Merah, antisémitisme, sexisme, etc.

craie*

Antisémitisme, racisme, sexisme, se tiennent par les pattes dans un même panier de crabes.

C’est toute la famille Merah (j’avais écrit par lapsus Perah – lapsus aisément décodable : père, patriarcat), à commencer par père et mère, qui est coupable, moralement sinon pénalement, des meurtres commis par Mohamed Merah ; et qui est coupable aussi de la mort de Mohamed Merah, leur fils et frère. C’est aussi, plus largement, le fond patriarcal de l’islam que trop de musulmans refusent de combattre, par respect de la tradition alors que le prophète de l’islam a pris tous les risques pour combattre la tradition, et notamment la tradition patriarcale, qui prône ou autorise la brutalisation des enfants et des femmes. Cet islam n’est pas l’islam, mais l’esprit des tribus qui a repris le dessus. C’est cet esprit qui se retourne contre les juifs, puis contre tous ceux qui ne font pas partie de la tribu. Ces gens-là sont retournés à la mentalité préislamique, celle où l’on discriminait à mort les filles, où les hommes avaient tout pouvoir de violence et de mort sur leurs proches et où les peuples s’entrepillaient et s’entretuaient pour des questions de richesses et de territoires. Comme ce fut le cas aussi en Europe et partout ailleurs dans le monde, comme c’est toujours le cas à une autre échelle, à une échelle qui a donné les grandes guerres mondiales du vingtième siècle et leurs atrocités, à une échelle qui continue à semer la mort dans le monde de façon souvent plus détournée mais tout aussi meurtrière.

Le journal Le Monde dénonce l’antisémitisme des banlieues. Il existe. J’ai moi-même entendu une vieille Arabe, au sortir de la mosquée, me dire qu’il ne fallait pas dire « salam » mais bien « salam aleykoum » pour ne pas risquer le rapprochement avec le « shalom » juif (bien entendu c’est ridicule, les deux langues, comme les deux peuples, sont sœurs, et la formule de salutation juive entière, « shalom aleichem » se prononce également presque comme le « salam aleykoum » arabe). J’ai vu la seule jeune femme de la maison qui ne se voilait pas (et vivait à l’extérieur), en visite dans sa famille, traitée par ses frères comme un objet avec lequel rigoler brutalement. Cet antisémitisme doublé de sexisme (car le sexisme est à la base de tous les racismes) existe, mais il n’est pas répandu partout. Dans mes classes en banlieue, dont les élèves sont d’origines très diverses, je n’ai jamais observé le moindre sursaut dénégateur chaque fois que j’ai évoqué les camps de concentration nazis ou plus généralement l’antisémitisme – ou le racisme, ou le sexisme. Que Plantu dans un dessin en une du même journal accuse les profs de ne plus parler de la Shoah en classe montre seulement que le racisme se nourrit d’ignorance. Et que le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, sont aussi ancrés chez beaucoup de journalistes et d’intellectuels prétendument éclairés. « La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) soulignait en mars la persistance des « vieux préjugés antisémites liant les juifs au pouvoir et à l’argent », écrit Le Monde. Certes, et en voici un exemple personnellement vécu : lorsque Stéphane Zagdanski et moi avons publié notre livre La Vérité nue, Josyane Savigneau, alors rédactrice en chef du Monde des Livres (et aujourd’hui opposée aux féministes qui dénoncent les viols de Polanski), écrivit dans ce vénérable journal du soir que Zagdanski et moi avions pratiqué le « prends l’argent et tire-toi », en un doublé d’antisémitisme et de sexisme très bien supporté par tout le monde puisqu’il ne venait pas de banlieue mais des beaux quartiers.

C’est ainsi que le serpent se mord la queue. Les élites de culture chrétienne ont transféré leur antisémitisme, désormais très mal considéré, de façon limpidement freudienne, dans l’islamophobie. Leur sexisme demeure, toute l’organisation de la société le clame, mais non dit, comme leur antisémitisme qui va souvent jusqu’à se déguiser en philosémitisme. La haine circule des élites blanches aux populations des banlieues, et réciproquement. Tant qu’on ne soignera pas l’ensemble, les abcès continueront à crever, libérant par moments le pus et le sang mêlés de notre société.

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joconde et peléhier soir à Paris 5e, photos Alina Reyes

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alinareyes