Certains musulmans nous font avec le voile un chantage à l’islamophobie comme certains juifs nous font avec Israël un chantage à l’antisémitisme. De même que critiquer Israël serait être antisémite, critiquer le voile serait être islamophobe. Or le voile ne représente pas plus l’islam que le sionisme ne représente le judaïsme. Il n’est en rien illégitime de considérer que le sionisme et le voile sont des instruments d’oppression, l’un envers les Palestiniens, l’autre envers les femmes. Bien sûr il y a en Israël des musulmans qui trouvent leur compte dans une société qui malgré tout leur offre des opportunités d’étude et de travail, et bien sûr il y a des femmes voilées qui ne sont pas moins libres que des femmes sans voile. Il n’empêche, et j’en ai fait l’expérience, qu’il existe une pression énorme – vraiment énorme – des hommes et de certaines femmes sur les musulmanes pour qu’elles voilent leurs cheveux, voire davantage. Jamais le Coran ne demande rien de tel, le mot cheveux ne s’y trouve même pas. Cette question complètement accessoire, c’est le cas de le dire, est devenue, par une terrible inversion des valeurs, l’emblème, toujours plus hystériquement défendu, de l’islam. Comme si l’islam s’était vidé de toute sa grandeur pour se réduire à des mesquineries, des bassesses spirituelles et intellectuelles, voire à une agressivité défensive qui a tendance à se transformer en ressassement et à paralyser toute vraie pulsion de vie.
J’ai toujours écrit en faveur de la liberté de porter le voile (pas celui qui masque le visage, ce qui me paraît extrêmement incorrect envers autrui), mais je n’ai pas l’intention de perdre la liberté de le critiquer, et d’autant moins qu’il est de plus en plus instrumentalisé.
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En réalité, la politique prime sur la religion, y compris chez la plupart des religieux. Et c’est une bonne chose car les religions ne sont pas la réalité, seulement un voile devant le réel. Les hommes ont le plus grand mal à regarder en face la Vérité, qui est Dieu, c’est pourquoi ils l’habillent de religions qui la rendent abordable. Mais les religions sont aussi des bateaux pour voyager vers la Vérité, de même que la science, l’art, la philosophie – disciplines qui peuvent aussi être des religions. Le plus grand danger qui menace l’humanité est l’idolâtrie. L’idolâtrie de l’argent, de l’apparence, de la religion, toutes choses qui n’ont pas de réalité. La politique est la réalité, et quand s’y mêle l’une de ses idolâtries, il se forme une énorme chimère, une force de mal dévastatrice.
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Dans la barbarie moderne la Machine (administrative du nazisme ou technologique à Hiroshima) tue à la place de l’homme. Elle apparaît comme l’accomplissement de la pulsion de mort mais elle en est surtout le signe. Le signe de ce qui préside aux massacres, que ce soit dans la barbarie contemporaine à la machette ou à la bombe atomique : la négation, l’occultation de l’humanité. Le massacre ne peut avoir lieu sans déshumanisation préalable (par le racisme, l’idéologie politique ou religieuse) des massacrés ou futurs massacrés, et cette déshumanisation transforme elle-même le massacreur en machine.
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Un hebdomadaire catholique promeut, en une, un livre sur Jésus écrit par un auteur qui leur déclare dans un long entretien qu’il ne croit pas en Dieu.
L’un, parmi d’autres, des signes de l’incohérence qui gangrène notre monde. Incohérence et chaos sont deux têtes d’un même Mal dans la bataille mondiale à laquelle nous assistons et prenons part, que nous le voulions ou non, soit dans les forces de mort, soit dans les forces de vie. La démarcation n’est pas entre islam et christianisme, ni entre monde musulman et monde judéo-chrétien, ni entre des cultures, des politiques ou des idéologies. La démarcation entre le camp de la vie et celui de la mort dans ce combat est la démarcation entre la cohérence et l’incohérence dans tous ces systèmes de pensée et de vie.
Les esprits gagnés par l’incohérence qui jette le chaos dans le monde sont comme les ruines de la guerre. L’incohérence est devenue leur royaume, ils perdent un peu plus chaque jour la connaissance, ils en arrivent à juger dans l’inversion. Ils ne savent pas se remettre debout et ils ne le pourront pas tant qu’ils n’auront pas repris le chemin de pensée où les appelle le Seigneur des mondes, le seul qui sache les harmoniser et qui puisse les relever.
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Projetant d’aller en reportage dans ce qu’on appelle les « zones de non-droit », j’ai acheté Valeurs Actuelles pour voir leur enquête de cette semaine sur ces mêmes zones. J’ouvre ce magazine plein d’effroi et de mauvais esprit, et avant d’arriver aux pages qui m’intéressent, je vois un encadré titré « L’image de la semaine » dont la photo est ainsi légendée : « 5000 personnes ont participé à la messe organisée le 13 août par le maire de Béziers, Robert Ménard, pour l’ouverture de la feria. » Ben tiens. Un maire facho qui organise des messes. Le bon vieux temps retrouvé pour tout ce petit monde.
