Combat

"Gioconda, Italia-Francia-Gilets jaunes", dessin de Mauro Biani pour Il Manifesto

« Gioconda, Italia-Francia-Gilets jaunes », dessin de Mauro Biani pour Il Manifesto

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Barbarin, proférateur de la phrase immonde « grâce à Dieu, les faits sont prescrits », essaie de retarder la sortie du film de François Ozon, Grâce à Dieu. Son plus beau film, dit-on, et tant mieux. Je ne suis pas sûre d’aller le voir – pas envie de remuer le passé. Mais il est bon qu’il existe. Que le putain, les putains de l’espèce de Preynat et Barbarin, qui sont tout un monde en fait, crèvent dans leur enfer.

Le combat pacifique de l’art ne va pas sans violence symbolique. La révolution est un art. Que notre instinct continue à nous guider.

Dans ton combat contre le monde, seconde le monde, dit Kafka. On reproche souvent aux émeutiers de discréditer les mouvements sociaux, avec la violence symbolique qu’ils y apportent. En effet. La masse des partisans de l’ordre et autres prudents, au plus petit signe de risque de renversement de l’ordre établi se rangent du côté de ceux qui tiennent la matraque. Les émeutiers, dans leur combat contre le monde inique, le secondent. Mais c’est ainsi qu’ils font tomber son masque. C’est ce qui se passe en ce moment. Le masque de la macronie est tombé, dévoilant un visage aux yeux injectés de sang.

Christophe Dettinger veut porter plainte contre Emmanuel Macron pour injure raciale. Voilà qui est très bon aussi.

Dans notre combat contre le monde, ne cherchons pas le pouvoir, bâtissons un contre-pouvoir. C’est lui qui se chargera de faire tomber l’ancien monde, de faire qu’il tombe de lui-même, comme finit de mourir un vampire quand il se trouve exposé au jour.

Si nous devons construire, c’est avec nos mains.

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Le génie du peuple (prouvé en 3 petites vidéos)

« Notons qu’avec ce peuple qui se fonde par lui-même dans l’agir (et dans une contemporanéité connectée), nous sommes loin de tout populisme », écrit Yves Cohen dans ce texte qu’il faut lire sur Les foules raisonnables. Notes sur les mouvements sans parti ni leader des années 2010 et leur rapport avec le vingtième siècle, rappelant « la réflexion de Jean-Jacques Rousseau qui parlait de « l’acte par lequel un peuple est un peuple».  »

Celles et ceux qui dans le peuple savent rire, avec leur corps comme avec leur esprit, sont les sauveurs de vie. Macron est faux et chiant comme la mort, Macron et sa caste, et son monde, sont chiants comme la mort. Le peuple a le génie de l’agilité, du courage, de l’inventivité, de l’humour : voilà ses meilleures armes. C’est grâce à elles que malgré l’indigence des classes affairées à dominer, qui n’avancent dans la vie que piétinant les pieds dans la merde, contre leurs forces de mort, l’humanité a vaincu, vainc et vaincra, jour après jour, dans la grâce, l’élégance et la joie.

 

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Retour sur une fascisation en marche depuis des années

macronisme,*

Les réponses paranoïaques d’Emmanuel Macron au mouvement des Gilets jaunes ou à l’affaire Benalla, symptomatiques d’une société de l’occulte et du spectacle, marquent l’accélération, sous sa présidence, d’une fascisation du pouvoir politique en France, comme ailleurs en Europe.

« La démocratie peut disparaître en Europe », déclarait Jean Ziegler, vice-président du Comité des droits de l’homme de l’Onu, le 28 décembre 2014. Et il accusait comme dans son livre Retournez les fusils « les oligarchies financières globalisées » de la détruire. La dérive fascisante du pouvoir, dont l’un des symptômes est la tentation d’interdire toujours plus, sanctionner policièrement les paroles « déviantes », et notamment faire obstacle au droit de manifester, n’a pas commencé hier. En 2014, plusieurs manifestations en soutien à Gaza bombardée et martyrisée, ou en hommage à Rémi Fraisse, ont été interdites, dans un pays où, comme en toute démocratie, de telles interdictions sont rares. Ou du moins étaient rares. En revanche, ce sont les représentants de l’État qui ont appelé à la manifestation monstre du 21 janvier 2015, au cours de laquelle la police fut acclamée.

