Petites combines et autres complicités du petit milieu « littéraire » (avec Post Scriptum)

Cet après-midi à la bibliothèque Mohammed Arkoun je tombe sur un livre déjà ancien de Marie Darrieussecq sur le plagiat. Je le feuillette et que vois-je ? Elle y prend parti contre moi dans le procès que j’ai intenté à Gallimard pour le plagiat de mon roman Forêt profonde. Dis donc, petite, si tu te mêlais de tes oignons ? Ai-je dit quoi que ce soit, moi, quand Ndiaye puis Laurens t’ont accusée de plagiat ? Chaque fois que les lecteurs de ton premier roman m’ont dit que tu avais l’air de t’être inspirée de mon premier roman cela ne m’a fait ni chaud ni froid mais faut-il finir par soupçonner que tu ne sais écrire qu’en reprenant les autres ? Quoiqu’il en soit c’est ton problème, pas le mien – tous mes livres viennent de moi, j’ai ce qu’il faut en moi pour les nourrir. Si j’ai réagi au fait que Haenel s’est lui aussi et sans doute (je n’ai rien lu de toi Marie, donc je ne peux rien en dire) bien plus largement « inspiré » de mon travail, c’est parce qu’il y avait derrière ça un sale coup pour occulter Forêt profonde qui déplaisait à tels personnages dudit milieu qui croyaient s’y reconnaître. On me promit de me ruiner pour cela, et on le fit. Allez savoir pourquoi dans cette affaire tout le monde, dont toi Marie, donc, s’est rangé derrière Sollers, « parrain » du milieu littéraire, et contre moi, rien du milieu littéraire ? Le courage ne caractérise pas plus ces gens-là que l’honneur. Bof faites vos petites salades entre vous, ayez vos articles et vos contentements, et puis vos livres vous suivront sans tarder dans la tombe.

P.S. du lendemain. Et si, en guise de réponse, j’écrivais un livre où tu apparaîtrais sous forme de truie ? Inutile, tu l’as fait toi-même. Il y aurait une étude à faire sur la présentation d’eux-mêmes que font les écrivains à travers leur premier livre. Pour ma part, ma narratrice était artiste et caissière de boucherie : ce qui signifie agent du Jugement des morts. Proust l’a dit, l’art est le seul vrai Jugement dernier.

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« Poétique de l’espace », par Gaston Bachelard. L’énergie de la maison

maison,*

Une telle demeure est éducatrice. On lit les pages de Bosco comme un emboîtement des réserves de forces dans les châteaux intérieurs du courage. Dans la maison devenue par l’imagination le centre même d’un cyclone, il faut dépasser les simples impressions du réconfort qu’on éprouve dans tout abri. Il faut participer au drame cosmique soutenu par la maison qui lutte. Tout le drame de Malicroix est une épreuve de solitude. L’habitant de La Redousse doit dominer la solitude dans la maison d’une île sans village. Il doit y acquérir la dignité de solitude atteinte par un ancêtre qu’un grand drame de la vie a rendu solitaire. Il doit être seul, seul dans un cosmos qui n’est pas celui de son enfance. Il doit, homme d’une race douce et heureuse, hausser son courage, apprendre le courage devant un cosmos rude, pauvre, froid. La maison isolée vient lui donner des images fortes, c’est-à-dire des conseils de résistance.

Ainsi, en face de l’hostilité, aux formes animales de la tempête et de l’ouragan, les valeurs de protection et de résistance de la maison sont transposées en valeurs humaines. La maison prend les énergies physiques et morales d’un corps humain. Elle bombe le dos sous l’averse, elle raidit les reins. Sous les rafales, elle plie quand il faut plier, sûre de se relever à temps en niant toujours les défaites passagères. Une telle maison appelle l’homme à un héroïsme de cosmos. Les métaphysiques « de l’homme jeté dans le monde » pourraient méditer concrètement sur la maison jetée à travers l’ouragan, bravant la colère du ciel. Envers et contre tout, la maison nous aide à dire : je serai un habitant du monde, malgré le monde. Le problème n’est pas seulement un problème d’être, c’est un problème d’énergie et par conséquent de contre-énergie.

extrait de : Gaston Bachelard, Poétique de l’espace

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