La bibliothèque dans le miroir

Il y a quelqu’un à la montagne, l’un des hommes que j’ai mis au monde, qui lit ma bibliothèque de là-haut. De temps en temps il me rappelle quelque excellent titre qu’il vient de lire et que j’ai lu il y a longtemps. Tarass Boulba, de Gogol, la fois précédente. Ici le chemin se perd, de Peské Marty, il y a quelques jours. Comme il a fait mention de la fin où le personnage est initié au Zen, j’ai eu envie de le relire, et dès que j’ai été assez en forme pour cela, aujourd’hui donc, je suis allée le chercher à la bibliothèque.

Il y a ce moment extraordinaire à la fin du très génial Chien enragé de Kurosawa, qu’on peut voir en replay en ce moment sur Arte, où le personnage plus âgé qui fait en quelque sorte office d’initiateur au Zen pour le jeune enquêteur (lui apprenant à ouvrir son esprit, garder son calme, se débarrasser de la compassion envers ceux qui comme des chiens enragés sont pris dans l’engrenage du mal), cloué sur un lit d’hôpital, regarde le monde dans un petit miroir. Le dernier verbe est oublier. Il faut le voir, c’est magnifique.

Voici les images que j’ai prises en chemin :

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street art 9Cet après-midi à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Corpus sanus in bibliotheca sana

photo Alina Reyes

photo Alina Reyes

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L’opération cette fois a été la bonne, l’erreur chirurgicale est réparée. Gag : mon sein avait bien été enlevé, mais pas sa lésion cancéreuse, restée dans le coin où elle se planquait. Qu’est-ce qui avait pu distraire mes deux chirurgiens, le cancérologue et le reconstructeur, au point de leur faire commettre une telle bévue ? Il m’a paru que c’était comme si la société n’acceptait pas de me débarrasser du cancer qu’elle m’avait infligé. Mais les deux hommes de l’art, finalement, l’ont fait. Mon tout nouveau sein en reconstruction est désormais sain, comme le reste de mon corps.

Avant d’être de nouveau opérée, j’avais ces derniers jours éliminé pareillement de ma bibliothèque les livres qui n’auraient pas dû s’y trouver. Les nuisibles, soit parce qu’ils sont nuls soit parce qu’ils sont cancérigènes, je les ai jetés dans la poubelle. Les deux ou trois bons livres que j’avais en double et la vingtaine d’autres qui peuvent être intéressants mais que je ne relirai pas, je les ai déposés dans le hall de mon immeuble, afin que les voisins se servent à volonté – et  ils sont partis très vite.

Tous ces soins sont fatigants, je n’ai pu reprendre le chemin de l’école, d’autant que j’ai été affectée dans un établissement presque aussi lointain que celui de l’année dernière. À cause de l’épuisement qui s’en était suivi, j’avais dû abandonner mon poste au deuxième semestre, mais il semble décidément que l’Éducation Nationale préfère payer pour m’empêcher d’enseigner que pour me permettre d’enseigner. J’enseignerai donc autrement, par le nouveau livre que j’écris.

La nécessité de cette deuxième opération retarde le moment tant désiré où je vais enfin pouvoir faire du sport. Je ne pourrai avant trois bonnes semaines me mettre au yoga, retourner à la piscine, refaire du vélo et peut-être d’autres activités encore. Je peux toujours marcher, mais sans quasiment rien porter. Heureusement, grâce à ma bibliothèque bien rangée, je peux y puiser quelques bons livres à lire, et d’autres à relire, car les bons livres sont toujours bons à relire. Et c’est ce que je fais, entourée d’amour.

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Rentrée du Street Art à Paris 13e, suite

Seul ce qui est fait avec amour et respect donne le bonheur.

Par cette après-midi radieuse, je suis allée à pied avec trois de mes beaux garçons chercher une bibliothèque chez un particulier qui la vendait pour une bouchée de pain, rue de la Providence où il y a quelques années j’allais répéter des œuvres de Bach, Mozart, Verdi…, avec un grand chœur. En chemin, j’ai photographié des œuvres de Street Art que je n’avais pas encore vues, avant de revenir avec des planches sous le bras, puis de passer la fin de l’après-midi à installer mes livres, avec un bonheur sans mesure. Aujourd’hui l’opération grand ménage et réaménagement de mon bureau, pour accompagner l’écriture de mon roman en cours, se poursuit. Je me sens comme une reine en son royaume.

 

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street art 13e 20Hier après-midi à Paris, photos Alina Reyes

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Voir aussi la note de l’autre jour : Rentrée du Street Art à Paris 13e

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Kalevala bio

photographiée par S. cet après-midi à mon bureau

photographiée par S. cet après-midi à mon bureau

J’ai rêvé du Kalevala sous tous ses avatars, langues, essences, et à la fin c’est de ma peau qu’il était fait, écrit. C’était si sensible, si vivant, que cela m’a réveillée.

