Shakespeare, Sonnet 51 (ma traduction)

Toujours selon le même principe (transposer au mieux la forme du sonnet anglais dans celle du sonnet français), voici ce sonnet aux résonances « présocratiques » à mon oreille, sonnet à double fond dont l’un, si je m’y entends, est délibérément et crûment érotique.

*

Thus can my love excuse the slow offence
Of my dull bearer when from thee I speed:
From where thou art why should I haste me thence?
Till I return, of posting is no need.
O! what excuse will my poor beast then find,
When swift extremity can seem but slow?
Then should I spur, though mounted on the wind,
In winged speed no motion shall I know,
Then can no horse with my desire keep pace.
Therefore desire, (of perfect’st love being made)
Shall neigh, no dull flesh, in his fiery race;
But love, for love, thus shall excuse my jade-
   Since from thee going, he went wilful-slow,
   Towards thee I’ll run, and give him leave to go.

*

Mon amour excuse ma vexante monture,
Sa lenteur quand de toi très vite je m’en vais :
Hors d’où tu es, pourquoi devrais-je me hâter ?
Tant que je ne reviens, nul besoin d’autre allure.

O quelle excuse alors ma pauvre bête trouve
Quand paraît trop lente la vive extrémité ?
Quand montant le vent même, j’éperonnerais ?
Dans la vitesse ailée, immobile je m’éprouve.

Nul cheval ne saurait au même pas tenir
Que le parfait amour dont est fait mon désir ;
En sa course de feu nulle chair il ne bride.

D’amour, à ma rosse l’amour pardonnera  :
« Puisqu’elle s’est voulue lente à venir de toi,
Moi, je cours à toi, lui laissant le pas fluide. »

*