Sourate 96, Al-Alaq, « La foi »

à la Grande Mosquée de Paris, photo Alina Reyes

 

Munie de mon beau dictionnaire, je me risque à une traduction-interprétation des cinq premiers versets descendus, révélés au Prophète dans la grotte de Hirâ.

 

1 Lis ! Au nom de ton Seigneur qui composa,

2 composa l’homme d’une foi.

3 Lis ! Ton Seigneur est le Généreux,

4 qui fendit à la lèvre l’homme par le calame,

5 à l’homme enseigna ce qu’il ne savait pas.

 

Iqra !  Lis ! est le premier mot du Coran descendu, mot apparenté au nom de ce Livre, qui signifie lecture, récitation. Mouhammad ne sait pas lire quand lui est faite cette injonction. Mais ce n’est pas une écriture d’homme qu’il lui est demandé de lire. Lire pour lui va être écouter et dire, retranscrire la parole qui lui descend du ciel. Une parole enchantée, enchantante et à dire comme un chant, le chant qu’elle est. Beaucoup d’assonances en a dans ces cinq premiers versets révélés. Qui ouvrent la lèvre du Prophète afin qu’il parle. La même image se trouve à l’intérieur de l’hébreu, dans l’Ancien Testament, où la langue signifie d’abord la lèvre. Et la prière des Heures chrétienne commence par ces mots : « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange ».

Le verbe habituellement traduit par créer dit d’abord : donner une mesure à, composer. Je reprends ce premier sens : Dieu crée en donnant la mesure (du et au monde, de et à l’homme), mesure mathématique et musicale à la fois, composition physique et poétique.

Le mot alaq, qui signifie adhérence ou caillot de sang, je l’interprète par le mot foi parce que, comme je l’ai dit souvent, la foi, c’est adhérer au réel – et le réel, c’est le spirituel. Ce mot alaq donne des variantes de sens à partir du sens d’accrocher. Il peut signifier grumeau de sang (et évoquer une goutte de sperme), et exprimer aussi l’attachement amoureux. En quelque sorte il est possible de comprendre en ce verset que Dieu a créé l’homme par un acte d’amour, un acte par lequel l’homme est destiné à adhérer à Lui, un acte de foi. Je suis consciente qu’il est audacieux de dire que Dieu a fait un acte de foi, mais ce que nous pouvons du moins comprendre c’est que l’homme est homme parce qu’il vient d’une adhérence, parce qu’il devient homme par la foi.

Le même verbe signifiant enseigner est repris aux versets 4 et 5. La première fois, je le traduis par son sens premier : « marquer, distinguer par une marque, par un signe quelconque », et de là « faire à quelqu’un une fissure à la lèvre supérieure ». L’homme est en quelque sorte signé par Dieu, à la manière dont un peintre signe son œuvre. Ainsi Dieu, après nous avoir créé d’une adhérence, après nous avoir scellés à lui, fend le sceau et par cette fissure, sa signature, commence à se révéler.

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à suivre

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