Le sens de la recherche. Physique quantique et tutti quanti

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Certains cherchent, d’autres se résignent. Tel est l’homme. Son attitude par rapport à la connaissance. Certains cherchent, d’autres se résignent à ne pas savoir, ou à ne « savoir » que ce que le savoir en dit (or savoir ce qui est su n’est qu’un début de connaissance et peut même conduire à la scléroser), d’autres encore exploitent ce que d’autres en cherchant ont découvert. Très souvent, ceux qui ne cherchent pas maltraitent ceux qui cherchent, bien qu’ils aient absolument besoin d’eux, sans qui l’humanité ne serait plus. Leur indifférence ou leur irrespect envers la connaissance se reporte aussi sur les chercheurs. S’ils l’emportent, si la gratuité de la recherche est empêchée, l’humanité s’effondre.

C’est le devoir de tout homme de chercher, quel que soit le domaine de recherche, si humble soit-il. Toute recherche est humble, puisqu’elle place l’homme en face de ce qui le dépasse. Ceux qui veulent dominer ne savent qu’exploiter les recherches et les découvertes des chercheurs. Pour empêcher qu’ils ne nuisent trop, il faut constamment continuer à chercher, avancer, donc révéler que l’inconnu nous dépasse et nous fait nous dépasser nous-mêmes, révéler aussi la vanité de l’homme qui ne cherche pas, et le danger que cette attitude fait courir à toute l’humanité : qui n’avance pas, pourrit sur place.

Aujourd’hui nous ne pouvons pas nous contenter de savoir que les lois de la physique quantique dépassent notre entendement. Même le profane peut chercher à comprendre ce qu’il en est. C’est après tout un écrivain, Edgar Poe, qui a compris le premier pourquoi la nuit est noire. À propos du « principe d’incertitude » (mais Heisenberg a plutôt parlé d’ « indétermination »), quelque chose m’est apparu qu’il est difficile d’exprimer, surtout sans outils mathématiques. J’essaierai de le dire quand même. Et tout ceci est lié à la thèse de littérature que je prépare. À bientôt peut-être sur ce sujet, donc.

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Nietzsche

Nietzsche est-il nietzschéen ? Non. Nietzsche est lui-même. Nietzsche n’a pas besoin de maîtres. Pas même de lui-même comme maître. Seuls sont nietzschéens, ou autres -ens (platoniciens, chrétiens, hégéliens, heideggeriens, rimbaldiens etc) ou -istes (idéalistes, marxistes etc), ceux qui ne se sentent pas assez solides pour marcher sans béquilles. Ceux qui pallient par des -ens ou par des -istes leur manque d’être.

Après tout, c’est peut-être ce qui a fini par arriver à Nietzsche. Il est devenu nietzschéen, donc fou – ou bien sa folie a été son moyen d’échapper à la menace de devenir nietzschéen, donc encore plus mort que fou. L’idolâtrie, qui est toujours au bout du compte idolâtrie de soi, détruit. Les idoles existent, mais leur existence n’est pas fondée sur l’être. Les idoles existent dans la fixité et la corruption permanente, la défaite, l’écrasement par le temps.

L’être est vivant, mouvant. Nietzsche est vivant, mais seulement pour les vivants.

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L’homme créateur

Les enfants créent à tout instant : en jouant, en inventant, en dessinant, en chantant… Telle est la nature de l’homme. Créer, c’est être en joie, jouir. Chacun est conçu pour développer sa propre création, originale, unique tout en étant universelle. L’homme, autant que nous sachions, est l’animal le plus créateur. Du moins tant qu’il ne perd pas l’esprit d’enfance, où réside son être. L’homme qui l’a perdu cherche des substituts, comme celui qui a perdu ses jambes porte des prothèses. L’homme qui a perdu la capacité de jouir innocemment cherche la transgression, l’homme qui a perdu la vraie puissance d’être, de vie, de création, cherche la voie artificielle de la frustration suivie de sublimation. C’est ainsi que cet homme a mis en place la société de consommation, qui est une société de frustration. Envahie d’art factice.

