Soucieux de leur façade,
ces paons à fausses plumes,
faisant la roue pour cacher leurs chiures,
se soucient aussi de celle des autres.
Lâchez-moi les baskets
je cours plus vite que vous
qui ne m’empêcherez pas
de montrer mon cul si ça me chante.
Je ne fais pas comme vous faites
je fais toute chose autrement
et j’emmerde ceux qui ne sont pas contents.
Si vous espérez ma bénédiction
vous aurez mieux satisfaction
en vous y mettant vous-même le doigt,
dans le culte.
Vous ne m’achèterez pas, vendus.
poème du jour
Les bourgeois gentilshommes
Tandis qu’hier à République pour la fête de la musique la police française traquait les jeunes à coups de lacrymogènes, au palais les vieux monsieur et madame Ubu recevaient les jeunes monsieur et madame Bieber. Paris est une fête, qu’ils disaient il y a peu, parlant sans savoir qui parlait, comme Coco, passée de Charlie à Libé, continue à se payer la tête des racisé·es, faisant du racisme comme le bourgeois gentilhomme faisait de la prose, toujours sans le savoir. Sans le savoir, sans vouloir le savoir et sans savoir le vouloir, c’est la trinité des singes, dieux des humains aux yeux et aux oreilles grand fermées, à la bouche marionnettisée.
*
J’ai tracé dans la forêt,
avec pour meute pacifique, aimante,
les forces qui m’habitent,
l’Esprit splendide qui habite le monde.
Des humains en retour, avec leurs chiens,
me traquent.
Croient-ils que je ne suis pas de leur espèce
ou sont-ils cannibales,
à s’acharner
alors que je ne cède, ni ne céderai.
Ils ont leurs raisons
que ma raison rejette,
pourquoi veulent-ils me soumettre
à leur sempiternel mensonge ?
Leurs langues sont collées
à tous les culs du monde.
Les pactes de confiance, une fois rompus,
restent rompus s’ils ne sont dénoncés.
Pardon donné à ceux qui persistent
à la traque et au crime,
serait arme donnée pour se faire achever.
Moi, pour tous ceux que j’aime,
je n’oublie pas de vivre.
Petit poème du jour
Moi, petite-fille de Vraie-louve
Que je suis en ma forêt profonde,
Mangeuse de la tête d’Homère,
Retourneuse de sexes et de textes,
Massacreuse de sots,
Langue des langues,
Je suis la joie aux yeux brillants,
Le repaire pour l’amour,
Et la route que je trace.
Ô popoï ! Je tonne sur Saint-Pierre,
Je neige sur les âmes,
Je fonds et je lave
La vallée qui aime mon âme,
Je dis aux rois vous n’êtes pas les rois,
Aux princes mince alors, vous êtes si minces
Que vous disparaissez déjà,
Dieu merci !
Et aux humbles, aux honnêtes,
Vous, vous sauvez le monde.
Je vois les mondes,
Je vois,
Je ris.
Petit poème du matin
Le merle chante dans la cour.
La lumière plonge, dore les murs.
Des ouvriers travaillent sur un toit.
Bruit lointain, rythmé, des marteaux tambourinant le zinc.
Vibrations colorées dans mon corps du rêve merveilleux absolument, toujours vivant, de la nuit précédente.
Aujourd’hui je commence à traduire le chant Dix-sept
« Dès que paraît, née du matin, Aurore aux doigts de roses »
Poème du jour
J’ai enfanté,
allaité,
élevé
quatre enfants,
quatre beaux garçons,
bons, intelligents, doués.
Cela suffit à faire une vie
utile, belle et bonne.
J’ai aussi écrit nombre de livres
disant si puissamment le vrai
que les auteurs de mon temps
dans mon petit pays décadent
m’ont prise en haine
et exclue de leurs rangs
(dont je ne fus jamais)
(et ma mère m’a tuée).
Cela suffit à justifier une vie
d’écriture.
Avec mes enfants
et mes petits-enfants,
avec mes livres,
avec la chair et avec l’esprit
j’ai gagné
l’éternité.
Je suis fière de mon style
mais surtout de mes enfants
qui ont en eux, quoi qu’il en soit,
l’éternité.
Ô mes bébés,
mes livres peuvent toujours disparaître
ou être empêchés de paraître,
vous qui êtes de chair, d’os et de sang,
vous ne mourrez jamais.
Depuis toujours vous me sauvez.
*
d’autres de mes poèmes du jour
Poème du jour
Qu’importe le flacon dit le poète mais
Ce n’est pas l’ivresse c’est la dive bouteille
Qui m’a assassinée, amours illusoires et
Rêveries d’une enfant à tête sans pareille.
Et j’ai lu tous les livres dit un autre mais
Ce n’est pas le verbe c’est la bêtise humaine
Qui m’a assassinée, fausse intelligence et
Navrante inélégance des ombres malsaines.
Ô saisons, ô châteaux, caravanes, passez !
Ni la magique étude, ni votre passage
Ne m’ont assassinée, mais bien les vents mauvais,
Émanations des mares à équarrissages.
Calme orpheline, moi, j’ai cent fois traversé
L’Achéron et je sais par cœur toutes ses rives,
Entre lesquelles, vive, vainqueure, je vais,
Déshabillée du temps où sans cesse j’arrive.
Plus de gueules de bois ! Le sang tout pétillant,
Je bondis sur mes rimes. Les voici, fatales
Logiques de la vie qui voyage en mouillant
À tous les ports de joie sur ses mers aurorales,
Qui trace son chemin en cherchant constamment
À atteindre le bout de sa vibrante ligne
Pour revenir ensuite, attirée par l’aimant
De tout nouveau début, sa demande de signe
En réponse d’amour à l’éternel appel.
Qu’entendent à cela les âmes malsonnantes ?
Qu’importe, elles y vont, comme tous les mortels.
Où finissent nos peines, où nos joies éclatantes.
Beau solstice d’hiver, je salue le printemps
Que tu portes prégnant comme femmes et lunes.
L’antique poésie qui sait compter les temps
Avec ses balançoires, ses lyres, ses runes,
Je l’entends dans ton sein, loin d’aujourd’hui, tout près,
Rythmant de pas, de mots, l’aventure commune
De notre humanité, le fruit de ton retrait.
Eau-de-vie interdite, sans doute en suis-je une.
Poème de la nuit et du jour
Je suis le cerf
il est la meute
Je frémis de dégoût
quand je sens son odeur.
Je me déplace.
Partout mes bois touchent le ciel.
Les chiens aboient et passent.
Toujours ma couronne scintille dans la nuit,
là où leur cou est trop raide pour la voir.
Toujours le ciel chante dans mes oreilles,
plus fort que les gémissements des chiens.
Toujours le sang court dans mes veines,
mon sang, celui de l’univers.
Je danse parmi les étoiles, mes armes,
mon cortège, ma neige d’yeux voyants.
Dameuse, j’aplanis la piste, qu’elle me soit douce,
que me soient douce et doux
mon épouse et mon époux, la nuit et le jour
*
écrit en cette nuit du 12 au 13 décembre 2020