Dagues et textes

non anniversaire

photo Christophe Leroux ; pour en voir d’autres : son site

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En ce jour de mon non-anniversaire, comme dit Lewis Carroll, il me vient de faire un petit point sur ma vie, comme on en fait à la fin d’une phrase qui en appelle une autre. Il me vient le souvenir du jour où je volai le poignard d’un garçon et le gardai dans mon tiroir à dessous (culottes, car je ne portais pas de soutien-gorge). C’était l’été de mes dix-sept ans, je le passai avec une bande de garçons disons un peu border-line, des gars de la banlieue parisienne. Je sortis avec l’un d’eux, lui demandai de me dépuceler, et quelques temps après lui volai son poignard, en toute courtoisie. Il y avait longtemps que je lisais énormément, et aussi que j’écrivais, c’est pourquoi je fis une chose pareille. Je n’avais encore lu ni Cortazar ni Borges, mais ce geste aurait pu entrer dans l’un de leurs textes – ils aimaient les poignards.

Il me vient aussi le souvenir du jour, plus récent, où je libérai un taureau furieux de s’être pris les cornes dans un filet, à la montagne, il me vient le souvenir de la rugosité de ses cornes dans les paumes de mes mains, et de ce moment étrange où, aussitôt délivré, il me suivit et se coucha devant ma porte. Je suis dans l’âge que depuis l’enfance je veux avoir, à la fois dans la vieillesse et dans la fraîcheur d’esprit. En voilà un bon non-anniversaire !

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naziyah mahmood par fiona brimsNaziyah Mahmood, photographiée par Fiona Brims

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