Selon Claude Guéant, l’ancien ministre de l’Intérieur, « il y a des libertés qui peuvent être facilement abandonnées »… pour, bien sûr, lutter contre le terrorisme. Mais les pouvoirs n’ont pas attendu la tuerie de Charlie pour s’emparer des libertés en organisant la surveillance à grande échelle des citoyens, nouvelle forme du fascisme. Qui, dans ce vieux pays hiérarchisé et cloisonné, trouve intérêt à ce jeu paralysant ? « La France a besoin d’autorité », déclarait Manuel Valls le 18 février 2015, en guise de justification du recours à l’article 49-3 pour imposer la loi Macron. La vérité est qu’un gouvernement plus faible que jamais, et affaibli par son manque de vision, d’intelligence et de respect, un gouvernement traître à toutes les promesses qui l’ont porté au pouvoir, n’a aucune véritable autorité. L’autorité vient de l’exemple que l’on est, que l’on donne. Quand l’autorité morale vient à manquer, quand les actes et les comportements contredisent les discours, l’autorité est défaillante : c’est alors que s’y substituent l’autoritarisme, l’abus, la violence, morale ou physique.

Les temps que nous vivons sont souvent comparés à ceux des années 30. L’histoire ne se répète jamais à l’identique. Si les conditions d’une advenue du fascisme sont réunies, ce dernier, ou sa forme nouvelle, ne vient pas forcément par où on l’attendrait, par où il est déjà venu. Certains portent la mauvaise parole, celle qui fit du mal autrefois, mais ont peu les moyens de nuire, voire ne croient pas eux-mêmes à cette mauvaise parole proférée et entendue avec distance. Alors que d’autres, porteurs d’une « bonne parole » mensongère, sont au pouvoir et n’hésitent pas à en abuser, à porter atteinte aux institutions républicaines et à la liberté d’expression.

Tandis que les irresponsables politiques de tous bords, depuis des décennies laissent empirer la situation de la société, où les inégalités se creusent non seulement sur le plan matériel mais aussi sur celui de l’éducation. Au bas de l’échelle certains pratiquent le trafic d’armes et de drogues comme d’autres, en haut de l’échelle, pratiquent le trafic de la vérité, les trafics politiques, les trafics financiers et les trafics d’influence. Le viol de la loi et le faux règnent du haut en bas de la société, et les uns les autres se regardent au miroir de la mort. Ils croient se combattre mais ils œuvrent pour le même camp, et c’est le pays entier, y compris les innocents et les hommes de bonne volonté, qui en est victime.

Oui, miroir de la mort. Guy Debord avait prophétisé la société du spectacle. Ajoutons qu’elle a son corollaire, qui se développe en même temps qu’elle : la société de l’occulte. Les deux n’en font qu’une. Société de fausse transcendance, creusant sa « fosse de Babel » comme le prophétisa plus synthétiquement encore Franz Kafka. Où est le spectacle, là est la fosse. Le spectacle est l’apparence, l’épidermique. Que font les discours des politiques et des médias dominants ? Ils poussent aux réactions épidermiques en désignant des gens à la vindicte. Quels gens ? Non pas de riches exploiteurs, non pas de puissants corrompus, non pas des intellectuels aux influents réseaux entraînant le pays à semer la mort et le chaos par ses guerres et autres ingérences au Moyen Orient ou en Afrique, et faisant régner en France, dans la presse et l’édition, la pensée unique, la promotion et l’exclusion de telle ou telle voix – mais les pauvres, les stigmatisés de longue date, les personnes parfois poussées au désespoir du fait du mépris dans lequel elles sont tenues, et étaient avant elles tenus leurs parents : tour à tour et à la fois les Roms, les immigrés et enfants d’immigrés, les migrants, les chômeurs, les Gilets jaunes maintenant… Voilà le ressort qu’exploitent les politiciens : épouvanter secrètement les gens, afin d’obtenir leur repli, leur défaite.

