Le moment arrive

Saussure, les Pèlerins d'Emmaüs

 

J’attendais ce moment, celui de pouvoir acheter un billet d’avion et d’avoir les moyens de partir quelque temps en Israël, où je veux fonder les Pèlerins d’Amour. Ce moment est maintenant tout proche. Je vais y aller, je vais commencer à faire moi-même la Pèlerine, avec un minimum de moyens, en marchant et en allant prier dans les mosquées, dans les églises, et même ailleurs si c’est possible. J’écrirai là-bas un livre sur l’être du Messie. La publication de Voyage aura lieu quand Dieu le voudra, en attendant je vais préparer les chemins. Incha’Allah.

Le premier lieu sur lequel je suis tombée en regardant sur google, c’est l’abbaye bénédictine d’Abou Gosh. Je commencerai peut-être par là, s’ils peuvent me recevoir. Ils sont à dix mètres de la mosquée, et ils vivent dans le désir d’ouverture. Nous verrons bien. Ce village à l’histoire contemporaine particulière était peut-être, du temps de Jésus, le village d’Emmaüs, où il est apparu ressuscité, en chemin avec deux de ses disciples. Allahou akbar. Loué soit Dieu.

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Je suis une chrétienne musulmane

photo Alina Reyes
photo Alina Reyes

 

Je suis chrétienne, c’est évident, en vérité le Christ est en moi, son esprit, son cœur, son âme sont en moi, vivants, agissants.

Je suis musulmane, c’est évident aussi, non seulement au sens où tous les vrais croyants le sont, au sens où musulman peut se traduire « soumis à Dieu » ou « en paix avec Dieu », mais aussi parce que je comprends le Coran, je vois qu’il est descendu de Dieu par Mohammed son messager, j’aime l’islam.

Je suis une chrétienne musulmane, qui prie cinq fois par jour selon l’islam, une chrétienne à qui la Fatiha vient aux lèvres dès qu’elle est dans la joie, une musulmane qui peut aussi, entre la prière de l’aube et celle du milieu du jour, ou après celle de la nuit, ou dans d’autres moments, dire la prière du cœur en russe, ou une autre prière chrétienne.

Je n’en témoigne pas comme d’un modèle à suivre, seulement comme des merveilles que Dieu peut faire dans des êtres quand il veut se dévoiler au monde de nouveau. Je ne cherche pas à prôner le syncrétisme, mais le partage et l’échange qui débouchent sur une nouvelle intelligence.

Tel sera le rôle des Pèlerins d’Amour, et c’est pourquoi, afin d’ouvrir la voie, je dois pouvoir d’abord le vivre en moi, au sein des peuples qui m’habitent et ne font qu’un, comme ils le vivront au sein des peuples. J’ai toute confiance, et je rends grâce pour toute cette confiance qui me tombe du ciel comme une pluie bienfaisante.

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Quelques cairns du ciel sur le chemin, ces derniers temps

photo Alina Reyes

 

Le 20 octobre (jour de ma sainte patronne), le Gave est entré en crue énorme et a inondé les sanctuaires de Lourdes, avec lesquels j’avais une affaire particulière à « laver » ;

le 9 février (jour de mon anniversaire), la neige est tombée en avalanche sur mon village à la montagne, qui dut être évacué et resta ensuite plusieurs jours sous les feux de l’actualité… Barèges où s’écrivit et où se passe en grande partie Voyage, primitivement intitulé Un chemin dans la neige ;

le 11 février, jour de Notre-Dame de Lourdes et jour où Benoît XVI a annoncé sa renonciation, la foudre a touché Saint-Pierre de Rome ;

le 15 février, jour où, un peu après minuit, j’ai annoncé, en l’illustrant d’une photo que j’avais faite à l’église de Luz-Saint-Sauveur d’une pluie de lumière, que j’étais arrivée au bout du Voyage, comme « miraculeusement » reconstruit, avec ses fulgurances… quelques heures plus tard une météorite a déchiré et illuminé le ciel et la terre en Russie, pays d’éminente importance dans ma spiritualité et l’inspiration de l’ordre des Pèlerins d’Amour, à la fin de Voyage ;

le 28 février, jour où Benoît XVI, dans l’année de ses 86 ans, s’est retiré du monde, mon père, dans l’année de ses 86 ans, de façon inattendue car sa santé physique était encore correcte, est mort.

Des cairns, des signes sur le chemin, il y en eut beaucoup d’autres, comme celui de la mue de serpent à Éphèse, lié de façon très précise à l’histoire de la maison de Marie et à une prière du pape, à laquelle répond Voyage. Certains diront que tout cela est l’effet du hasard, ce merveilleux mot d’une langue, l’arabe, qui sait qu’en vérité le hasard ne vient pas par hasard.

Nous allons dans le bon sens, nous continuons.

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Le Cantique des Créatures

chez lui, chez nous quand nous étions enfants, photo Alina Reyes

 

Il est mort ce matin à 6h10, juste au point de l’aube,  dans l’année où il allait avoir 86 ans, et dans le bâtiment où il fut transporté cette nuit, le même où sont nés mes deux fils aînés.

