tout à l’heure au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes
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tout à l’heure au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes
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Sydney, août 2010, photo Alina Reyes
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J’aime beaucoup l’image retenue par Youtube pour ma vidéo sur la Pitié-Salpêtrière, une image du milieu de la vidéo. Joachim semble marcher en lévitation et avoir des ailes, il marche derrière un vieux musulman – ne dirait-on pas qu’il est l’ange Gabriel ?
Ainsi font les anges, ils s’incarnent ou même agissent ici ou là, en tel ou tel instant, non pas mûs par leur propre volonté, mais par celle de Dieu. C’est très sérieux ce que je dis. Soyez attentifs, ils sont là, là ou là.
J’aime aller à la mosquée pour la prière du vendredi, la libéralité de l’islam est grande. J’aime aller prier dans les églises aussi, et si je retourne à la messe je m’abstiendrai de communier, un tas de gens n’en ont pas le droit et je ne vois pas pourquoi je n’en ferais pas partie. C’était déjà ma position au tout début, en 2008, je me souviens que je m’étais abstenue à Lourdes lors du voyage de Benoît XVI (sur lui ma prière), par solidarité avec ceux qui en sont exclus.
En avançant, je vois mieux ce que je suis chargée de faire. Désacraliser les religions. Les religions ne sont pas Dieu. Les sacraliser, les idolâtrer comme on le fait, c’est entraver le chemin de la paix. Je veux ouvrir à chacun la possibilité (et non l’obligation, bien sûr) de pouvoir pratiquer plus d’une religion, en profonde connaissance de cause, et en toute harmonie intérieure. Dieu seul est l’Unique. Accueillir tout ce qui vient de lui, voilà ce qui unifie profondément l’être. Le Coran le dit, « Il [l´homme] a par devant lui et derrière lui des Anges qui se relaient et qui veillent sur lui par ordre de Dieu. En vérité, Dieu ne modifie point l´état d´un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. » (13, 11)
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Marie fait la vaisselle. Elle frotte, frotte la marmite. Les assiettes, une à une, retrouvent leur belle propreté. Ce soir de nouveau elle préparera un repas, toute la famille mangera, puis il faudra relaver les assiettes et les plats. Ainsi va la vie. Marie approuve. Marie voit que cela est bon. Le travail qui fait vivre l’amour, la vie. Qui se mélange au bonheur. De donner, de partager, d’être ensemble. D’avancer doucement dans le temps, pas après pas, respiration après respiration. Le souffle rend l’avancée légère, fait monter l’âme et le corps au ciel.
Marie étend sous le ciel la lessive. Le linge blanc resplendit au soleil, il sent bon. Il a touché le corps bien-aimé de Jésus, le corps bien-aimé de Joseph, son propre corps à elle. Corps humain, petit âne fidèle qui porte notre sang tout au long de notre voyage ici-bas. Le linge aussi aime servir, puis aller à l’eau, puis au soleil. Les années l’affinent comme elles affinent la peau des hommes, la rendent de plus en plus fragile. À la fin le tissu laisse tout à fait passer la lumière. Marie dit oui au mystérieux travail du temps. Marie habite au paradis.
Marie sort. En chemin elle sourit, à tout, à tous. Elle n’en revient pas de la beauté du monde. Toujours, c’est comme si elle le voyait pour la première fois. Tout est splendide. L’olivier au bord du sentier poussiéreux. Les pauvres maisons de pierre et de terre. Le chant des oiseaux. Les mouvements d’une nuée. La vie nue des animaux. Et surtout, surtout, les yeux des enfants, des hommes, des femmes. Des puits vivants, où l’on voit Dieu. Marie est celle qui dit oui, sauf quand il faut dire non. Sans quoi, elle ne serait pas la Vierge Marie. Oui à tout ce qui vient de Dieu, non à ce qui vient du serpent. La douce Marie connaît le combat pour protéger la pureté, et aussi la force d’inertie comme résistance aux violences. Marie songe, et parfois Marie pleure.
Marie se lève la nuit pour l’enfant Jésus quand il pleure. Pourquoi pleurent-ils, les petits ? Si c’est de faim, heureux sont-ils, car leur mère se lève et ils sont rassasiés. Si c’est de mélancolie, si c’est de sentir les premières douleurs du pèlerinage terrestre, si c’est d’obscur désir de la lumière, heureux sont-ils aussi. Car leur père ou leur mère vient à eux et les prend dans leurs bras. Heureux sont-ils, car ils sont consolés. Et la béatitude se lit sur leur petit visage, se reflète sur celui de qui les regarde. Ainsi en est-il de l’homme avec Dieu : Marie rend grâce.