Ayant dû renoncer à ses colonies, c’est le peuple de métropole que l’État français s’est mis à coloniser. Ce peuple formé de beaucoup d’immigrés et enfants d’immigrés, du peuple de toujours et de sa jeunesse, de tous ceux qui n’ont pas pour but dans la vie de dominer et exploiter autrui. Au fond les colonisés sont déjà plus libres que les colons, prisonniers de ce besoin de coloniser sans lequel ils ont peur de ne pouvoir survivre. Mais c’est justement leur propre aliénation qui les pousse à faire en sorte que se perpétue leur domination, toujours menacée. Si les dominés ont toujours devant eux la perspective de renverser les dominants, les dominants, eux, passent leur existence dans la crainte de se voir dépouillés de leur domination, sans laquelle ils ne savent survivre. Et pour se maintenir ils sont prêts à tous les artifices, tous les mensonges, toutes les ruses, toutes les tromperies. L’illusionnisme, les tours de passe-passe, sont leurs misérables armes, portées par beaucoup de médias complaisants – aux mains de milliardaires et plus ou moins achetés par les aides que leur verse l’État. Le fascisme en marche en Europe depuis des années a fait ces derniers jours, ces dernières semaines, ces derniers mois, un bond en avant avec une spectaculaire banalisation de ses pulsions, de ses ressorts, de ses retours.

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Habitons librement le pays tout entier !

liberté*

Le couple Macron transforme plusieurs salles de l’Élysée en appartements bourgeois, rabaissant le génie des lieux, éliminant les rouges, les dorés, les magnificences d’un palais et les remplaçant par les gris, les beiges, les bleus, les discrétions qu’affectionnent les bonnes familles catholiques, soucieuses de façades respectables à l’abri desquelles laver leur linge sale et le salir toujours plus, polluer toujours plus le pays.

Le palais de l’Élysée n’est pas leur bien. Il est celui de tout le peuple. Au cours des siècles nous avons eu des rois, puis nous avons construit une République sans rois. Tout cela est notre héritage, fait partie de notre corps. Le peuple a droit à la magnificence, il l’aime comme il aime la fête, la vie. Le vivant est exubérant. Le peuple qui descend dans la rue et manifeste affirme et récupère son droit à la fête, qu’un petit couple d’arrivistes balzaciens ne saurait lui enlever.

La ploutocratie (une ploucocratie, car ces gens sont des ploucs) qui a pris en otage la République a construit un pays invivable pour les vivants. Elle a voulu les esclavagiser, et cela s’illustre dans les choix urbanistiques et architecturaux qui ont été faits pour le peuple. Mises à l’écart, enfermements, éloignements, béton, déshumanisation. Et quand des humains, Gilets jaunes ou autres, ici ou là bâtissent des lieux à vivre humains, conviviaux, la ploutocratie envoie sa police les démolir. Macron démolit le bien public et les libertés comme sur les ronds-points ou à l’Élysée. En bon banquier il tente de capter notre bien, tous nos biens, de toutes les façons possibles. Mais lui et sa caste de grippe-sous sont bien moins vivants, bien moins unis à la plénitude du réel, bien moins libres, donc bien moins puissants que nous.

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Avant le déluge, la pluie : pas de justice sans vérité

justice illusion,*

14 h. J’ajoute à cette note de ce matin sur la justice ce communiqué de Médiapart : « URGENT. Deux procureurs, accompagnés de trois policiers, ont voulu perquisitionner ce matin, à 11h10, les locaux de Mediapart dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet pour (notamment) atteinte à la vie privée de M.Benalla suite à nos révélations de la semaine dernière. »

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10 h.

Le mot vérité (ÊMeT) est formé d’initiales (notarikon) ; Ê pour êmet (vérité), M pour méérets (de la terre) et T pour tasmiah (poussera) ce qui signifie : » La vérité germera de la terre » Le Zohar

Frédéric Lordon écrit dans une tribune du Monde diplomatique intitulée « Le complotiste de l’Élysée » : « Prenons les choses autrement. Hegel écrit quelque part que l’Histoire se trouve toujours les individus particuliers capables d’accomplir sa nécessité. C’est peut-être sous cet angle qu’il faut envisager le cas Macron. Comme une bénédiction imprévue. Peut-être fallait-il l’extrémité d’un grand malade, produit ultime d’une séquence de l’histoire pour en finir avec cette séquence de l’histoire. » À part le mot bénédiction, c’est exactement ce que je pense.

Pendant que Monsieur frappe le peuple et fait couler son sang, Madame, à grands frais, défigure la magnificente salle des fêtes rouge de l’Élysée en lui infligeant une moquette couleur béton et des murs dépouillés assortis, façon banque ou parking souterrain. Cinquante nuances de gris, une affaire sadienne au Palais transformé en Bastille dont les résidents se sont eux-mêmes embastillés. Christophe Dettinger est toujours en prison, Benalla court toujours : police partout, justice nulle part. Allons, la révolution advient, avec la vérité qui pousse de la terre.

« Et il y eut la pluie » et seulement ensuite « et ce fut le déluge ». Le Zohar

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