Voir aussi mon article : « Les Contemplations » ou la pensée sauvage de Victor Hugo
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Donc ne nous disons pas : – Nous avons nos étoiles.- 
Des flottes de soleils peut-être à pleines voiles 
Viennent en ce moment ; 
Peut-être que demain le Créateur terrible, 
Refaisant notre nuit, va contre un autre crible 
Changer le firmament. 
Qui sait ? que savons-nous ? sur notre horizon sombre, 
Que la création impénétrable encombre 
De ses taillis sacrés, 
Muraille obscure où vient battre le flot de l’être, 
Peut-être allons-nous voir brusquement apparaître 
Des astres effarés ; 
Des astres éperdus arrivant des abîmes, 
Venant des profondeurs ou descendant des cimes, 
Et, sous nos noirs arceaux, 
Entrant en foule, épars, ardents, pareils au rêve, 
Comme dans un grand vent s’abat sur une grève 
Une troupe d’oiseaux ; 
Surgissant, clairs flambeaux, feux purs, rouges fournaises, 
Aigrettes de rubis ou tourbillons de braises, 
Sur nos bords, sur nos monts, 
Et nous pétrifiant de leurs aspects étranges, 
Car dans le gouffre énorme il est des mondes anges 
Et des soleils démons ! 
Peut-être en ce moment, du fond des nuits funèbres, 
Montant vers nous, gonflant ses vagues de ténèbres 
Et ses flots de rayons, 
Le muet Infini, sombre mer ignorée, 
Roule vers notre ciel une grande marée 
De constellations !
Victor Hugo, « À la fenêtre pendant la nuit » IV, in Les Contemplations
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