Pour l’Histoire avec une grande H

Pour la petite histoire, hier je suis allée en bibliothèque consulter certains ouvrages. Parmi lesquels le livre de Macron, Révolution. Une merde froide semblant écrite par un logiciel, sans aucun nerf, sans aucune grâce, à peu près illisible, et qui pourrait se résumer en quelques phrases comportant chacune un « mais » au milieu : la fameuse pensée de l’en-même-temps, une non-pensée, une pensée qui s’annule à mesure qu’elle s’écrit. Si j’étais sa prof, j’essaierai de ramener cet élève à la vie par des exercices appropriés (et non, cela va sans dire, par la pédophilie, qui ne pouvait que l’enfoncer davantage). On y trouve cependant quelques choses intéressantes, outre la preuve du néant de sa pensée. J’aurai sûrement l’occasion d’en reparler dans un article plus général, mais je retiendrai ce matin du moins ces deux petites phrases. À propos de Venise : « Il en ira de même pour nous ». Et à propos de ce qu’il compte faire à la tête de l’État : « Ce travail prendra dix ans ». S’il évoque en fait l’époque d’une révolution des marchands de Venise, comme dirait Shakespeare, en fait aujourd’hui Venise est le symbole d’une cité qui sombre. Faire sombrer la cité, le pays, c’est bien, nous le voyons, à quoi il s’est employé, et il comptait faire ça pendant dix ans, sur deux mandats donc. Petit présomptueux, va.

Pour mémoire, pour la grande Histoire que le peuple est en train d’écrire, ces documents trouvés sur les réseaux sociaux :

 DyFsGYJUUAA_uWX.jpg largeLa convocation d’un des nombreux citoyens poursuivis en correctionnelle avant même d’avoir manifesté

*

132d0f54-55fe-45b4-897b-804059d9c32f

Menaces reçues d’un macroniste anonyme (de la police ?) par un journaliste de Libé

*

DyL9yv3WwAAjnym.jpg largeno comment

*

Et pour finir, cette affiche de la « révolution » de Pétain

4509aa6b-8217-4027-b7c2-ff263e242362*

 

Macron

French Psycho. Images extrêmement dures mais il faut les voir pour savoir ce que masque la façade policée de la macronie, de la bourgeoisie qui l’a portée au pouvoir et qui continue de la soutenir. Ces gens veulent tuer celles et ceux qui leur résistent, les tuer au moins symboliquement, socialement, psychologiquement, et mutiler, quand ils ne peuvent pas tuer physiquement. Comme d’autres, j’ai dû résister à leur violence, leur folie, leur mensonge, leurs manipulations, et à la complicité qui se noue autour des notables. Honneur à toutes celles et à tous ceux qui n’ont pas cédé. Et que le sang de toutes leurs victimes retombe sur ces salopards.

*

*

Le macronisme, banalité du fascisme

14 février 1936, Léon Blum sur son lit d'hôpital après son agression par les camelots du roi

14 février 1936, Léon Blum sur son lit d’hôpital après son agression par les camelots du roi

*

C’est la première fois que je vois BHL essayer de faire profil bas. Lors de son passage à ONPC ce samedi, il n’a pas arrêté de multiplier les signes d’apparente d’humilité, se disant avec des douceurs de tartuffe « un peu écrivain », se reconnaissant « un peu bien né », parlant de sa « modeste place », affirmant que ses quelques « sous » n’étaient pour rien dans sa réussite, expliquant que s’il faisait partie des élites, c’était des bonnes élites, celles qui ont mérité leur situation, enfin tâchant de se donner l’allure d’un brave gars qui veut le bien de tous face au péril fasciste nommé Gilets jaunes, allant jusqu’à se déclarer favorable, pourquoi pas, à étudier la question d’un possible retour de l’ISF ! mais attention, en précisant que seule l’Europe serait éventuellement habilitée à prendre ce genre de mesures. Un agneau, vous dis-je. Un agneau sous cocaïne ou un truc du genre, mais enfin rien de ce fier-à-bras popularisé par ses innombrables poses au milieu de combattants armés, chemise ouverte et cheveux au vent, défiant le danger sur tous les terrains de guerre du monde – mais pas boulevard Saint-Germain ni sur les Champs quand une manif de Gilets jaunes y passe, au milieu des tirs de grenades et de flashballs – son audace a des limites tout de même. Bon, l’exercice de modestie n’était pas du tout convaincant (le manque d’habitude sans doute) mais le fait de l’avoir tenté, à soixante-dix ans pour la première fois de sa vie, indique du moins que la caste tremble sous ses brushings.

