Seule la poésie sauve

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riviere

Une carrière, une rivière, des arbres, des bateaux, des lignes dans le sable… J’ai fait ces photos ce matin du RER. Il y a de la poésie partout. La France honteuse, la France collabo, qui perdure depuis le siècle dernier sous des formes très proches dans leur laideur – aujourd’hui haine et mépris des femmes et du peuple par les privilégié.e.s, chasse aux migrants, stigmatisation des chômeurs, etc. – c’est la France aveugle à la poésie, impuissante, incapable de concevoir un monde autre, repliée dans ses culs-de-sac, ses pingreries intellectuelles et matérielles, ses peurs de perdre ce qu’elle est en train de perdre : la vie.

Encore une bonne journée au lycée, malgré une heure d’expression excessive de leur vitalité par mes Seconde, toujours surexcités le vendredi après-midi. C’est ainsi, et on avance quand même, on apprend. La vie. Une autre vie.

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À propos du caca verbal des 100 soumises du Monde

 

La tribune des cent bourges soumises dans Le Monde, réclamant pour les hommes « le droit d’importuner » les femmes (et pourquoi pas le droit pour les voyous d’agresser les hommes dans la rue ?), rappelle la manifestation des prostituées qui ne voulaient pas qu’on pénalise leurs clients. Elles, au moins, étaient franches : elles ne voulaient pas qu’on leur enlève leur gagne-pain, voilà tout. Et les bourges masculins équivalents des Catherine Deneuve et autres attachées à leurs dominants, les Beigbeder et autres germanopratins bon teint, les soutenaient de leur élégante déclaration : « Touche pas à ma pute ».

Tout cela, c’est le même petit monde. Le monde où l’on se vend et s’achète les uns et les unes aux autres, que ce soit de corps ou par d’autres « services » ou dans le cadre des affaires. Le monde dont le capital est le dieu. La bourgeoise comme la fille du peuple qui tombe dans la prostitution vit de la vente d’elle-même à un ou des hommes. L’institution du mariage est une prostitution policée. Et même pour qui, comme Deneuve, tient à se faire appeler mademoiselle, les hommes sont ceux par qui l’argent rentre, pourvu bien sûr qu’on accepte les inconvénients (les indignités) qui sont indissociables de cette situation.

Quant à prétendre, comme certaines de ces cent signataires toutes d’artifices, que de leur temps elles étaient plus libres que les femmes d’aujourd’hui, j’ai assez vécu et je vis encore assez pour témoigner qu’il n’en est absolument rien. La plupart des jeunes filles et des jeunes femmes d’aujourd’hui, en vérité, ridiculisent par leur émancipation toutes ces ex-jeunes qui, pas plus que maintenant, n’avaient compris à vingt ou à trente ans qu’une femme ne se définit ni ne se réalise nécessairement par rapport aux hommes, et notamment aux hommes de pouvoir. Beauvoir, sur l’autre versant de cette aliénation, rejetait et haïssait toute féminité physique, considérant notamment la grossesse ou l’allaitement avec épouvante. Et c’est entre ces deux grilles qu’étouffaient en vérité beaucoup de femmes prétendument libérées des décennies suivantes : la soumission au regard des hommes et la haine de leur propre corps (voir ce que rêvait d’en faire l’une de ces signataires, Catherine Millet : le faire souiller par des hommes, à la chaîne – capitalisme quand tu les tiens).

Pour paraphraser Brel : les bourgeoises c’est comme les cochonnes, plus ça devient vieille plus ça devient conne #Deneuve&les100soumises #TouchentPasàleursPorcs

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Retour d’Edimbourg

Retour en France, un pays que je n’ai jamais vraiment aimé, un pays qui est resté un pays de collabos depuis quatre-vingts ans, un pays aujourd’hui ravagé par le mensonge comme son maître les États-Unis, un pays lâche, veule, manipulateur, factice, vieux, incivique, antidémocratique, indigne, à l’image du président qu’il s’est laissé imposer, un pays aujourd’hui trop souvent à vomir. Heureusement, mon cœur habite ailleurs, très ailleurs.

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edimbourgLa pleine lune hier soir à Édimbourg

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edimbourghDans l’aéroport d’Édimbourg ce matin

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franceDe l’avion en descente vers Paris Charles de Gaulle, ce matin

photos Alina Reyes

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Cahier

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dessins et collages réalisés dans le cahier où s’écrit l’un de mes prochains livres en écoutant des conférences :

en cours d’écoute Gaëtan Picon (1915-1976) : Esthétique et Culture

et hier soir et cette nuit

sur le storytelling Christian Salmon « politique de la littérature »

François Hartog – « Temps de l’histoire, temps de la littérature »

« Arts, littérature et sciences sociales » – Théories et approches formelles en littérature

Tiphaine Samoyault, « Autour de Pascal Quignard », qui répète une pensée toute faite et fausse, selon laquelle la chute de cheval, comme celle de Paul, serait à l’origine d’une conversion ou d’une renaissance, et à qui j’ai laissé ce commentaire :

Ce qui est très intéressant aussi, c’est que la réalité de la chute de Paul est contraire à l’interprétation qui en est faite par certain story-telling trompeur. Pas question de cheval dans le récit que Paul fait de sa chute, et sa conversion ou sa renaissance n’est pas la conséquence de sa chute. C’est sa conversion-illumination qui est la cause de sa chute. Une bonne chute, et non une chute au sens de péché. Interpellé par la Vérité, il tombe. Il tombe parce qu’il a vu et entendu (alors que d’autres à côté de lui ne voient ni n’entendent rien). La vision de la vérité est première, précède le et la « tombe » dont il se relève. Je dirais : il tombe la chemise. Ce que peu savent faire, en fait.

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Saleté de storytelling, qui infecte la politique, la littérature, la pensée, l’histoire, la science, avec ses productions faussaires comme le roman de Haenel sur Karski ou hier soir sur Arte la diffusion d’un docu-fiction raciste visant à faire croire que l’homme de Néandertal, qui vivait en Europe quand l’homme moderne est arrivé d’Afrique, était en fait supérieur à ce dernier. Notamment en faussant les résultats de la science pour lui attribuer Lascaux et le présenter comme l’enfant de l’homme moderne africain, donc un progrès par rapport à lui. Une entreprise sournoise, aussi basse que le « newspeak » d’Orwell, que je traduis par « newdire » car il ne s’agit pas seulement de changer le vocabulaire (novlangue) mais de faire mentir un discours, en l’occurrence scientifique. Mensonge et racisme sournois, comme avec Goebbels le mal fait dans les esprits, en ces temps où le néofascisme reprend du poil de la bête, a beau se dédouaner en se justifiant faussement par la fiction, il est fait et refait.

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