Marie et Joseph ont perdu leur enfant. L’angoisse étreint leur cœur, ils le cherchent dans la ville. Mais non, il n’était pas égaré. Détaché, simplement. Ils le retrouvent dans le temple, occupé à débattre avec les savants. Aux affaires de son Père, comme il dit. Ainsi il n’est plus leur petit. Il prend la liberté que lui donne le ciel. Le cœur de Marie se fend un peu, un temps est passé, un autre vient. Et elle approuve.
Marie est au pied de la Croix. L’abîme s’ouvre sous son corps tout entier. Les enfers, elle y descend avant même le corps de son fils mort. Mais il est mort d’amour, par amour pour ce monde, ces enfants, ces femmes, ces hommes, tout cela que Marie aime tant. Et elle accepte. Comme lui. Comme elle l’accepte lui, comme elle l’accepta tout entier, tout entière, depuis la visite de l’ange qui le lui annonça.
Marie continue à vivre. Joseph son mari n’est plus de ce monde, mais leur fils qui était mort, il est vivant. C’est ainsi, il n’y pas à donner d’explications. L’explication est dans le cœur de chacun, s’il l’y cherche. Le cœur de Marie, le coquelicot de sa jeunesse, n’est plus qu’un brasier d’amour et de douleur. Marie sourit. Ce qu’elle donne à voir, c’est sa joie.
Marie parle avec le ciel, où est son enfant. Parfois il s’y fait voir, il y fait signe. Là-haut, ou bien ailleurs. On le sait à quelque chose dans la lumière qui devient vivant, et se met à parler sans paroles. Marie fait la vaisselle, étend la lessive, s’occupe des enfants, des faibles. Et pendant tout ce temps elle converse en secret avec la lumière qui vit, là dans le silence de l’aube, le mouvement de la nuée, la danse des arbres sous la caresse du vent, et surtout, surtout, dans les yeux des enfants, des femmes et des hommes. Et bien avant son heure, bien avant l’heure pour elle de quitter cette terre, c’est bien au ciel qu’elle est montée déjà et qu’elle vit, étrangère ici-bas où il lui est demandé de demeurer quand même. Répondre oui, il y a longtemps qu’elle n’y songe plus. Elle est devenue elle-même le oui.
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image, texte et photo Alina Reyes
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ce matin au lever du soleil la lune, photo Alina Reyes
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« Et dès que la caravane franchit la frontière [de Canâan]… » C’est le dernier passage du Coran que je reçois ce matin, accompagné d’un mail où l’animateur de Lire le Coran explique qu’il est obligé d’interrompre ses envois quotidiens, étant parti vivre dans un pays où il ne dispose pas de connexion internet stable. Merci à lui pour les merveilleux mois passés et que Dieu le garde, lui et ses proches.
« Le repas de noces est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. » C’est la lecture de l’Évangile du jour. Les Palestiniens ont raison de demander le respect pendant les négociations. Sinon, comment l’espérer après ?
Un Doodle enchanteur aujourd’hui sur Claude Debussy et son Clair de lune.
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au Jardin des Plantes, photo Alina Reyes
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J’ai découvert Artaud à l’âge de seize ans, il fait partie des auteurs qui courent dans mon sang, littéralement. C’est dans mon sang que je repars à sa recherche, et je ne peux chercher dans mon sang que l’essence de l’homme, l’ADN qui nous précède et que nous avons enterré sous des tonnes de graisses et de peaux. C’est dans l’arrachement à la terre que je le cherche, dans l’homme sans feu ni lieu que fut toujours Artaud, c’est dans la précarité de notre être que je le cherche, dans l’échassier en tout être qui me lit, debout sur une seule gracile jambe, en marche sur ses graciles jambes, dans mon sang qui sort de mon côté déchiré par les piques hérissées sur votre corps de non-amour, c’est par ma rectitude dressée entre terre et ciel que je cherche à vous extraire des chemins tortueux que vous avez sous terre, ô prisonniers. Sortons, régler ça dehors.
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En déambulant dans l’église si particulière, avec ses quatre chapelles et ses quatre nefs distribuées en cercle autour de ce qui fut son chœur, et dans le dédale de l’hôpital, avec l’aimable coopération de Joachim. Il n’était pas prévu qu’il me filme à la fin, ni qu’en faisant ces quelques pas j’arriverais à cet endroit de la Pitié-Salpêtrière que je n’avais encore jamais vu, avec l’inscription Emmaüs. Voilà !
ce dimanche après-midi j’ai désiré aller à Saint-Louis de la Salpêtrière, mais elle était fermée
je suis allée sur la promenade haute de l’hôpital
il y a trois statues de Roger Vène, pour la célébration des 400 ans de la Pitié (1612-2012), celle-ci s’appelle « Extase »
j’ai longtemps déambulé dans le labyrinthe de l’hôpital
et à la sortie je suis allée voir ce « Livre de la Vie »
je suis rentrée par le Jardin des Plantes
devant le manège des Animaux disparus, il y avait ce jeune chrétien avec un chapelet autour du cou
et pour ce musulman, c’était l’heure de la prière
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