photo Alina Reyes
Il ne faut pas lire les livres au pied de la lettre. Il faut comprendre que l’auteur, à travers son « je » ou ses « il » ou « elle », endosse l’homme. Quand Flaubert dit « Madame Bovary, c’est moi », cela signifie qu’il endosse le bovarysme, et non pas qu’il est particulièrement atteint par cette maladie. Et pourquoi l’endosse-t-il ? Pour la mettre en lumière, afin que nous en soyons prévenus et puissions nous en garder ou nous en sortir. Le « je » de l’auteur véritable est composé indifféremment du je de sa propre personne et de celui des hommes en général. Car il ne s’agit pas d’un égo mais d’un je compassionnel, qui prend sur lui tout l’humain. La mauvaise réputation des auteurs courageux vient du fait que les mauvais lecteurs croient que tout ce qu’ils endossent est la peinture de leur propre personnalité, de leur propre vie. Et Flaubert, sous un prétexte ou un autre, se retrouve en butte à la censure. Inversement les auteurs pleins d’ego, sans courage mais malins, s’arrangent pour se rendre prestigieux à travers leurs écrits, leurs dires et leurs remuements, ne faisant qu’attirer les lecteurs dans l’illusion d’une fausse vie et d’une fausse pensée, qu’ils désirent pour se sentir à leur tour vernis de brillant. C’est ainsi que peu à peu le mensonge gangrène le champ social et les âmes jusqu’au plus haut niveau, que les collabos du mensonge passent pour des coopérateurs de la vérité même là où l’on est censé connaître et promouvoir la vérité, et que là, si le discours sur la vérité perdure, il s’avère que le mode d’existence, de relation à soi et à autrui, est fondé sur le mensonge. Et c’est ainsi, comme nous le savons, que les maisons menacent de s’écrouler – s’écroulent si on ne refait pas les fondations à temps. Évidemment cela demande de creuser, de se salir les mains et d’en suer, mais c’est une question de vie ou de mort.
Quand le nouveau pape a été élu, j’ai posté sur mon blog de l’époque une image humoristique, trouvée sur Internet, dans laquelle il était assimilé à l’empereur Palpatine, dans Star Wars. Bien sûr c’était irrévérencieux, mais l’image disait pourtant quelque chose de très vrai. J’ai toujours dit par la suite que ce pape était le bon pape, ne serait-ce que parce que d’une certaine façon il unit en lui Pierre et Paul, le pasteur et le penseur. Je dis aussi que tout pape est de toute façon le bon pape, car voici où l’image est juste : même si se révèle en lui « le côté obscur de la force », Dieu s’en sert pour détruire et replanter selon son propre plan, qui n’est autre que le rétablissement de la vie en vérité.
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