Le temps déménage,
soufflé par le vent, la pluie
lavant tout le reste.
*
J’ouvre les fenêtres
où il frappait, il s’engouffre
et change tout l’air
*
Le vent et la pluie
aux entrailles de la ville
instaurent leur loi.
Le temps déménage,
soufflé par le vent, la pluie
lavant tout le reste.
*
J’ouvre les fenêtres
où il frappait, il s’engouffre
et change tout l’air
*
Le vent et la pluie
aux entrailles de la ville
instaurent leur loi.
le café Esméralda, derrière Notre-Dame de Paris
*
« Dans son roman Notre-Dame de Paris, le célèbre écrivain français Victor Hugo décrit le personnage d’une bohémienne belle, gentille, honnête et courageuse. Elle a 16 ans et elle s’appelle Esméralda. Par le biais de la peinture qu’il fait de son personnage, Hugo exprime sa sympathie aux Roms, connus à l’époque sous le nom de bohémiens ou de gitans, reflétant toute la grandeur d’âme de l’écrivain. Mais tout récemment une jeune Rom à peine âgée de 15 ans, Leonarda Dibrani a été interpellée par la police française devant ses camarades de classe, et expulsée vers le Kosovo. Sa famille a également été expulsée. (…) Loin de moi l’idée de dire si la politique d’immigration française est bonne ou pas, mais j’espère que le Gouvernement français ne fera pas porter la responsabilité des problèmes intérieurs qui surgissent sur la tête des immigrés ; après tout, dans le passé, les immigrés ont apporté de grandes contributions au développement social et économique de la France, et ce sera encore le cas dans l’avenir. Au contraire, le Gouvernement français devrait prendre conscience de la montée des forces d’extrême-droite, et ne pas laisser la xénophobie et le populisme interférer dans la revitalisation et le développement du pays. » L’article de Ren Yakiu, L’affaire Leonarda, reflet des difficultés de la société française d’aujourd’hui, est à lire en entier dans Le Quotidien du Peuple.
« Les Roms sont à l’affiche aujourd’hui, après tant d’autres dans le passé : les polaks, les ritals, les bicots, tout nom méprisant affecté à l’étranger comme si les Français étaient profondément xénophobes. (…) Ces situations ne sont pas nouvelles, mais elles s’aggravent. Voici plus d’un demi-siècle, Ouest-France, sous la plume de son fondateur Paul Hutin-Desgrées, écrivait : « Peuples riches et peuples libres, prenez garde aux peuples asservis et aux peuples pauvres : ils envient légitimement vos biens et ils envient légitimement votre liberté ; ils les maudiraient si le partage commandé par la justice ne se faisait pas. C’est la guerre qui est le produit fatal de l’injustice. » L’éditorial de François Régis Hutin, Immigration : accueil, justice, cohérence, est à lire en entier dans Ouest-France.
« L’histoire des Dibrani représente l’histoire de milliers d’immigrants qui voient en Europe la possibilité d’une vie meilleure, et qui parfois, tragiquement, se termine avec la mort de centaines d’hommes et de femmes, qui ne parviennent pas à atteindre leur but. (…) La déportation massive d’immigrants ou leur confinement dans des centres de détention avant leur entrée sur le continent européen, montre que la politique de l’Union Européenne dans ce domaine est consolidée, sans compréhension de la globalité du processus migratoire. Comme le confirme Martin Schultz, président du Parlement européen, en déclarant que : « (…) L’Europe a besoin d’un système d’immigration légal. Les États doivent admettre que nous sommes un continent d’immigration ». L’article de Pablo Jofre, France : guerre aux Roms, est à lire en entier (en espagnol) sur Radio Uchile.
Précédents points de vue sur l’affaire :
La réflexion et le très humain portrait de la famille Dibrani par Miguel Mora : « Les Dibrani, apatrides d’Europe »
La vive protestation du leader hindou Rajah Zed contre la déportation de Leonarda et les conditions faites aux Roms
La réaction du cardinal André Vingt-Trois : « Qu’ils mangent de la brioche »
L’inquiétude de Manuel Garcia Rondon, secrétaire général de l’Union Romani, et sa gratitude envers les lycéens français.
