La Palestine, le Qatar et ses collaborateurs

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Je voudrais seulement qu’on ait une conscience plus aiguë de la nécessité d’avoir des combats politiques cohérents. Sinon ils s’annulent, ou même font plus de mal que de bien. Et tellement de politiciens sont dans ce schéma – c’est pourquoi les choses vont mal.

Le problème est que le Qatar joue constamment double ou triple ou quadruple jeu, pour se prémunir de tous côtés. Il distribue de l’argent à Gaza et abrite les dirigeants du Hamas mais en même temps il entretient des relations avec ceux par lesquels Gaza souffre. Ce qui n’apporte aucune aide réelle aux Gazaouis mais fait perdurer indéfiniment la situation, comme dans un sketch absurde. Aucun pays arabe, et notamment les riches pays du Golfe, ne vient réellement en aide aux Palestiniens. Aucun ne se mobilise réellement pour les Palestiniens. Sinon cela ne durerait pas depuis 70 ans.

Je ne parle pas des peuples, je parle des gouvernants. Dans le cas du Qatar, une dictature impitoyable. Ce n’est pas parce qu’on est un petit État qu’on doit avoir une politique pleine de duplicité avec tout le monde. Le Qatar avec tout son argent pourrait avoir une toute autre politique. Il y a dans le monde des pays beaucoup moins bien lotis que le Qatar et qui ne se comportent pas aussi mal, ni au plan de leur politique intérieure ni sur celui de leur politique extérieure. Pensons pour le soutien à la Palestine aux pays d’Amérique Latine, et pensons à Pepe Mujica, le président de l’Uruguay, pauvre parmi les pauvres. Pourquoi certains intellectuels arabes occidentaux s’emploient-ils à rendre fréquentables, en les fréquentant, des pays comme le Qatar, complètement idolâtriques de l’argent et sans foi ni loi ? Pourquoi ne pas se tourner plutôt vers ceux qui essaient d’être justes ? Je ne dis pas qu’il faut refuser tout rapport avec les dictatures, je dis qu’il ne faut pas les cautionner en les faisant passer pour présentables ou acceptant leurs faveurs. Les vrais résistants dans toute l’histoire de l’humanité n’ont pas mangé à la table des princes de ce monde, qui se nourrissent sur le dos des peuples.

La paralysie des pays arabes se transforme en complicité cachée avec le sionisme, spécialement de la part des États richissimes, dont les dirigeants n’ont d’autre véritable but que de perpétuer les conditions de leur propre domination sur les peuples, avec la complicité d’Occidentaux, y compris d’Arabes occidentaux, dont ils achètent la bienveillance.

Ceux qui font ce qu’ils veulent ne le font que parce que d’autres, les esclaves volontaires du système auquel ils trouvent intérêt (les riches, les élites), les laissent faire. À qui profite le sionisme ? À tous ceux qui profitent des richesses exploitées aux dépens de la liberté des peuples. La Palestine serait libérée depuis longtemps si la situation telle qu’elle est ne favorisait pas les émirs arabes, qui tout en faisant leur aumône à Gaza, font en sorte que rien ne change afin de pouvoir continuer à jouir des richesses du sol sans avoir à les partager avec les peuples. Si les printemps arabes avaient été jusqu’au bout, ces émirs seraient destitués. Ils ont intérêt à ce que les peuples arabes restent impuissants, y compris les Palestiniens. Et il en va de même pour tous ceux qui bénéficient des largesses de ces pays, même s’ils font mine de soutenir la Palestine.

Ne pas confondre la réalité et le réel. Le réel est bien plus vaste que la réalité, humaine, trop humaine. L’idéal est une plaie. On ne peut mener le réel vers l’idéal, le réel est bien trop fort pour cela. L’idéalisme est de vouloir mener la réalité vers l’idéal, et c’est une grossièreté chaque fois fatale.

Il ne faut ni coller à la réalité, ni aspirer à un idéal. Il faut vivre le réel, qui dépasse infiniment les limites de la réalité et annule le caractère morbide de l’idéal (morbide car l’idéal n’a pas d’être). Vivre le réel, la bonne vie qu’est la plénitude du chemin droit.

Déplacements

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image Alina Reyes
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Le phénomène EI est en train de faire bouger les plaques tectoniques. Tout, et notamment toutes les alliances, sont en train de se décomposer et de chercher à tâtons une nouvelle composition, très aléatoire. Le Qatar est dans une position particulièrement inconfortable, et il n’est pas le seul. Israël aussi.
Le seul moyen de s’en sortir, pour tout le monde, est de chercher à marcher dans la voie de la vérité, de chercher à la discerner pour pouvoir la dire et suivre ce qu’elle commande. Autant ici que là-bas, car tout est lié. La nuit tombe pour tout le monde, le jour se lève pour tous ceux qui auront gardé la lumière.
Les continents sont en train de bouger sur le dos des océans.
Ils se flairent, s’effleurent, se regardent du coin de l’œil.
Des hommes tombent dans le mouvement
la terre éponge leur sang
les vagues salées par les larmes des vivants
cherchent consolation sur les rivages
cherchent la joie des enfants sur les plages
Les vagues appellent, appellent, appellent
la beauté de la vie et la lumière est là.
Lumière de l’univers où vogue et baigne la planète
Tout le cosmos est la constellation de l’être
qui pulse dans nos corps, dans notre corps, humains.

Effondrements

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chez nous
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Il y a treize ans jour pour jour, à Paris, vers la fin de la matinée, O et moi avons vu pour la première fois à la télévision l’effondrement des tours du World Trade Center en compagnie de M et Y, un couple de juifs qui se trouvaient par hasard chez nous à ce moment. Ces gens avaient beaucoup d’argent mais vivaient dans un malaise, une tension énormes. Lui obsédé sexuel, dévisageant sans cesse toutes les femmes comme s’il avait une urgence dans son pantalon, ce qui était gênant pour tout le monde. Elle forte femme, et les deux toujours préoccupés de spiritualités et de gourous factices. L’été suivant, lui voulut venir nous voir à la montagne, avec leurs enfants qui étaient amis de nos enfants, sur leur trajet entre Biarritz et Monaco. Dès qu’ils arrivèrent dans ce lieu dépouillé et isolé, la sagesse et la force qu’ils s’imaginaient détenir s’effondrèrent d’un coup, tout aussi spectaculairement que les Twins Towers. Ce fut la panique. Elle dut aller se cacher dans sa voiture pour pleurer, tandis qu’il se tenait auprès d’elle, pas plus rassuré mais essayant de ramasser les débris et limiter les dégâts. Quand ils parvinrent à se remettre debout et rentrer à la maison, ils se justifièrent en demandant si nous n’avions pas peur des serpents, là, en pleine nature.