À propos des haikus

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Roland Barthes écrit dans L’empire des signes : « Ne décrivant ni ne définissant, le haiku (j’appelle ainsi finalement tout trait discontinu, tout événement de la vie japonaise, tel qu’il s’offre à ma lecture), le haiku s’amincit jusqu’à la pure et seule désignation. C’est cela, c’est ainsi, dit le haiku, c’est tel. » (1970)

Exposition à la bibliothèque Buffon, à Paris 5e de photographies de Pierre Ligou accompagnées de haikus de Thierry Cazals. J’ai photographié parmi eux mes préférés. D’habitude je donne ici mes propres haikus, à mesure que je les écris (ici). Contrairement à Thierry Cazals, j’essaie pour ma part de respecter la composition en 5/7/5 syllabes (mores en japonais) et l’obligation du mot de saison, le kigo, qui donne une indication sur la saison à laquelle le haiku est écrit. Mais il m’arrive aussi de prendre des libertés, du moment que je me suis d’abord exercée à la règle.

Et je me prends à rêver que ce journal en ligne a quelque chose du haiku, dans son mélange d’immédiateté et de contemplation, de légèreté et de profondeur, de discontinu et de suite. C’est en tout cas une œuvre littéraire et en cela, un bonheur à vivre.

« Lac de montagne
L’eau est si pure
Qu’on ne la voit pas. »

Thierry Cazals

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Regarde le ciel

Je pense tous les jours à mes élèves. Je leur dédie la note de ce jour.

tag regarde le ciel

La plainte stupide déposée contre moi a été classée sans suite. Tout de même, le droit existe et la censure a ses limites. Je voudrais savoir comment vont se sentir certain.e.s profs de lettres lorsqu’il va leur falloir parler de la cabale des dévots contre le Tartuffe – toutes proportions gardées entre Molière et moi, mon affaire et la sienne, sa pièce et mon blog, son génie et le mien. J’ai pris ces photos, dans l’ordre où elles apparaissent, entre la bibliothèque et le commissariat, puis au retour du commissariat. La grâce ne démissionne jamais, encore faut-il savoir bouger un peu la tête et les yeux.

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coeur et filles

arc en cielaujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Trois femmes volantes

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Dans le magazine de l’avion, j’ai lu une interview de Terry Gilliam où il disait que jusqu’à l’âge de trente ans il avait cru être capable de voler, à cause de rêves qu’il faisait où il marchait en apesanteur à un mètre du sol. C’était la première fois que je rencontrais un témoignage similaire à ce que j’ai vécu. Moi aussi, jusque vers trente ans, j’ai fait ce rêve récurrent, et comme lui, le sentiment de vérité, de vécu, était si puissant que je croyais toujours, au réveil et même après, en être en effet capable. Mais pour moi, il y a quelque temps, ce rêve de nouveau est revenu quelques fois, et je marchais bien plus haut qu’à un mètre du sol, toujours avec la même puissante impression de vérité. Maintenant que je sais que d’autres, ou du moins un autre, a connu la même expérience, je suis d’autant plus convaincue qu’elle signale quelque chose de nos potentialités d’existence que nous ne savons pas.

C’était une commandante de bord qui pilotait, et une cheffe de cabine qui gérait les passagers. Je me trouvais à la place 10A, c’est-à-dire à l’endroit de l’issue de secours, et le stewart est venu m’expliquer comment l’ouvrir si nécessaire, car ce serait alors à moi de le faire. Je me rappelle les jeunes Françaises avec lesquelles j’étais samedi soir au pub à Édimbourg, toutes très intéressantes et libres – notamment une musicologue et chanteuse de jazz, une historienne d’art, une archiviste qui avait découvert récemment une lettre de Tolkien dans les archives de l’université d’Édimbourg, lettre dans laquelle il disait son désir de retourner dans cette ville. Il est mort trois mois plus tard, avant d’avoir pu le faire, je vous laisse réfléchir aux liens entre tout cela, voici la copie de la lettre (quand elle me l’a montrée sur son téléphone, j’ai eu l’impression que c’était un message que Tolkien nous envoyait sur smartphone). Quelle belle écriture, n’est-il pas ?