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Je t’appelle Palestine, humble maison de l’Homme,
car où est notre cœur, là est notre trésor.
Tes enfants crient et pleurent entre ciseaux et gomme,
des bombes les effacent ou les jettent dehors.
Ô terre convoitée, Palestine aux mains nues
dressée face aux tueurs, ceux qui veulent ta peau,
aveuglés par la rage et toute honte bue.
Ô, écoute la mer baigner tes bons chevaux !
Poussière de béton, modernes sarcophages
de milliers d’innocents. Ils se retourneront,
soulevés par la vie d’un peuple mis en cage
et bondissant, iront enterrer Pharaon.
Ô jeune Palestine marchant sur les décombres
vers où tes oliviers t’appellent de leurs vœux,
tu troues sur ton passage les très épaisses ombres
de la nuit, annonçant l’aube des jours heureux.
Petite fiancée du ciel, petite mère,
tu auras, épousée, des enfants plein les bras.
Nés d’un déchirement et nourris de lumière,
ils montreront la paix aux hommes d’ici-bas.
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Petit pays au cœur du monde,
pays dépouillé de pays
comme l’enfant, mains sur les yeux,
se sent devenu invisible.
Terre sur laquelle le monde
des hommes qui ont un pays
ou même cent, ferme les yeux
afin de la rendre invisible.
Peuple palestinien, le monde
qui t’a dérobé ton pays
ne peut pas marcher droit, les yeux
rempli de ton sang, si visible.
Nous mangerons des roses, monde,
au paradis, notre pays,
et tu supplieras dans nos yeux
le feu sans fin de l’Invisible.
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Quand va mourir le porc
la terre puera-t-elle
un peu plus, un peu moins ?
L’odeur de son cadavre
pourrait-elle être pire
que celle de sa bauge ?
Une chose est certaine :
elle ne durera
pas beaucoup plus longtemps
et peut-être bien moins.
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Des hommes embourbés
jusqu’en haut des mollets
pataugent et s’enfoncent
dans leurs membres pourris.
Leurs aïeux, dans le temps,
firent de grandes guerres,
ignobles déjà.
Les leurs sont aujourd’hui
mesquines et honteuses,
dissimulées, lâches
surtout.
Ils n’ont pas de charpente,
leur toit est cache-sexe
Ils n’ont ni jambes ni
colonne vertébrale
Pas de main que l’on puisse
en confiance serrer
Des paroles tordues
Des yeux dans lesquels nichent
des serpents.
Des hommes habillés
de bêtise et de morgue
des hommes pleins de mort
rampent avec des mouches
aux ventres gras partout
où ils trouvent pitance.
Ils cherchent les vivants
pour manger sur leur dos
Ils s’empiffrent en tuant
et crèvent dans leur faim,
à jamais dévorés.
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Le phénomène EI peut être considéré comme une forme de la volonté d’impérialisme qui se manifeste et s’est manifestée dans maints peuples et maintes fois dans l’histoire. L’impérialisme, le désir d’exercer un empire sur l’autre, est un fléau de l’esprit humain, tant dans l’existence individuelle que dans celle des peuples. Il prend et a pris au cours des siècles, sur tous les continents, la figure de conquêtes, de colonisations, d’occupations, de génocides, de déculturations… Toujours au prétexte d’imposer « la civilisation », qu’elle soit issue d’idéaux ou de religions. L’impérialisme est un blasphème, son sens profond et caché étant la volonté de l’homme de se substituer à Dieu pour refaire le monde et l’histoire selon son propre arbitraire, pour imposer sa volonté à autrui alors que Dieu seul a droit sur l’homme.
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Quelles que soient les forces de régression à l’œuvre, le mouvement de la vie, qui va vers l’avant, est irrépressible : les femmes iront dans le sens de leur libération, les hommes iront dans le sens de leur libération, les peuples iront dans le sens de leur libération. Ceux qui ne veulent et ne voudront pas suivre la voie de la vie tomberont dans la mort. Telle est la Loi, la première et la dernière.
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De fait, Israël et l’Occident se servent l’un de l’autre comme boucliers humains. Au sens spirituel du terme, puisque dans les faits ils se protègent l’un l’autre par leurs moyens technologiques, leur force de frappe et de propagande. Mais ce dévoiement spirituel ne peut que les conduire à leur mort, ou du moins à leur extinction en tant que tels, en tant que puissances impérialistes et coloniales.
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Savourer la vision de la paix, la joie de la paix. Tel l’amoureux, l’amoureuse aux premiers temps de son amour. Savourer pleinement cette grâce, afin d’avoir la patience et le courage de poursuivre le chemin jusqu’au moment des noces, de l’accomplissement. Préparer la maison, la construire apte à se remplir de vie, d’enfants, de joie, d’amour, de paix.
