À visiter : son excellent blog présentant de nombreux peintres surréalistes, bruts, singuliers… L’horizon ovipare
À visiter : son excellent blog présentant de nombreux peintres surréalistes, bruts, singuliers… L’horizon ovipare
On raconte que dans un village hassidique, un soir, à l’issue du sabbat, les Juifs étaient assis dans une auberge misérable. C’étaient tous des habitants du lieu, à l’exception d’un seul, que personne ne connaissait, un miséreux vêtu de guenilles, qui se tenait en retrait, blotti dans un coin obscur. Les conversations allaient bon train. Puis quelqu’un demanda ce que chacun souhaiterait, s’il lui était accordé un vœu. L’un aurait demandé de l’argent, l’autre un gendre, le troisième un nouvel établi, et l’on fit ainsi le tour de l’assemblée. Chacun ayant répondu, ce fut le tour du mendiant dans son coin obscur. À contrecœur et en hésitant, il accéda au désir des questionneurs : « Je voudrais être un roi puissant régnant sur un vaste pays et que je dorme la nuit dans mon palais et que les ennemis passent la frontière et qu’avant l’aube ils aient chevauché jusque sous les murs de mon château sans rencontrer de résistance et que réveillé en sursaut je n’aie pas même le temps de m’habiller et que je doive prendre la fuite vêtu d’une simple chemise et que je sois traqué sans répit, par monts et par vaux, jour et nuit, jusqu’à ce que je trouve refuge sur un banc dans un coin de votre auberge. Voilà ce que je souhaiterais. » Les autres se regardaient sans comprendre. « Et ça t’apporterait quoi ? » demanda quelqu’un. – « Une chemise », répondit-il.
Walter Benjamin, Œuvres, t.2, Folio Essais, traduit de l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch
*
Joachim s’est enregistré ce matin jouant cette étude de Chopin, l’une des plus difficiles de ces redoutables études, à la Schola Cantorum.
et puis la Révolutionnaire :
*
Je travaille à deux espèces de polars : ma thèse et un roman.
Je republie ici mon troisième texte paru dans la revue The Conversation. Tous les articles publiés par cette revue sont sous licence Creative Commons Attribution/Pas de Modification, de sorte que vous pouvez republier les articles gratuitement, en ligne ou sur papier (voir procédé et conditions sur le site à chaque article).
Alina Reyes, Université Paris-Sorbonne – Sorbonne Universités
Dans Relire le Coran, Jacques Berque évoque
la théologie musulmane, selon laquelle l’époque du Coran est justement celle où des miracles matériels, on est passé aux miracles intellectuels, aux miracles rationnels, aux miracles d’induction.
Donnons un exemple. Dans la Bible, aux versets 2 et 3 du psaume 19, on lit :
Les cieux racontent la gloire de Dieu… Le jour en prodigue au jour le récit, la nuit en donne connaissance à la nuit.
Et dans le Coran, au verset 6 de la sourate 57 :
Dieu fait pénétrer la nuit dans le jour et fait pénétrer le jour dans la nuit, il connaît parfaitement le contenu des poitrines.
Alors que la Bible chante là le miracle d’un univers enchanté et enchanteur, le Coran fait un bond des phénomènes physiques à ce qu’ils induisent dans la sphère psychique. L’islam outrepasse la sphère de la métaphore et de l’allégorie : il se situe sur un autre plan, profond de dimensions connues (intellectuelles, rationnelles) et inconnues, chargées (comme électriquement) de mystère, de ghayb.
Ramadan est une célébration du ghayb. Un temps de renversement de l’univers mental rationnel, destiné à appeler/rappeler le mystère et à le faire se révéler, à vivre le miracle d’induction. Habituellement, l’intellect pratique la déduction. Il s’agit de laisser place aussi à l’intuition et à l’induction – sans lesquelles l’homme ne serait que l’homme, un animal social inapte à l’invention, à la découverte, à la création, au dépassement. Renverser un temps cet animal suppose de renverser l’ordre habituel et rationnel des choses : au lieu de se préoccuper de son propre confort, songer aux autres et donner aux pauvres ; au lieu de manger le jour, manger la nuit ; au lieu de dormir la nuit, vivre (et lire le Coran) la nuit. Une sorte de dérèglement des sens tel que le prônait Rimbaud pour se faire voyant.
Le Ramadan est prescrit par le Coran.
Le mois de Ramadan est celui au cours duquel le Coran a été révélé pour guider les hommes dans la bonne direction et leur permettre de distinguer la Vérité de l’erreur. Quiconque parmi vous aura pris connaissance de ce mois devra commencer le jeûne
est-il écrit notamment dans la deuxième sourate (La Vache), verset 185. De même que, dans la première citation, nous faisions un saut de la compénétration du jour et de la nuit au contenu des poitrines, nous bondissons ici de l’évocation d’un temps de révélation au commandement d’un jeûne. Si ce jeûne s’inscrit dans la lignée d’une pratique notamment juive, comme l’indique le verset 183 de la même sourate :
Ô croyants ! Le jeûne vous est prescrit comme il a été prescrit aux peuples qui vous ont précédés, afin que vous manifestiez votre piété.