 

 

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à l’aéroport d’Édimbourg, photos Alina Reyes

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« À la maison » en Écosse. Par Kirsty Logan et Alan Warner

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J’ai trouvé ce livre dans le hall de la bibliothèque centrale d’Édimbourg ce matin, et c’est dans cette même bibliothèque que j’en traduis quelques phrases et que je poste cette note. Le livre a été publié et distribué gratuitement par une charity, l’une des associations de bienfaisance si nombreuses en Grande-Bretagne. La Scottish Book Trust travaille à la promotion de la littérature, de la lecture et de l’écriture. Le recueil des Scotland’s Stories of Home peut être téléchargé gratuitement (en anglais) ici sur le site. Lors de ma pause-déjeuner (exquis porridge aux fruits rouges et cappuccino) dans un café proche, j’ai commencé à lire les contributions des différents auteurs sur ce thème de la maison (le foyer). En voici quelques passages :

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« nous construirons
nous construirons une maison
de pierre
de pin
ou de glace
ou de n’importe quoi qu’ils nous auront laissé
de n’importe quoi dont ils ne veulent pas.

la chaleur entre nous
fait fondre la maison
brûle la maison.
nous nous réchaufferons
sur le sol de la forêt.
nous nous construirons
sur le sol de la forêt.

quand ils prendront tout
nous aurons ce que nous construisons. »

Kirsty Logan, Homemakers

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« La maison, selon ma vision des choses, doit être à la fois une région et un endroit particulier – et non pas un pays, ni même une communauté, quoique ces deux abstractions me tentent réellement.
(…)
Clouté d’impénétrables pierres levées, cercles et autres exceptions néolithiques, ce ruisseau secret descend d’un ravin boisé puis s’élargit dans une plaine inondable au nord est. Chaque arbre ou presque y est d’une espèce différente.
(…)
Là est mon humble Shangri-La personnel, mon chez-moi (je suis trop égoïste et jaloux pour le nommer et le partager avec vous), où la nature signale une tout autre vélocité de joie, qui s’étend au-delà de moi, dans cette vallée heureuse. »

Alan Warner, Home

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aujourd’hui à Édimbourg, photos Alina Reyes

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Que faire d’un.e imbécile ? Et Édimbourg enneigée vue du bus 100

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Faisant de nouveau la queue à l’aéroport d’Édimbourg pour obtenir un nouveau vol, et songeant à mon retour à Paris, m’est venue l’idée, comme je n’avais rien à faire, d’écrire quelques mots sur « Que faire d’un.e imbécile ? » Chacun.e de nous est l’imbécile de quelqu’un.e d’autre, dira-t-on. Certes, et nous avons nos moments d’imbécilité plus souvent que nous ne le voudrions. Mais je veux parler là du cas plus lourd de l’imbécile chronique, incurable. L’imbécile en qui l’imbécilité se conjugue avec la sottise fut comme les autres, enfant, génial.e et intelligent.e, mais dramatiquement toutes sortes de pollutions ont fait mourir et pourrir sur pied le blé en herbe qu’il ou elle était. Que faire d’un.e tel.le imbécile ?

Toute personne sensée et responsable risque de tenter de l’empêcher de propager son imbécilité, d’en polluer les autres, notamment les jeunes pousses, et de les condamner ainsi au même triste sort que le sien. Or la mort est jalouse de ses prérogatives et n’entend pas qu’on essaie de lui retirer les proies qu’elle tient ou convoite. Et l’imbécile, son instrument, se retournant contre la personne sensée, commence à la harceler, puis la diffame publiquement, et enfin, quand la personne sensée finalement s’est éloignée, quand l’imbécile comprend qu’elle ne peut plus désormais attirer son attention (qui secrètement la flatte), l’imbécile s’en va à la police porter plainte contre qui elle a abusé de son pouvoir (comme la mort, les imbéciles se débrouillent toujours pour exercer quelque pouvoir en ce bas monde). Bref, Einstein avait raison.

