux derniers livres !

alinareyes