Peintures vivantes

Cette période où je peins avec un grand bonheur me rappelle le temps de ma jeunesse où je m’entraînais à écrire de petites nouvelles, quelques mois avant d’écrire mon premier roman. Puissè-je évoluer dans la peinture aussi heureusement que dans l’écriture !

Je me rappelle le père de J-Y, peintre amateur. Ses paysages bretons, humbles et touchants. Nous avions une de ses petites toiles, avec une maison. C’est peut-être pour cela que je rêve beaucoup ces nuits dernières de paysages semblables à ceux de la Grande-Bretagne. C’est très émouvant d’avoir une vraie peinture à la maison. C’est vivant. Maintenant je n’ai plus que les miennes, c’est mieux d’avoir celle de quelqu’un d’autre. J’en achèterai quand je pourrai, moi aussi.

Maintenant je m’en vais acheter des plaques de bois, j’ai envie de peindre sur bois, deux de mes préférées jusqu’à présent, Paolo je tournoie sur tes chevaux de bois, grâce à Uccello, et À la maison, avec son côté sauvage ou chamanique, sont sur bois.

Chant de la carmélite errante

Comme j’ai rêvé la nuit dernière d’un château et de mes soeurs du Carmel (voir note précédente), voici le Chant de la carmélite errante, que j’écrivis chez elles et qui est le premier des Chants de Voyage, Manifeste du nouveau monde.

*

Je suis la carmélite errante,

Mon canasson c’est Rossinante,

Dieu mon aimé, mon seul bonheur,

Monte l’ânesse de mon cœur.

Qu’importe la maison, ma fête

C’est la parole des prophètes,

Des pauvres hères, des rempailleurs

De Loi, des fous, des orpailleurs

Du ciel, des crieurs dans les sables,

Des justes et des dresseurs de tables

Qui servent au désert d’autels,

Garnis de sauterelles au miel.

Va ma jument, va mon ânesse,

Allez montures, trottez en liesse !

Je suis enclose dans ma foi,

Et l’homme et moi nous faisons trois.

Je suis du Christ la sainte amante,

De l’humain passant l’innocente

Aux mains pleines d’amour, qui vient

Joyeusement boire son vin,

Livrer tout son pain en partage,

Ouvrir toute son âme sage

Et d’une seule flamme, monter

En chœur où Dieu se fait toucher.

.

Je suis la carmélite errante,

La reine aux nu-pieds de mendiante,

La rose au jardin sans pourquoi,

La combattante de la foi.

Je suis la route qui se déroule,

Le jus de la vigne qu’on foule.

Armée de psaumes je pourfends

La mort, le mal, les méchants.

À chaque instant je me fais belle,

Je sais que je suis éternelle

Face au Seigneur, mon seul miroir.

Je prie du matin jusqu’au soir.

Forte de joie, douce et vaillante,

Toute silence, souriante,

J’abats chaque jour des dragons

Et je me passe d’étalons.

Que dites-vous de la nouvelle ?

Une femme libre vous appelle.

Elle te parle corps à corps,

Elle t’éveille quand tu dors

Devant la crèche abandonnée,

Quand gémit l’âme arraisonnée,

Quand sonne l’heure de la fin,

Quand tu halètes après demain.

.

Je suis la carmélite errante,

Mes lèvres chantent, accueillantes,

Ma bouche est rouge de baisers

Donnés, reçus du Bien-Aimé.

L’aurore vient à la chapelle

Où je vais, impatiente, telle

La tente ouverte en mes poumons

Où me presse l’Esprit, pardon

Qui souffle sur la terre, langue

Qui croise dans la mer, où tangue,

Frères, le mystique vaisseau

De notre destinée. Assauts

D’amour ! Je demande justice,

Me saisis à mains nues du vice

Et le consume entièrement

Au feu de mon regard ardent.

Je suis en route, traversée

De nuit sur la longue travée

Du sang de notre amour. Je suis

Pour vous servir l’eau et le puits,

Et la poulie qui joue, l’enfance

Retrouvée dans la pure errance

Obéissante, ô tendre paix

Du cœur, Réel révélé vrai.

Naviguer à l’étoile

Cette nuit j’ai fait un rêve splendide, dans lequel je courais autour d’un château et à travers le château, dans un paysage très vert assez semblable aux montagnes d’Écosse. Je courais, je courais aussi adorablement que si j’avais des ailes, et il y avait dans le paysage, ici et là, mes sœurs du Carmel, mais vêtues autrement, et c’est en partie pour elles – pour tout le monde aussi – que je courais.

J’ai ouvert une page où j’ai commencé à mettre un choix de mes photos, à partir du début, c’est-à-dire de quand j’ai eu mon petit appareil photo, en 2008. Un jour j’ai fait faire un livre par Apple pour voir ce que ces images pouvaient donner une fois imprimées, c’est pas mal du tout pour un si modeste appareil. Sur internet cela dépend des ordinateurs, certains comme mon précédent affadissent terriblement les couleurs.

J’ai plusieurs idées pour ma prochaine peinture, je crois que j’ai choisi. En fait c’est comme dans l’écriture, il suffit de s’y mettre pour que « cela » fasse son propre chemin, que « cela » aille où « cela » veut aller, vers le prévu et l’imprévu. Parfois presque d’un coup, d’autres fois à condition d’avoir la patience de poursuivre malgré tous les obstacles qui se présentent et les moments où tout semble avoir dérivé dans une impasse. Je suis un bateau ivre qui navigue à merveille sur les chemins de l’unique vie, sans jamais perdre de vue l’étoile.