Le jour je continue à le lire doucement (j’approche de la fin mais je ne suis pas pressée de le finir), le soir je regarde les films de  The Lord of the Rings dans leurs versions les plus longues (près de quatre heures chacun pour les deux premiers), et je vois tout ce qui, du Kalevala, a inspiré Tolkien.

La traduction parue chez Gallimard est décidément très mauvaise, ampoulée, propre à dégoûter de ce livre splendide. Comme je l’ai déjà dit, la première traduction en prose, disponible en ligne, toute simple, suffit à comprendre la beauté initiale du texte. La traduction versifiée de Jean-Louis Perret (éd. Champion) est très bien aussi. En voici encore un passage :

« Il est doux d’être sur les ondes,
De laisser glisser le bateau,
De parcourir les flots immenses,
De voguer sur les nappes claires ;
Le vent vient bercer le bateau,
La vague emporte le navire,
Le norois fait des clapotis,
Le vent du sud pousse en avant. »

Chant 39

Pour en savoir plus : mot-clé Kalevala

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C’est parti

Avec Madame Terre du côté de chez Beckett

Avec Madame Terre du côté de chez Beckett

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Un million deux cent soixante-et-un mille quatre cent douze signes. La version papier, imprimée aujourd’hui en cinq exemplaires, est partie ce matin, une semaine après la version numérique, à laquelle manquaient encore quelques numéros de pages dans les notes – j’ai passé une partie de l’après-midi d’hier en bibliothèque pour les compléter.

Bon, voilà, c’est tout à fait fini cette fois. Il n’y a plus qu’à la soutenir, une fois que les membres du jury, les pauvres, auront lu ces 745 pages. J’espère ne pas trop gâcher leurs vacances, ou leur rentrée.

Heureuse d’avoir fait ce travail littéraire qui sort de l’ordinaire par rapport à l’écriture de fictions, d’essais, etc. Encore que j’essaie de sortir de l’ordinaire à chacun de mes écrits, de mes livres. Moins par désir de faire du neuf que par horreur d’entrer dans les cadres. J’écris comme je respire, et si on n’inspirait pas chaque fois un air frais, on serait vite asphyxié. En ce monde asphyxié de mensonge, une œuvre littéraire doit transfuser de grands jets de vérité dans les corps.

 

Hier au Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

Hier au Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

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Mon sein, construction de rêve

Un PostIt Tolkien à Edimbourg : "Ceux qui errent ne sont pas tous perdus" (sur la photo, caché dans la nuit, un jardin)

Un PostIt Tolkien la nuit dernière à Edimbourg : « Ceux qui errent ne sont pas tous perdus » (sur la photo, caché dans la nuit, un jardin)

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Quand je me suis levée il m’a dit, attendri : « tu dormais la main sur le sein ».

Et je rêvais que je me déplaçais dans une architecture toute en structures gonflables, gonflées, multicolores, où l’on grimpait ou le long desquelles on se laissait glisser, pour passer d’un niveau à l’autre. Il y avait là des jeunes joyeux, d’enfants à grands adolescents, multicolores aussi, qui auraient pu être mes élèves. Je me déplaçais parmi eux, grimpant et glissant, et je m’installais un moment dans une forme de banquette pour lire. C’était très heureux.

Rêvant cela j’avais donc la main sur le sein, sur mon sein en reconstruction, dans lequel se trouve en ce moment un expandeur, une sorte de ballon gonflable, qui va être gonflé progressivement jusqu’à obtenir le volume voulu – et il sera alors remplacé, dans quelques mois, par une prothèse mammaire normale, en silicone.

Je n’ai jamais passé autant de temps dans la journée à masser mon sein. Je le fais pour améliorer le drainage lymphatique et assouplir le sein tendu par les suites post-opératoires. Quand je suis habillée, et même décolletée, on ne voit aucune différence entre l’un et l’autre sein. Mais je pense que je ne montrerai mon sein en reconstruction que lorsque le travail sera achevé, qu’il sera aussi beau que possible. Pour l’instant je le garde dans l’intimité, je le laisse se refaire à l’abri, comme une graine dans la terre qui va donner une belle plante. Les seins, comme les autres éléments de notre corps, sont ce que nous en rêvons.

Je prépare un nouveau fantastique roman.

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Lotus

« Quiconque dans l’action dédie ses œuvres à l’Esprit Suprême, en écartant tout intérêt égoïste dans leur résultat, n’est pas plus atteint par le péché que la feuille de lotus n’est affectée par l’eau. » Bhagavad-Gîtâ, 5.10

Les champs de lotus présentent tous les états de la plante à la fois : en bouton, en fleur épanouie, en graines. C’est pourquoi elle représente, entre autres, la concomitance, la réunion, du passé, du présent et du futur. L’accomplissement spirituel.

Je les photographie tous les ans au jardin des Plantes, cela me fait du bien. Cela me parle. Aujourd’hui je les ai visités à la lumière d’une jeune fille en fleur nommée Asia et championne en art martial.

 

fleur de lotus

feuille de lotus

fleur de lotus 4

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coeur de lotus

fleur de lotus 3aujourd’hui à Paris au jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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