Vivre

Rose d'automne, ces jours-ci au jardin des Plantes, photo Alina Reyes

Rose d’automne, ces jours-ci au jardin des Plantes, photo Alina Reyes

*

Rien n’est meilleur que d’écrire. Rien n’est aussi bon, sinon faire l’amour, chanter, danser. On peut aussi dessiner, peindre, marcher dans une forêt pentue, ou au bord de l’océan, ou en montagne, ou arpenter la ville, étudier, faire du sport, lire dehors, respirer l’odeur des plantes et des fleurs, etc., selon là où on est, là où on aime. Rien n’est meilleur que tout ce qu’il nous est donné de pouvoir faire, gratuitement. Vivre.

Avant-hier en sortant de la bibliothèque après quelques heures d’écriture (cf note précédente), je me suis retrouvée en train de marcher dans la rue près d’une soprano qui chantait en marchant aussi, d’une voix travaillée et puissante, surprenant tous les passants et transfigurant la ville.

Faire de la musique améliore l’intelligence. Il en va de même pour la pratique de la danse. Le chant et la danse font partie de ma vie depuis mon enfance, en même temps que l’écriture. Écrire vraiment, c’est-à-dire faire chanter et danser l’être, transfigure le monde. La vie est exigeante, vaillante, sensible, inventive, désintéressée, ou elle n’est pas.

*

Retour au paradis

hier à la bibliothèque de recherche, photo Alina Reyes

hier à la bibliothèque de recherche, photo Alina Reyes

*

Une après-midi de bon travail à la bibliothèque de recherche du Muséum d’histoire naturelle, à hauteur des faîtes des arbres où les oiseaux, tête en bas, ailes déployées, vont et viennent, mangeant les baies.

Je pénètre plus avant dans mon nouveau royaume d’écriture, j’y pénètre à mesure que je le construis, j’y pense la nuit avant de m’endormir, j’y pense le jour, l’aventure est neuve, intacte, royale.

*

La grande ville

nina-berberovaSachant que j’aurais trois-quarts d’heure de battement entre deux rendez-vous, j’ai saisi dans ma bibliothèque le minuscule La grande ville de Nina Berberova et je l’ai glissé dans mon sac en partant. Un peu plus tard, assise sur un banc au fragile soleil dans la verdure de l’Allée haute de la Salpêtrière, j’ai relu lentement ces trente pages lues il y a longtemps. Toujours avec la même joie, le même transport littéraires. Voici un bref passage de ce texte tout entier dansé :

« Une chaise apparut derrière mon dos, une lampe s’alluma, un verre fut posé devant moi. Nous conversâmes de choses et d’autres, telles de vieilles connaissances. Tout y passa : la beauté et la magnificence de cette grande ville, comment trouver du travail, comment utiliser la cabine téléphonique près de l’ascenseur, où acheter le pain et le lait. Des mots précieux au sujet de choses futiles. J’avais ignoré que j’aimais ce genre de mots ; j’aimais aussi la douce voix qui les disait, la grande main qui me versait du vin, et l’expression attentive avec laquelle il m’écoutait. Je me sentais bien, au chaud, rassuré. Je lui dis que j’étais heureux de l’avoir rencontré, que ses jumelles étaient surprenantes, extraordinaires, hallucinantes, et qu’avec un petit effort on pouvait sans doute voir la pyramide de Khéops même d’ici. De nouveau, je m’approchai de la fenêtre. »

Nina Berberova, La grande ville (1952), trad. du russe par Luba Jurgenson

*

paris 13

paris 5 street art

rollers

jardin des plantes  Ces jours-ci à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes

*