Presque aussitôt mes yeux se sont portés sur le Cantique des Créatures, qui est scotché au mur, tout près. Le voici, de Francesco di Bernardone pour Francis Nardone, du « Petit pauvre » d’Assise pour un autre petit pauvre, fils d’Italien, joyeux, discret, chanteur et musicien amateur, plâtrier de métier, étendeur de blanc, mon petit père, mon enfant, qui ne fut pas un saint mais ne fit jamais le mal délibérément, vécut en enfant et mourut à la fin de cette nuit en enfant, rendu à l’innocence par la maladie qui lui conserva seulement les beaux souvenirs de sa jeunesse.

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Très-Haut, Tout puissant, Bon Seigneur,
à Toi louange, gloire, honneur,
et toute bénédiction,
à Toi seul, ô Très-Haut, ils conviennent,
et nul n’est digne de dire ton nom.

 

Loué sois-tu mon Seigneur,
avec toutes tes créatures,
et surtout Messire frère Soleil,
lui, le jour dont tu nous éclaires,
beau, rayonnant d’une grande splendeur,
et de toi, ô Très-Haut, portant l’image.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour soeur la Lune et les étoiles
que tu as formées dans le ciel,
claires, précieuses et belles.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour frère le Vent,
et pour l’air et le nuage et le ciel clair
et tous les temps par qui tu tiens en vie
toutes tes créatures.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour soeur Eau, fort utile,
humble, précieuse et chaste.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour frère Feu, par qui s’illumine la nuit,
il est beau, joyeux, invincible et fort.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour soeur notre mère la Terre
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits,
et les fleurs diaprées et l’herbe.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour ceux qui pardonnent par amour pour toi,
qui supportent épreuves et maladies,
heureux s’ils conservent la paix, car par toi,
Très-Haut, ils seront couronnés.

 

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour notre soeur la Mort corporelle
à qui nul homme vivant ne peut échapper.
Malheur à ceux qui meurent en péché mortel,
heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté,
car la seconde mort ne pourra leur nuire.

 

Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâces et servez-le,
tous en toute humilité!

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Une promenade spirituelle

Aujourd’hui c’était l’anniversaire de Jo. 17 ans. Comme cadeau, il avait demandé des partitions. Je suis donc partie en chercher, quai des Grands-Augustins. Mais en arrivant près de Notre-Dame, j’ai eu envie d’y aller d’abord. Pour ses 850 ans, ils ont installé sur le parvis une structure sur laquelle on peut monter, j’ai fait la photo de là.

J’ai eu très envie d’y entrer, aussi, mais la file d’attente s’étendait bien au-delà du point zéro des routes de France. Je suis repartie.

J’ai retraversé la Seine, et je suis allée dans la petite librairie musicale, compulser les partitions. J’ai choisi un livret qui comporte plusieurs pièces de Bach, Beethoven, Chopin, Schubert, Liszt, Couperin, Mozart, Mendelssohn. Et la partition de Rhapsody in blue, de Gershwin, et celle de Für Alina, d’Arvo Part. Il va pouvoir s’en donner à coeur joie.

Place Saint-Michel, tandis que l’Archange inlassable terrassait le dragon, un pianiste jouait, des passants écoutaient et passaient. Plus loin, rue Monge, je suis entrée dans la librairie Notre-Dame de France, où j’ai parcouru assez longuement et avec plaisir les rayons d’ouvrages catholiques traditionnalistes ou classiques – plusieurs m’ont tentée, mais j’avais assez dépensé avec les partitions.

Avant de rentrer à la maison, j’ai eu envie de m’approcher de la Grande mosquée, que j’aime comme j’aime Notre-Dame. En la regardant depuis le square, j’ai remarqué que le revêtement vert de l’aire de jeux rappelait un tapis de prière, et le toboggan un mirhab. Le monde n’est-il pas merveilleux ?

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photos Alina Reyes

Voyage, la maison

4 mai 2010, en descendant de chez moi, avant d'y remonter quelques jours plus tard, pour encore de nombreux mois, seule (photos Alina Reyes)

 

Ma petite maison de pierre là-haut dans la montagne, dont j’ai dû me défaire, en vérité c’est la maison de Dieu, et elle le restera. Voyage aussi, c’est elle. Et il ne sera jamais permis que je laisse les faussaires corrompre sa parution.

Ce n’est pas seulement la maison, c’est la forêt, c’est la montagne, qui sont vivantes et qui me connaissent, et je leur serai fidèle, je veillerai à rester digne d’elles. Les gens ne comprennent rien parce qu’ils ne connaissent pas du tout Dieu. Ils ne comprennent absolument rien à ma démarche, ils ne comprennent pas que Voyage doit être préservé de la souillure. Ils ont les yeux malades et le nez bouché, la souillure ils ne la voient pas, ne la sentent pas, vivent dedans, la font, la vantent, croyant que là est l’ordre des choses.

Tant d’hommes sont malades. Ils ne se guériront pas avec des pansements souillés, des remèdes pourris. Ils ont fait de la vérité, de l’amour, de la littérature, des choses viciées, morbides. Ils ne savent, avec leurs instruments sales, que creuser un peu plus chaque jour la tombe de l’humanité. Même si je meurs, le diable ne sera pas autorisé à mettre la main sur ce livre. Quand Jésus tend l’autre joue, celui qui est assez mauvais pour ne pas renoncer à le frapper de nouveau, sa main s’y brûle, en prémices du feu éternel. Mais Jésus reste intact.

Beaucoup d’autres hommes marchent dans un chemin de lumière douce et fraîche comme la neige. Je suis la foi.

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