La vérité s’ils mentent. Et un bond dans le sublime

Je me souviens de quelqu’un qui, lorsqu’il avait commis un acte indigne, disait : « c’est pas moi, c’est l’autre ». L’autre en lui. En psychiatrie, cela porte un nom, en religion un autre. Dans l’affaire Tariq Ramadan tout le monde ment. L’accusation, récupérée et falsifiée pour des raisons politiques qui constituent une grave attaque contre la démocratie. Et l’accusé, qui a choisi de tout nier.

Il y a neuf ans, j’ai demandé à un prêtre, écrivain et poète, un homme réfléchi, ce qu’il pensait du fait que Sollers disait parfois : « je suis le diable ». Il me répondit calmement : « les gens disent ce qu’ils sont ». « Je suis le diable », dit aussi Ramadan, dans une vidéo dévoilée récemment. Bien évidemment son intention est de dire « on me fait passer pour le diable », mais il n’empêche qu’il répète : « je suis le diable ». Quel que soit son degré de culpabilité ou de non-culpabilité dans cette affaire, de même que chez Sollers j’entends là une façon d’hommes élevés dans la religion de se soulager de leur sentiment de culpabilité en disant : « c’est pas moi, c’est l’autre ».

Dire « je suis le diable » ne peut être qu’une affirmation fausse. Le diable n’a pas d’être, seulement une existence : celle d’un mal qui s’accroche à quelqu’un, comme une addiction, un parasitisme, subi, consenti ou combattu. La sexualité décrite par les accusatrices de Ramadan est évidemment de type sadique-masochiste. Ce type de relations n’est pas interdit, et il ne sera pas facile de déterminer s’il y a eu viols ou non. Personne ne peut prétendre savoir si ce qu’elles disent est vrai, ou en partie vrai, mais il semble que la justice ait du moins en mains des sms échangés du même type. La justice ne me semble pas en cause, mais les médias oui, sans doute. Je ne détiens pas la vérité sur cette affaire et je n’en parlerais pas si elle n’était si manifestement, honteusement et antidémocratiquement récupérée – pourquoi Valls s’en est-il donc mêlé ?

veau à la pipe,

Voilà des jours que chaque matin, je restaure sur mon ordinateur la session internet précédente, avec tous les onglets nécessaires pour demander ma mutation dans un autre lycée à la rentrée prochaine. N’ayant toujours pas commencé à remplir mon dossier (il faut faire 25 demandes), je m’interroge : est-ce vraiment ce que je dois faire ? ne devrais-je pas plutôt me consacrer à l’écriture du livre sublime que je projette, au risque de rester un temps indéfini à vivre à crédit ? Avant d’entrer dans l’Éducation nationale, je n’avais jamais eu cette impression de vivre dans un environnement totalitaire, et je n’aime pas ça du tout.

En attendant, cette nuit, en rêve, séries de visions absolument sublimes. Nerval avait raison, le rêve est une seconde vie, une vraie vie, et les poètes n’en mourraient pas si les hommes le savaient, savaient qu’il pourrait les sauver, à condition que la musique savante ne manque pas à leur désir, comme disait Rimbaud.

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alinareyes