J’ai deux ou trois fois côtoyé Bertrand Cantat, dans notre jeunesse bordelaise. Solaire et charismatique. J’aimais bien les chansons de Noir Désir. Comme beaucoup, je ne peux plus les écouter. D’outre-tombe, je lui ai envoyé mon livre Forêt profonde quand il était en prison. Je ne sais s’il l’a reçu. Je ne pense pas que quiconque ait envie d’accabler Bertrand Cantat. Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de ne pas oublier les victimes. De respecter leur mémoire. De ne pas ignorer les messages désespérés de Kristina Rady. Fabrice Hadjadj a écrit un jour – sans que nul journal chrétien n’y trouve rien à redire -, à propos de l’épisode évangélique où Jésus sauve une femme de la lapidation, que lui ne la défendrait pas : « Je la lapiderais plutôt, en bon chrétien. Oh, pas avec des cailloux ! Des mots et des regards bien sentis peuvent cribler beaucoup mieux et sans laisser de trace. La fille pourrait se suicider, après ça : on dira qu’on l’avait prévu. » Ils sont nombreux, ceux qui ne veulent pas voir.
Bitume mouillé
Les roues des vélos chuintent,
luisent en roulant
*
Horloge au rond-point
Veille du changement d’heure
Les voitures tournent
*
Vus de la fenêtre
feuilles rouges et passants dansent
entre sol et ciel
*
Chaque fois que je trouve un cèpe, mon cœur bondit. Je lui souris, je lui parle. Je le coupe avec amour, je le porte à mon grand nez pour humer son odeur exquise et puissante, je le porte à mes lèvres pour les poser sur son chapeau ferme, tendre et doux, je lui donne un baiser, je le regarde, je lui dis qu’il est beau.
De retour à la maison, je prépare les plus petits, ceux qui sont en bouchon, pour les déguster crus. Je les nettoie doucement avec un chiffon de tissu ou de papier humide, je les fends en deux. Si leur chair est indemne, blanche, exempte de tout parasite, je la coupe en lamelles, l’arrose de jus de citron et d’huile d’olive, ajoute un peu de sel, éventuellement du poivre, de la ciboulette, mais alors en très petite quantité, pour laisser se déployer le goût et le parfum sauvages du champignon.
Retrouver dans la bouche ses caractéristiques puissantes, alliées à la structure fine, légère, aérienne des lamelles, c’est manger la forêt et le ciel réunis, célébrer les noces de la terre et de l’air.
Les cèpes plus gros sont nettoyés et émincés de la même manière.
Si la récolte est abondante, j’en fais sécher une partie. Je fais ça à ma façon : je mets des feuilles de papier au fond d’un ou deux plateaux, et j’aligne dessus les lamelles de champignons. Je laisse sécher au soleil, plusieurs jours durant.
S’il se met à pleuvoir, je rentre les plateaux dans la grange. Très vite une odeur si forte se répand qu’on a l’impression de vivre à même le sous-bois, entre les troncs et les feuilles mortes. Dès que le soleil revient, je les remets dehors.
Dans les premières heures on voit les vers, fort marris, sortir de leur trou et s’en aller en gondolant, tout blancs sur le papier blanc. Certains s’échappent du plateau et finissent je ne sais où ni comment, d’autres sèchent en même temps que leur demeure et nourriture.
Une fois que tout ceci a pris la consistance du papier, je peux ranger les lamelles de champignons dans une boîte en fer ; les bestioles, elles, auront pour sépulture les pages que je froisse autour de leurs minuscules dépouilles, avant de m’en servir pour allumer le feu dans la cheminée.
Les cèpes trop véreux, je les rejette dans la forêt – qu’ils y reposent en paix ! Pour ceux qui le sont un peu et que je veux faire cuire tout de suite, j’essaie de les débarrasser d’abord de leurs habitants. Il en reste toujours un peu, tant pis, ils apporteront leurs protéines dans le plat… Je les fais sauter à la poêle, pas trop longtemps et sans trop de condiments.
Comme je ne descends pas souvent au village, les jours où j’ai seulement des œufs au frigo, je monte un moment dans la forêt, juste pour trouver de quoi garnir une omelette.
