Épictète, « Entretiens » 2 (ma traduction d’un passage sur le bonheur et la liberté)

Comme annoncé l’autre jour, voici la parfaite leçon d’Épictète.

6« Zen », l’une de mes photos colorées à la main

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Attache ton désir et ton aversion à pauvreté et richesse : échec, illusion. À la santé, alors ? Tu seras malheureux aussi. Idem pour les positions sociales, les honneurs, la patrie, les amis, les enfants, ce qui tout bonnement ne vient pas de toi. Rattache plutôt ces choses au Zeus et aux autres dieux. Remets-les entre leurs mains, qu’ils les pilotent, qu’elles se déterminent selon eux – comment seras-tu encore malheureux ? Mais si tu es envieux, misère de toi, si tu t’apitoies, si tu rivalises, si tu t’agites, si tu ne passes pas un jour sans te plaindre à toi-même comme aux dieux, qu’as-tu appris, dis-moi ? À quelle école as-tu été, bonhomme ? Tu as pratiqué des calculs qui se retournent ! Ne veux-tu pas effacer tout ça, si possible, et recommencer à zéro, conscient que jusqu’à présent tu n’as rien réalisé d’important ? Et partant de ce constat, construire la suite en conséquence, de sorte que rien de ce qui est n’arrive sans que tu le veuilles, et que tu ne veuilles rien qui ne soit ?

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À propos des « âmes fortes »

Myriam danse,« Myriam danse », dessin illustrant la danse et le chant, au son des tambourins, de Myriam, après le passage de la « mer Rouge » (passage que j’ai traduit ici)

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L’une des œuvres au programme de l’agrégation cette année, dont j’ai écrit un commentaire ici, est la chronique de Jean Giono intitulée Les Âmes fortes. À ce propos, je signale un passage des Entretiens d’Épictète où il parle de ce qui a fait chuter Médée, une « âme forte », une « psyché à la forte fibre », dit-il (un même mot, qui nous a donné neurologie, signifiant nerf et fibre en grec : voir note précédente). C’est un peu l’histoire du chêne et du roseau. Médée est tombée parce qu’elle a préféré sacrifier ses enfants plutôt que d’accepter de ne pas avoir ce qu’elle souhaitait avoir, explique Épictète (j’en traduirai peut-être un passage très bientôt) (NB c’est fait, ici). Sa fibre est forte, mais raide.

Telle est la faille des dominants. Le roseau est menu et flexible, mais il ne rompt pas. Le roseau est l’allié du vent, par où il parle. La mer que nous appelons Rouge s’appelle en fait en hébreu, dans la Torah, la mer des Roseaux. Les roseaux sont les porteurs de la parole, comme je l’ai montré dans Voyage. Trahir est pire que mourir. Vivre est mieux que mourir. Médée choisit la trahison et le crime. La véritable force de l’âme est celle du roseau, qui n’essaie pas d’imposer sa volonté ni ne se venger quand il ne peut l’imposer, mais ne désire que ce que le vent lui souffle et ainsi vit, sans tomber ni redouter la mort, meilleure que la trahison. Tel le furet auquel se compare Thèrèse dans le roman de Giono, l’âme souple, si elle ne peut passer par ici, passera par ailleurs, voire à travers. Le vent passe à travers les roseaux comme le vivant peut passer à travers le papier (ainsi que l’a montré Saburo Murakami dans une performance réitérée -vidéos ci-dessous) car ils sont multiples dans leur unité. Comme il est dit dans Ghost in the Shell, la spécialisation nous conduit à la mort. Ne soyons pas des êtres focalisés, c’est-à-dire des êtres-pour-la-mort. Telle n’est pas notre nature.

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https://youtu.be/i9H-oRcuWtg
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