Les morts dans l’âme œuvrent chaque jour à entraîner l’humanité dans la mort de l’humanité. Sauvons-la, créons. À la cuisine, à l’atelier, au jardin, dans tous les domaines de notre vie nous avons la possibilité de créer, humblement. C’est justement cette humilité qui rend notre geste grand, qui fait de notre geste un acte de vérité. La grandeur n’est pas dans la notoriété du créateur ou du prétendu créateur, mais dans la vérité de son acte, si humble soit-il. C’est cela, vivre.

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« Propagande et contrôle de l’esprit public », par Noam Chomsky

Extraits de l’un des textes du recueil Raison & liberté, aux éditions Agone

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« On s’est donc aperçu très tôt qu’il fallait contrôler les esprits. Je dois dire que ce n’est pas une idée neuve. Tout cela se trouve déjà chez David Hume à l’époque des Lumières. Reportez-vous aux premiers frémissements de la révolution démocratique dans l’Angleterre du XVIIe siècle : on s’inquiétait déjà de ne pas parvenir à contrôler le peuple par la force et on recherchait par conséquent d’autres moyens de contrôle – de contrôler les pensées des gens, leurs sentiments et leurs comportements sociaux. Il a donc fallu inventer divers mécanismes de contrôle pour remplacer l’usage efficace de la force et de la violence. »

« Propaganda est un manuel à l’usage de l’industrie des relations publiques naissante [années 1920]. Bernays ouvre son livre en insistant sur le fait que la manipulation consciente de l’opinion et des comportements sociaux des masses est le trait central des sociétés démocratiques. C’est même « l’essence de la démocratie », écrit-il plus loin. Il dit : nous avons les moyens de faire cela, les moyens d’enrégimenter les esprits aussi efficacement que l’armée enrégimente les corps. Et nous devons le faire. D’abord parce que c’est le trait essentiel de la démocratie. Mais c’est aussi, ajoute-t-il dans une note, le moyen de maintenir en place les structures du pouvoir, de l’autorité, de l’argent et du reste, à peu près telles qu’elles sont. »

« … principe énoncé par James Madison : la principale mission d’un gouvernement est de protéger la minorité riche contre la majorité. L’opinion de plus en plus dominante et partagée, en particulier parmi les libéraux (comme Bernays, par exemple), est qu’il est nécessaire de contrôler les esprits parce qu’ils représentent un trop grand danger. »

« C’est ce genre d’expérience [savoir justifier ses mensonges à ses propres yeux et aux yeux des autres et nier la vérité] qu’il faut développer pour devenir un journaliste de premier plan au New York Times. Personne ne peut entrer dans ces sphères sans être déjà tellement imprégné de doctrine et de propagande qu’il lui est même impossible de penser dans d’autres termes. (…) Comment ça marche ? Ça commence dès l’enfance, à l’école maternelle, devant la télévision. Dès le départ, il y a une sélection par l’obéissance. (…) Si (…) vous êtes suffisamment discipliné et passif, vous pouvez faire votre chemin jusqu’aux plus hauts échelons.

Il y a des gens qui ne marchent pas ; ils ont alors de sérieux problèmes. (…) les gens trop indépendants sont des empêcheurs de tourner rond. Ils perturbent le système. Il faut donc les écarter d’une manière ou d’une autre…»

« La masse d’énergie qu’il faudra pour emporter le combat pour les esprits est énorme. (…) Pourtant, si l’on songe aux enjeux de ce combat, il n’y a rien là qui doive nous surprendre. »

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Le Courage de la vérité, par Michel Foucault

Michel Foucault ✆ Ivan Korsario en La Página de Omar Montilla

Michel Foucault ✆ Ivan Korsario

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« Cette année, je voudrais continuer l’étude du franc-parler, de la parrêsia comme modalité du dire-vrai. (…) L’alèthurgie serait, étymologiquement, la production de la vérité, l’acte par lequel la vérité se manifeste. »

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rappel : une lecture en plusieurs fois du cours du philosophe, prononcé au Collège de France entre février et mars 1984

avec de nombreux extraits (à lire ou relire du bas en haut de la page)

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