Iliade, VI, 119-211 (ma traduction) : écriture et lignée

Cependant Glaucos, fils d’Hippoloque, et le fils de Tydée,
Brûlant de se battre, se rencontrent entre les lignes.
Se dirigeant l’un sur l’autre, ils sont bientôt tout près,
Et Diomède au bon cri de guerre parle le premier :

« Qui es-tu, ô très brave, parmi les humains mortels ?
Je ne t’ai pas vu jusque là au combat qui confère
Gloire ; et maintenant tu fais de tous le pas le plus
Audacieux, en attendant ma lance à l’ombre longue ;
Malheureux, ceux dont les enfants vont à la rencontre
De ma fureur ! Mais si tu es un immortel descendu
Du ciel, je ne combattrai pas, moi, les dieux célestes.
Même le dur Lycurgue, fils de Dryas, n’a pas vécu
Longtemps, quand aux dieux célestes il a cherché querelle ;
Un jour il poursuivit sur le saint Nyséion les nourrices
De Dionysos ivre de délire ; alors elles jetèrent
Toutes ensemble à terre, sous l’aiguillon, leurs thyrses,
Frappées par l’assassin Lycurgue ; dans le flot de la mer,
Dionysos affolé plongea, et Thétys l’accueillit
Dans son sein, apeuré, tremblant fort à cause des cris
De l’homme. Contre lui s’indignèrent les dieux à la vie
Douce, et l’enfant de Cronos fit un aveugle de lui ;
Il ne vécut pas longtemps, de tous les dieux haï ;
Moi donc, je ne veux pas aux dieux bienheureux chercher querelle.
Mais si tu es un mortel qui mange les fruits de la terre,
Approche, et plus vite tu feras l’épreuve de la mort. »

L’illustre fils d’Hippoloque lui répond alors :

« Magnanime Tydéide, pourquoi me demander
Ma lignée ? Comme naissent les feuilles, ainsi naissent les hommes.
Les feuilles, le vent les répand sur le sol, et la forêt
Luxuriante, quand naît le printemps, en fait pousser d’autres ;
Ainsi des hommes : une génération pousse, une autre cesse.
Mais si tu veux bien savoir, et que je t’en instruise,
Quelle est ma naissance, que beaucoup d’hommes connaissent :
Il est une ville, Éphyre, tout au fond d’Argos nourrice
De chevaux, où vivait Sisyphe, entre tous hommes habile,
Sisyphe fils d’Éole ; or il eut un fils, Glaucos,
Et Glaucos engendra Bellérophon sans reproche,
À qui les dieux accordèrent beauté et mâle charme ;
Mais Proitos médita en son cœur de lui faire du mal,
Et il le chassa du pays d’Argos, étant bien plus fort,
Car Zeus avait soumis les Argiens sous son sceptre.
La femme de Proitos, la divine Antéia, s’était prise
D’un fol désir de se mêler d’amour à lui en cachette ;
Bellérophon, bon et sage esprit, ne se laissa séduire,
Alors elle dit au roi Proitos, pleine de mentir :
« Que tu meures, ô Proitos, si tu ne tues Bellérophon,
Qui a voulu se mêler d’amour à moi par effraction ! »
Elle dit, et l’entendant, la colère prit le roi ;
Il évita de le tuer, craignant en son cœur cela,
Mais l’envoya en Lycie, lui donnant des signes funestes,
Ayant écrit sur une tablette pliée maintes lettres
Tueuses, lui ordonnant de les montrer à son beau-père,
Pour qu’il en meure ; il partit pour la Lycie, bien escorté
Par les dieux ; une fois arrivé, sur les bords du Xanthe,
Le roi de l’ample Lycie l’honora, l’âme bienveillante ;
Neuf jours, immolant neuf vaches, il lui fit hospitalité.
Mais le dixième, quand parut Aurore aux doigts de roses,
Il l’interrogea et demanda à voir le message
Qu’il lui apportait de la part de son gendre Proitos.
Et quand il eut reçu de son gendre ce mauvais message,
D’abord il lui ordonna d’aller tuer l’invincible
Chimère, qui n’est pas de lignée humaine, mais divine,
Lion devant, serpent derrière, au milieu chèvre, crachant
Le feu, un feu terriblement puissant et ardent ;
Et il la tua, confiant dans les signes des dieux.
Il combattit les fameux Solymes, en deuxième lieu –
Le plus dur combat où il plongea, dit-il, parmi les hommes.
En troisième il tua, égales aux hommes, les Amazones.
À son retour, le roi lui tissa un piège fourni :
Choisissant les meilleurs hommes de la vaste Lycie,
Il tendit l’embuscade ; aucun ne revint à la maison ;
Car il les tua tous, l’irréprochable Bellérophon.
Quand le roi comprit que c’était d’un dieu le noble fils,
Il le retint près de lui en lui donnant sa fille
Et en lui donnant la moitié de tout son honneur royal ;
C’est un domaine plus grand que les autres que, pour lui,
Taillèrent les Lyciens, produisant le blé comme les fruits.
Sa femme conçut trois enfants pour Bellérophon le brave,
Qui furent nommés Isandre, Hippoloque et Laodamie ;
Aux côtés de Laodamie vint s’étendre Zeus le sage,
Et elle conçut le divin Sarpédon casqué d’airain.
Mais quand Bellérophon fut de tous les dieux pris en haine,
Alors qu’il errait seul par la plaine Aléienne,
Dévorant son cœur, évitant la route des humains,
Arès insatiable de guerre tua Isandre, son fils,
Au cours d’un combat contre les illustres Solymes,
Et Artémis aux rênes d’or, colère, tua sa fille.
Hippoloque m’a engendré, je le dis, je suis son fils.
Il m’a envoyé à Troie, me recommandant avec force
D’être toujours le meilleur et de surpasser les autres,
De ne pas déshonorer la lignée de mes pères,
Qui à Éphyre et dans la vaste Lycie se distinguèrent.
Voilà la lignée et le sang dont je m’honore d’être. »

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