Il est l’Audient, le Voyant, est-il dit d’Allah au premier verset de cette sourate qui évoque, en 111 versets, le fameux voyage que fit le Prophète en prière, de nuit, de La Mecque à Jérusalem et de Jérusalem au Ciel, auprès de Dieu. Ici cependant pas de jument ni de détails pittoresques (comme il s’en trouve dans des hadiths), seulement la Vérité nue. Mohammed (le salut et la bénédiction de Dieu soient sur toi), je crois que tu as chevauché à cru une cavale nommée Audience et Voyance d’Allah. C’est le miracle de la prière profonde, et je me rappelle ton voyage quand au cœur de la nuit je pratique comme toi la prosternation, Essoujoud, ce mot qu’on retrouve dans Masjid, la Mosquée, tout lieu où l’on se prosterne, la terre entière étant mosquée pour un musulman. Et aussi quand, me redressant après m’être inclinée, je prononce « Samia Allahou Liman Hamidahou », « Allah entend celui qui le loue », ce mot Samia que l’on retrouve dans l’appellation As-Sami, l’Audient, et aussi dans le nom du fils d’Abraham notre ancêtre, Ismaël, et dans l’antique invocation juive, redite par Jésus, Shema Israël, Écoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est Un… Oui un voyage dans la langue de Dieu, dans sa Parole transmise à Ses prophètes. Afin de lui faire voir Min Ayatina, dit ce même premier verset, De Nos Signes, ou De Nos Merveilles… et j’écoute et je vois que c’est le même mot qui dit Versets. Dieu t’a fait voir de Ses versets, des antiques et des nouveaux sans doute, Dieu t’a transmis comme Signes et Merveilles ses Versets, que j’entends que je sens galoper sous moi dans le désert tandis que je les vois, que je les lis…
Voyage de la « mosquée sacrée », Al-Haram, à « la mosquée la plus lointaine », Al-Aqsa, trajet eschatologique de la source de tout à l’ultime, du nombril de monde au lieu de la résurrection, de la boîte noire de La Mecque au lieu où tomba, comme l’avait prophétisé Jésus, le Temple jamais relevé. Trajet de l’Interdit (le sacré) au Révélé. Trajet de la terre au ciel via Jérusalem, de la forme au sens, de l’ouïe au dit, de la vision au réel, du sujet à son objet. Le Coran est la transfiguration de l’Écriture – c’est pourquoi, au premier temps de la Révélation, l’Ange de Dieu ne demande pas à Mohammed d’écrire, mais de lire. Les signes anciens, il va les lire selon la nouvelle révélation. Et dès le deuxième verset, voici Moïse et le Livre. Et dès le verset suivant, Noé et l’Arche.
Puis voici le grand sujet, celui du mal commis par les hommes, de leur non-écoute de la parole de Dieu, et du châtiment terrible qu’ils encourent. C’est sur ce terrain que galope la monture jusqu’à la fin de la sourate, le terrain des fins dernières de l’homme, qui est aussi avertissement contre l’enfer après la mort pour ceux qui auront placé tout leur désir sur terre, suivi le diable qui « ne fait des promesses qu’en tromperie ». Sur le déluge, il y revient, car l’eau est la parole où Dieu fait naître et où il fait sombrer, par où il sauve, aussi. Moïse la traversa avec son peuple, Noé y navigua avec ses fils et les vivants, elle noie les méchants, sauve les justes. « Êtes-vous à l´abri de ce qu´Il vous y ramène (en mer) une autre fois, qu´Il déchaîne contre vous un de ces vents à tout casser, puis qu´Il vous fasse noyer à cause de votre mécréance? Et alors vous ne trouverez personne pour vous défendre contre Nous ! » (verset 69) Sachez traverser sains et saufs la nuit, accomplir le pèlerinage périlleux qu’est la vie en ce bas monde, tel est le message de cette sourate, aussi centrale que Al-Kahf et Maryam, que nous avons déjà lues. Et pour cela, les derniers versets sont des appels renouvelés à la prière, des conseils pour la faire et louer celui « qui n’a point d’associé en la royauté », celui qu’on ne doit point évoquer comme s’il était tour à tour tel ou tel homme ou l’homme, comme le font ceux qui ont laissé se dégrader complètement leur foi, leur vision de Dieu. Mais Dieu est miséricordieux, il a fait descendre le Coran. Qu’ils le lisent en priant, et ils découvriront : « quand tu lis le Coran, Nous plaçons, entre toi et ceux qui ne croient pas en l´au-delà, un voile (hidjab) tabou » (v.45). Et tu es parfaitement pur et inatteignable, comme Al-Haram, ton lieu de départ en ce voyage nocturne, parfaitement musulman, c’est-à-dire en paix bienheureuse.
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