Que faire d’un.e imbécile ? Rien. Pas même du fumier pour le jardin (de l’aliment pour un roman).

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edinburgh from the bus 100 5aujourd’hui à Édimbourg, photos Alina Reyes

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Beauté, toujours. Héroïne, journal et haïkus du jour

edimbourg gruesToujours à Édimbourg, les vols étant annulés les uns après les autres. En profitant pour admirer par la fenêtre les brusques tourbillons de neige, les jeux des oiseaux se réunissant au chaud sur une cheminée fumante puis s’élançant, tentant de voler contre les bourrasques qui finissent par arriver à les déporter dans leur sens, écouter les chants du vent, contempler les lumières et les couleurs changeantes dans le ciel, autour des hautes grues blanches arrêtées dans le même sens pour éviter d’être arrachées par la tempête, et sortir, marcher dans les rues enneigées, dans les poudroiements denses et virevoltants des chutes de neige, dans le bonheur, trouver une épicerie ouverte, faire des courses sur les rayons qui se vident, rentrer, écrire et dessiner un peu dans mon cahier, faire la cuisine, vivre.

L’héroïne du jour ici se nomme Charmaine Laurie et elle est chauffeuse de bus. Je vous laisse admirer sa maîtrise, avant mes trois haikus d’Édimbourg.

 

 

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Neige à la fenêtre
Étendards rouges dansant
et tourbillons blancs

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Sur la cheminée
Dix pigeons dans la fumée
Au chaud dans le froid

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La ville la nuit
Le vent soulève la neige
parmi les lumières

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Édimbourg féérique, enneigée

J’aurais dû être hier après-midi à Paris, puis après annulation du vol, hier soir – mais la neige en a décidé autrement. Décidément il y a une love story entre Édimbourg et moi, voilà que nous ne pouvons plus nous quitter.  Le vol de l’après-midi a été annulé aussi, et je ne suis pas sûre que celui que je dois prendre cet après-midi, via Londres, ne sera pas annulé aussi. En attendant, dès ce matin entre huit et neuf heures j’étais dans la ville en train de l’admirer.

 edimbourg neige 1Avant-hier soir déjà, à la sortie du pub, il y avait une fine couche de neige, balayée par un vent fort et glacial. Revigorant !

edimbourg neige 2Hier matin, de la fenêtre de l’appartement, on pouvait admirer les chutes tourbillonnantes de neige

edimbourg neige 3Arrivée à l’aéroport hier après-midi, j’ai appris que, après l’annulation de mon premier vol sur Air France, mon second vol sur Flybe pour Paris via Birmingham était annulé aussi. J’ai fait deux heures et demie de queue pour pouvoir avoir un autre billet pour aujourd’hui. Tous les vols pour la France étaient annulés, mais aucune information sur le site de l’aéroport de Roissy. British Airways vient de m’informer que le vol d’aujourd’hui pourrait être annulé aussi. Le soir, du bus qui me ramenait à Édimbourg, j’ai photographié la route derrière la vitre embuée. Heureuse comme tout d’être sortie de l’aéroport dans des tourbillons de neige.

edimbourg neige 4Retour au bercail local sous une lune presque pleine, alors qu’elle était en fin croissant lors de mon arrivée

edimbourg neige 5Le Royal Mile, grande artère, au réveil ce matin

edimbourg neige 6Personne n’est encore descendu de l’immeuble

edimbourg neige 7Mais la veille au soir quelqu’un a tracé sur la terrasse des spirales

edimbourg neige 8Même les oiseaux ont froid. Mais plutôt que de se laisser saisir pour être mis à l’abri, il s’envole, donc ça va encore.

edimbourg neige 9Le Royal Mile, plutôt désert

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edimbourg neige 15Il faut filmer ça, la neige est rare ici, la télé est là

edimbourg neige 16à Édimbourg, photos Alina Reyes

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