Au grandes femmes, les peuples reconnaissants. Journal du jour

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En sortant de la salle de la mairie du 5e où j’avais visité l’admirable et émouvante exposition « L’Amérique comme patchwork. Les États-Unis au fil de leur kilt », voyant en face, au fronton du Panthéon, la fameuse inscription « Au grands hommes, la patrie reconnaissante », je l’ai trouvée très datée, malodorante et périmée. Je suis la première à admirer les grands hommes, mais j’admire encore plus les grandes femmes, car elles ont dû, pour accomplir leur œuvre, fournir en plus l’énorme combat que nécessite le dépassement de l’hostilité de la société envers les femmes. La société est hostile aux génies (sauf, au bout d’un moment, plus ou moins longtemps après leur mort), et doublement aux génies féminins, et triplement aux génies féminins issus du peuple ou racisés. Les femmes ont évidemment autant de génie que les hommes, mais il leur est beaucoup plus difficile de le réaliser, à cause du combat qu’elles doivent mener contre les multiples et puissants obstacles sans cesse placés sur leur chemin.

Dans la journée d’hier, j’ai découvert plusieurs grandes femmes. D’abord donc, avec cette exposition, les humbles faiseuses de patchwork américaines (là-bas on appelle ça des quilts), qui dans leur art du quotidien ont parfois atteint des sommets de beauté, tout en luttant politiquement : elles se réunissaient entre femmes pour coudre collectivement certains patchworks, en profitaient pour discuter, et parfois utilisaient leur travail pour défendre des causes comme celles des femmes ou des Afro-américains (les photos suivent). Puis, en repartant, devant mon ancien immeuble, rue Saint-Jacques, un portrait de la résistante Berty Albrecht. Et une fois rentrée, dans la lettre de la bibliothèque Buffon, la musicienne et chanteuse zimbabwéenne Stella Chiweshe (les vidéos suivent).

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street art sethhier à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Je comprends Léonard de Vinci et Franz Kafka, qui n’ont pas publié de leur vivant. Grâce à quoi ils n’ont pas eu à se plier aux exigences du marché, ils ont pu construire leur œuvre en toute liberté, en lui laissant l’apparent désordre nécessaire, qui est l’ordre de la vie. De toutes façons quand vous faites une œuvre puissante elle n’est jamais comprise de vos contemporains. La compréhension vient peu à peu, avec le temps.

J’ai rêvé que des gens s’attaquaient lâchement, à plusieurs, à O. Je poussais un cri, courais pour le défendre, tout en sachant qu’ils me frapperaient aussi. Je suis sortie délibérément de ce cauchemar malheureusement inspiré par la réalité, je me suis levée, j’ai repris mon collage de la nuit afin de le terminer pour un cadeau que je dois faire aujourd’hui, jour de fête à la maison.

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Et voici la musique, avec Stella Chiweshe et son mbira, « piano à pouces » dont elle continue de jouer à 72 ans, régal des tympans :

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