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Certains médias qui occultent ou minimisent la paix de ce matin à Gaza, ceux qui la boudent, ceux qui en parlent comme contraints et forcés, se retrouvent, certains secrètement pro-israéliens, d’autres prétendument pro-palestiniens, dans le même panier : celui de ceux qui faisaient semblant d’aimer la paix mais ne désiraient en fait que la continuation de l’état de fait, le rapport dominant-dominé, qui tuait, et dont tout le mal qu’il faisait pouvait être instrumentalisé à merci, leur permettait d’exacerber des propagandes en vérité malhonnêtes, des rancœurs destructrices. Eh bien oui, c’en est fini pour le moment des facilités de la guerre à distance, maintenant vient le plus difficile, la paix à accomplir. Le plus difficile, et le plus beau, le plus exaltant, le plus vivant.
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« Heureux les pauvres de coeur, les assoiffés de justice… le royaume de Dieu est à eux. » Jésus. Les Gazaouis, les Palestiniens et ceux qui les aiment ont le coeur en joie. Les autres, les radins de coeur et les jamais rassasiés d’injustice, à l’annonce de la paix tirent la gueule. En fait, c’est un petit supplément de joie pour nous qui ne lésinons pas sur la fête : une preuve que nous sommes dans le vrai !
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Trêve, levée partielle du blocus et tractations en cours pour la suite : je salue la si longue et si courageuse résistance des Gazaouis. Celle des Palestiniens, et le soutien de millions de personnes de tous peuples dans le monde. Je salue l’intelligence de toutes les parties qui sont arrivées à conclure ce premier accord, et je leur souhaite de conserver courage et raison pour tout ce qui reste à faire afin de construire la justice et la paix.
Peuple de Palestine et peuple d’Israël, tendez-vous la main par-dessus tous ceux qui, dans le monde ou parmi vous, seraient satisfaits de voir se perpétuer votre division. En vérité vous êtes frères, vous vivez côte à côte depuis tant de siècles souvent paisibles, et maintenant depuis tant de décennies meurtrières, mais qui ne vous condamnent ni à la guerre ni à la haine éternelles. Un jour vous serez réunis, et c’est ensemble que vous serez forts, que vous ne serez plus l’un et l’autre les otages du monde, qui de toutes parts instrumentalise votre tragédie pour conforter ses propres intérêts. Pour le monde vous ne serez plus cette icône de la dissension dont il se sert cyniquement, mais un exemple et une lumière.
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Ce n’est qu’un début. Le fait est qu’Israël doit savoir que sa situation n’est plus la même qu’en 2012. Jusque là il pouvait faire plier la résistance armée. Aujourd’hui il ne bénéficie pas de soutiens aussi forts de la part des États-Unis et de l’Europe, et son image s’est considérablement dégradée aux yeux des peuples du monde, qui pourraient se soulever encore bien davantage pour la Palestine. Son intérêt est à changer radicalement de politique.
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Les pro-israéliens, et parmi eux spécialement les plus lâches, ceux qui n’osent pas s’afficher ouvertement comme tels, sont décontenancés par l’annonce de première victoire du Hamas, parce que toute leur existence est fondée sur le fait de se mettre prudemment du côté du plus fort. Or, voici qu’on en vient à douter de qui est le plus fort.
La vérité est la plus forte, les Palestiniens et leurs amis ne cessent de le leur répéter. S’ils avaient écouté, ils ne feraient pas si triste mine aujourd’hui. Et peut-être plus triste encore demain, quand les Français et autres lécheurs de bottes des États-Unis verront qu’ils comptent finalement bien peu pour leur maître américain, par rapport à l’Asie.
Quand les chrétiens pourront péleriner librement en Palestine, sans check-points, ils pourront remercier le Hamas et la Résistance gazaouie d’avoir initié le travail que personne ne les a aidés à faire.Les chrétiens pourront se souvenir que du fait de cet isolement où ont été laissés lâchement les Palestiniens, ces derniers auront payé la libération de ces terres, pourtant chères aussi aux chrétiens, de milliers de martyrs, dont des milliers d’enfants. Et s’il ne leur était pas aussi facile qu’ils le voudraient de pratiquer leurs cultes chrétiens sur ces terres, ils ne pourront pas s’en plaindre.
S’ils ont un sens politique, lorsque les jeunes chrétiens d’aujourd’hui pourront aller péleriner librement à Bethléem et ailleurs en Palestine, sans impossibilité comme ce fut le cas cet été, ils auront honte de leurs parents qui n’auront rien fait pour aider à la libération de ces terres qui sont également chrétiennes. Ils comprendront qu’ils doivent cette libération au sacrifice d’un peuple palestinien musulman et à la bonne volonté des opposants israéliens arabes et juifs à la politique d’extrême-droite d’Israël – une droite israélienne à côté de laquelle le Front National a l’air d’un aimable parti de gauche, comme le disent les intellectuels israéliens dotés de conscience. Ils auront honte de ceux qui n’ont rien fait ni rien dit contre ces colonialistes âpres et sans scrupules, voire sanguinaires, comme en commémorant la libération de Paris ceux qui ont une conscience politique n’oublient pas la honte française de la collaboration.