Saveurs de mon homme

 

Mon homme sent bon et il a bon goût.
Je ne dis pas ça parce qu’il m’a choisie,
je parle du goût de sa chair en bouche
et dans son odeur, de son plein de vie.

 
Partout dans mon corps sont des nids d’amour
pour lui.

 
Jour et nuit ses bras, moi dedans et lui
dans mes jambes.

 
Après l’hiver arbre gorgé de fruits
que nous dévorons.

 

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Écrit ce matin au point de l’aube

 

De la bibliothèque Mazarine à la Sorbonne

Plaque au Pont des Arts

Plaque au Pont des Arts, en hommage à Vercors et aux ouvriers du livre qui, « au péril de leur vie sous l’occupation nazie, ont permis à la pensée française de maintenir sa permanence et son honneur ». En un temps de déshonneur, comme aujourd’hui.

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Il y avait vingt-deux ans que je n’étais pas allée travailler à la bibliothèque Mazarine. Mais j’étais dans leur ordinateur, en me faisant une carte le bibliothécaire m’a dit : « Vous habitez toujours rue Princesse ? » Non, un peu plus loin maintenant, mais comme mon cœur palpitait d’entrer de nouveau ici !

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D’abord, j’ai contemplé la Seine depuis le Pont des Arts, comme pour me préparer à l’amour.

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Puis j’ai traversé le quai de Conti. M’y voici.

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« Bibliotheca », tu te souviens d’O et moi, n’est-ce pas, qui venions tous les jours, un temps, jeunes amoureux beaux et ardents ? Je le porte avec moi, nous revoilà.

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Je ne peux pas déranger les étudiants et les autres personnes qui travaillent avec mon appareil photo, je m’en vais donc tout au fond d’une salle pour faire rapidement une image. Toujours aussi amoureuse des rayonnages de vieux livres pivotants, de chaque côté des tables de travail et à l’étage.

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Quand je suis ressortie, vers la fin de l’après-midi, il pleuvait fort. J’ai jonglé avec mon parapluie et mon appareil pour faire encore quelques photos sur le chemin du retour.

L’étroite rue de Nevers, avec le panneau du Highlander Scottish Pub, toute luisante

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Place Saint-Michel et à côté

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Je suis passée par le jardin médiéval du musée de Cluny, où des jeunes parlaient assis à l’abri des pierres

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et au square Paul Painlevé, où Romulus et Rémus tétaient l’eau du ciel

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tandis que je me battais avec mon appareil pour en tirer encore quelques images, les piles étant à plat

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Après une dizaine d’essais infructueux (n’ayant pas trouvé de piles en chemin), j’ai fini par réussir à saisir Montaigne, face à la Sorbonne, rue des Écoles, avec sa chaussure porte-bonheur aux examens, luisante de frottages estudiantins et de pluie. Et j’ai poursuivi jusque chez moi sous cette belle lumière, ici rue Cujas le long d’un bâtiment de la Sorbonne Paris 1.

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cet après-midi à Paris 6e et 5e, photos Alina Reyes

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Rire & rerire

Éclaté de rire en rêve cette nuit. Ça m’a réveillée et j’ai continué à rire, rire, rire.

Ce matin je me rappelle de cet autre éclat de rire en rêve, il y a près de quarante ans, qui m’avait réveillée aussi après avoir rêvé que j’étais une grande baleine blanche contre laquelle de tout petits chasseurs n’avaient rien pu faire, comme je l’ai raconté plus tard dans mon livre Ma vie douce.

Admirons la puissance de l’esprit.

Les jeunes filles qui viennent à la maison me disent qu’elles aiment mes ongles multicolores. J’ai songé cette nuit qu’avoir rendu ainsi hommage à Laura Dern dans Twin Peaks The Return, c’était saluer Lula dans mon film préféré du même David Lynch, Wild at Heart, qui représentait pour moi, avec son Sailor, O et moi, dans notre épopée amoureuse – comprenant un road trip aux États-Unis. On the road again.

 

chrysler,-minsur la route aux États-Unis dans notre Chrysler décapotable, 1990, photo O

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Parade

La situation de Julian Assange est comparable à celle des Palestiniens. Des forces de mort essaient de détruire ceux et celles qui incarnent des vérités. Elles perdront, elles perdent toujours – après avoir trop souvent fait beaucoup de mal.

Sale journée hier pour la liberté de la presse et pour l’honneur de la « France, terre d’asile ». Nul n’est à l’abri des lois mais personne ne doit être abandonné au risque de torture et de mort. Assange a déjà subi la torture du confinement pendant sept ans, qui l’a terriblement affaibli : les images de sa sortie sont une honte pour l’humanité. Les forces de mort n’existent que par leurs légionnaires, leurs soutiens cupides, intéressés, peureux, avides de sécurité face aux exigences de la justice.  Toute la misère de l’humanité est dans sa volonté de puissance.

Benoît XVI dit dans une interview que la pédophilie dans l’église vient de mai 68. Rimbaud en a été victime, pourtant, comme je l’ai montré. Il dit que l’église ne doit pas être faite par les hommes, mais par Dieu. Mais le fait est qu’elle a toujours été faite par les hommes, et spécialement les humains de sexe masculin. Elle a toujours été faite comme une volonté de puissance des uns sur les autres et son corollaire, la volonté de soumission des uns aux autres. Elle est faite à l’image du monde, non à celle de Dieu.

Mais la nature est plus forte que la volonté de puissance des hommes. À laquelle il faut opposer la puissance réelle de l’amour. Balade en amoureux hier au jardin, toutes ces fleurs, sexes sous le ciel, c’est très érotique.

 

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printemps 6-minHier au jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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Joie, je, tout

 

Se lever tôt, remplir de thé une carafe thermos, se mettre au travail, travailler comme une reine. Je suis au chantier. J’adore être au chantier. Exercer mon âme d’architecte, de maçonne, construire avec des mots, des phrases, des textes.

J’ai dans mes vingt ans ; sous certains aspects, même avant. Je suis si pleinement heureuse que je me demande comment il est possible que cela augmente pourtant, de jour en jour et de nuit en nuit.

J’ajoute dans mon bureau des plantes, des fougères. J’ai l’insouciance de la jeunesse, la paix de la vieillesse. J’ai l’amour et j’ai la joie. J’ai le génie, j’ai l’admiration du génie humain et du génie de la nature, dont le génie humain fait partie. J’entends le merle chanter à l’aube. Après le thé, je bois du café. Je mange des tartines aux confitures des îles, reçues en cadeau, comme les homards mangés le soir que quelqu’un d’autre nous offre en ce moment. Je me rappelle tous mes voyages. Aller loin n’est pas faire des milliers de kilomètres en avion, aller loin est aller loin dans l’aller. Et dans le retour. Tel est le voyage. Rare.

Le rare est le commun. Le rare commun est le luxe. J’ai toujours vécu dans le luxe. Je suis faite pour le luxe. Je vis dans le luxe : le luxe est la vie donnée, accueillie loin en soi. Je suis l’amour, la vie, la joie, la bienheureuse, je les cueille et je les distribue, me distribue, si pleine que je dois déborder pour être, encore, toujours.