S’il est comme dans bien d’autres traditions une occasion de faire pénitence et de demander le pardon de ses péchés, son orientation toute particulière sur la nuit lui donne sa pleine dimension. Déterminé en son début et en sa fin par l’observation de la lune, Ramadan est aussi, et sans doute d’abord, l’écrin qui contient l’énigmatique et insaisissable nuit du destin, Al-Qadr.
La nuit du destin est celle où le Coran, selon la tradition, est descendu à Mohammed dans la grotte de Hira. Elle revient lors de Ramadan, mais nul ne sait quand. De même que la nuit compénètre le jour et que Dieu connaît ce qui est dans les poitrines, le musulman qui veille connaîtra peut-être la descente dans son cœur de cette nuit qui éclaire, de ce ghayb qui permet de distinguer la vérité de l’erreur.
La nuit d’Al-Qadr, nuit du destin, vaut mieux que mille mois, dit le Coran (sourate 97, verset 3). Mille mois qui, bien sûr, ne comporteraient pas de nuit d’Al-Qadr, précisent les savants. Lesquels rappellent aussi que dire qu’elle est meilleure que mille mois n’exclut pas qu’elle soit meilleure que beaucoup plus que mille mois.
La nuit d’Al-Qadr revient à chaque Ramadan, mais personne ne sait quand. Le Coran n’aime pas donner ce genre d’indication. Par exemple, à propos de la longue nuit où furent plongés les dormants de la Caverne (sourate 18), Dieu seul sait, est-il écrit, combien de siècles ou de jours elle dura, et même combien furent ces endormis dans la mort qu’Il ressuscita. Le Coran rappelle à l’homme ce qui le dépasse et en même temps laisse ainsi ouverts les possibles et les possibilités d’interprétation.
Mille mois sans nuit d’Al-Qadr, cela n’existe pas, puisqu’elle a eu lieu. Elle a eu lieu de toute éternité, ou dès le commencement, c’est pourquoi on ne peut la dater. Elle est la descente de l’Être, de la Lumière sur la Terre, où elle projette ses ombres. Tout à la fois descente de la Lumière, parole de Dieu, et matrice de toutes ses ombres, formant nuit. Puissance, mesure, destin. Telles sont, dans l’ordre, les significations de Qadr. Elle est ce que l’être humain peut éprouver dans la nuit de ce monde : la puissance transcendante qui, en descendant, lui donne sa mesure, son destin.
La nuit d’Al-Qadr vaut mieux que mille mois sans nuit d’Al-Qadr. Or, mille mois sans nuit d’Al-Qadr n’existent pas, sont néant : la nuit d’Al-Qadr vaut mieux que le néant. La nuit d’Al-Qadr sort l’homme du néant comme Dieu sortit les justes de leur longue nuit dans la Caverne (sourate 18). Dans la nuit d’Al-Qadr, Dieu vient à la rencontre de l’homme comme au zénith le soleil saisit l’ombre pour la ramener dans la lumière.
Dans la nuit d’Al-Qadr, Dieu fit descendre le Coran d’un bloc, de sa matrice au premier ciel. De là l’Esprit Saint, Ar-Ruh (sourate 97, verset 4), Djibril, l’ange Gabriel, le révéla progressivement au Prophète, vingt-trois ans durant. Mais où demeurait-il, avant d’être entièrement révélé aux hommes ? Que sont cette matrice et ce premier ciel où il était gardé ? Respectivement, la Puissance et le En puissance de Dieu. Matrice où se trouve et se crée la mesure de tout, et d’où descend le destin, écrit en puissance, c’est-à-dire avec toutes ses virtualités, où peuvent se puiser toute liberté et tout accomplissement.
Le Coran fut cet écrit en puissance, avant d’être écrit, puis le temps d’être écrit. Et une fois écrit, il demeure en puissance, comme lecture toujours réactualisante. La nuit d’Al-Qadr continue d’être, et d’être Paix jusqu’à l’aube qui va bientôt paraître (sourate 97, verset 5).
Alina Reyes, Doctorante, littérature comparée, Maison de la Recherche, Université Paris-Sorbonne – Sorbonne Universités
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Je l’ai photographiée pendant plus de deux heures puis je l’ai quittée, fatiguée, car elle était énorme et dense – à coup sûr les manifestants étaient plusieurs centaines de milliers. Je ne photographie plus les black blocs en début de cortège pour ne pas risquer de leur porter tort, et je vous donne là des images pacifiques, qui permettent de voir les visages variés du peuple mobilisé.
Pour un récit plus complet de la manif, avec ses actions et violences qu’on ne voit pas ici : voir sur Paris luttes info
photos Alina Reyes (libre reproduction avec mention de l’auteur et de la source)
*