Si des amis se présentent à l’improviste, comme je suis heureuse de les voir et de les inviter à ma table, et comme, d’un autre côté, je suis aussi sauvage qu’un cèpe ou qu’une fraise des bois, je concilie les plaisirs de la solitude et ceux de l’hospitalité en partant aussitôt, tandis qu’ils prennent un verre à la maison, arpenter les bois et cueillir en leur honneur baies, champignons et herbes.
Les cèpes, comme on le sait, accompagnent merveilleusement les viandes et entrent dans toutes sortes de préparations.
Mon ami Antoine m’a donné sa recette pour le risotto : une partie des cèpes est lentement réduite en compote avec un peu de bouillon ; une autre, plutôt les pieds, est cuite avec le riz selon la délicate méthode habituelle ; la troisième, poêlée. On sert le risotto dans l’assiette, surmonté de la compote et des cèpes frits : une merveille !
Quand il y a du monde à la maison, pour un repas sur le pouce, je fais des quiches ou des cakes aux cèpes poêlés, un luxe tout simple qui se mange avec les doigts.
Si j’en cueille beaucoup pendant l’été, pour garder jusqu’à Noël je fais aussi quelques pots de cèpes cuits dans l’huile d’olive. Je remplis jusqu’en haut de champignons (choisis fermes et sains) et d’huile, je ferme le couvercle quand ils sont encore tout chauds, puis je les range simplement au frais. Quand on ouvre le pot, on dirait qu’ils viennent d’être fraîchement cueillis et préparés. Une réserve de joie d’été pour les jours gris de novembre et décembre.
Les cèpes séchés sont parfaits pour les cuissons en sauce, je les trouve bien plus parfumés que les cèpes conservés dans l’eau. On peut aussi les utiliser pour des veloutés, avec une pointe de curry, une carotte et un peu d’oignon, ça titille les papilles !
…
extrait de Cueillettes. Bonne cueillette si vous pouvez, bon appétit !
Le 5 novembre prochain, à la Maison de l’Amérique Latine, François Noudelmann donnera une conférence intitulée : Simone de Beauvoir : écrire le contraire de ce qu’on vit, ou vivre le contraire de ce qu’on écrit. D’après l’opposition entre son féminisme et sa relation avec Nelson Algren. Il faudrait aussi évoquer la contradiction entre sa pose de liberté guidant le peuple et son utilisation d’étudiantes (l’une d’elles finira par se suicider), pour elle-même et pour Sartre.
Jean-Claude Guillebaud, journaliste catholique, déclare dans le magazine protestant Réforme que l’affaire Leonarda est un « déluge ». Non parce qu’elle révèle l’ampleur de l’injustice de ce monde, notamment envers les Roms et les sans-papiers, ce qui donne au déluge tout son sens à la fois chrétien et biblique. Mais parce que les médias peuvent « monter en neige » un événement, créer « une forte émotion, en grande partie abusive et artificielle ». Et de résumer ce déluge par une expression de Martin Heidegger : processus sans sujet. Ici nous sommes en plein dans le confesser le contraire de ce qu’on vit, vivre le contraire de ce que l’on confesse. Car un cœur croyant sait que le déluge de l’affaire Leonarda est le signe d’un immense malheur dont Leonarda est le symbole, le signe, la parabole. Et que ce déluge, loin d’être sans sujet, a pour sujet une jeune fille pleine de vie et de vérité, d’une vérité plus grande que celle de tout un pays, représenté par son président, qu’elle affronte (horreur pour les tenants de l’ordre !) d’égale à égal, bien plus libre, pauvresse opprimée, et bien plus vraie, fraudeuse, que Mme de Beauvoir ou que Herr Führer Heidegger en leurs fausses paroles et vies. Ce déluge, ce processus, Leonarda et sa famille, Leonarda telle qu’elle est, avec son être si apte à traverser les écrans, en est bien le sujet – le sujet habité par l’unique Sujet capable de provoquer un déluge, dans son processus de vérité.
J’écris ce que je vis, je vis ce que j’écris, les premiers Pèlerins d’Amour furent, sont et seront O et A. Les Pèlerins d’Amour sont et seront fondés dans le Chemin, la Vérité et la Vie. Suivront ceux qui voudront, libres de toute institution, libres.