Le recours est donc, selon BHL, l’Europe. Mais qu’est-ce que l’Europe ? Selon lui toujours, « une petite princesse » que Zeus a enlevée. Tiens donc. Macron, alias Jupiter (nom latin de Zeus) a donc l’intention d’enlever l’Europe. De l’enlever à qui ? Aux peuples qui la composent ? Pour qui ? Pour le Marché, n’est-ce pas ? Son histoire, l’histoire de son élection et sa politique l’indiquent, mais l’ « un peu écrivain » a prononcé comme pour le prouver cette parole parfaite : « je suis une sorte de camelot de l’Europe ». Je goûte particulièrement ces instants où la vérité nous sort par la bouche malgré nous. Ruquier venait de lui dire qu’il allait se transformer en une sorte de saltimbanque, le temps de jouer sa pièce dans divers pays. Et il eut donc cette réplique fantastique, qui n’a pas été relevée mais qui mérite de l’être. L’entendant, j’ai aussitôt exulté : mais oui ! tout à fait ! À la fois marchand de camelote, « avec force boniments » comme dit le dictionnaire, et camelot du roi (nom des militants de l’Action Française), du roi Macron ! Que ce mot-là soit sorti de lui pour rectifier le terme « saltimbanque » qui semblait l’embarrasser (si on allait le prendre pour quelque Molière débraillé…), que ce mot tellement lié, quand il est suivi d’un complément de nom, à l’extrême-droite collaborationniste dans l’esprit de quiconque connaît un minimum l’histoire du siècle dernier, lui soit venu pour se qualifier – cela ne peut être que très signifiant. L’Europe qu’il sert n’est pas celle des peuples et des pays, mais celle des Marchés. Celle qui va contre les intérêts des peuples. Le 13 février 1936, les camelots du roi lynchèrent Léon Blum, serviteur du peuple, comme ces dernières semaines les policiers de Macron mutilent les Gilets jaunes. L’attaque se produisit au croisement du boulevard Saint-Germain et de la rue de l’Université, à deux pas de chez BHL, et la photo de Blum au visage entouré de bandages rappelle singulièrement celle de nos manifestants à l’hôpital.

En ces temps où comme dans 1984 d’Orwell le sens des mots et les vérités sont inversées par les pouvoirs menteurs et manipulateurs, où se trouve réellement le fascisme ? Chez les Gilets jaunes, comme leurs détracteurs n’arrêtent pas de le dire ? Ou bien du côté du pouvoir et de ceux qui le défendent ? Pour le savoir, le mieux est de partir du principe qu’il n’y a pas de fascisme, seulement des preuves de fascisme. Il est avéré que quelques éléments racistes, antisémites, homophobes, xénophobes, néofascistes, se mêlent ici et là aux Gilets jaunes ; ce qui donne d’ailleurs lieu à quelques bagarres, soit qu’ils soient chassés par les Gilets jaunes, soit, comme ils l’ont fait samedi dernier, qu’ils attaquent des Gilets jaunes d’extrême gauche. Mais quelques éléments plus ou moins infiltrés ne font pas un ensemble, une règle d’ensemble. Alors que du côté du pouvoir macroniste, les marques de fascisme sont massives. D’abord la répression féroce et aveugle, l’utilisation très abusive des forces de l’ordre, dénoncée par Amnesty International, la Ligue des droits de l’homme, le Défenseur des droits et bien d’autres instances, dont des policiers eux-mêmes. Massive aussi, la manipulation de l’opinion, commencée au temps de la campagne présidentielle et qui se poursuit, par le biais de cette spécificité française que sont des médias mainstream possédés par des milliardaires au service du pouvoir qu’ils ont fait mettre en place pour servir leurs intérêts. Ajoutons à cela, entre autres, la gouvernance par ordonnances, la mainmise sur la Justice, les réformes et projets de lois destructeurs des droits du travail, de la liberté d’expression et de l’égalité d’accès à l’éducation, le recours au fait du prince dans le choix et la protection de ses courtisans et serviteurs, jusqu’à la très emblématique affaire Benalla… BHL raille la tendance de Salvini à se déguiser en pompier, mais que dire de son Macron qui n’a cessé de se mettre en scène tantôt en Napoléon, tantôt en Jupiter, tantôt en Louis XIV, quand il ne cède pas plutôt à la tentation de passer une fête de la musique en son palais avec des drag-queens entre lesquelles il se plaît à se faire photographier, comme il se plut à se laisser prendre en selfies enlaçant de jeunes délinquants exotiques au torse nu ? Comédies caractéristiques du goût des fascismes pour l’apparat et le grotesque, délires et mises en scène bien plus grotesques que celles de Salvini, à vrai dire.

Lors de la manifestation macroniste des Foulards rouges, ce dimanche, la face réelle des « élites » s’est révélée aussi méprisante, mauvaise et grotesque que celle de leur champion, M. Macron. Sur un panneau au graphisme mal plagié de l’artiste activiste Voltuan, ils affirmaient : « Nous sommes sans armes vous êtes sans âme », déniant ainsi aux gens du peuple le statut d’humains. Tout au long du cortège, des insultes ordurières aux Gilets jaunes ont jailli de ces rentiers convenables, de ces retraités en loden, de ces bourgeois chapeautés : « on vous nourrit, les chiens », « on va vous crever les tarés », « allez bosser, bande de cons », « fachos », « pourris », « assistés », « mort aux cons », « enfants gâtés »… qui terminèrent leur démonstration de haine en scandant « merci la police » et « Gilets jaunes au boulot ». Oui, de quel côté se trouve, massivement, le fascisme ?

De même qu’on a pu dire de BHL qu’il avait fait, depuis quelques décennies, un putsch sur les médias, y confisquant la parole avec sa bande de « nouveaux philosophes » au détriment de celle des penseurs réels, relégués dans l’ombre, il est aujourd’hui manifeste que ces « nouvelles élites », fausses élites qui ne tiennent que par le pouvoir de l’argent et/ou celui des médias, ont fait un putsch politique en portant Macron et la macronie au pouvoir. Les ligues factieuses ne sont pas dans les rues le samedi, elles sont chaque jour à l’Élysée et dans les autres lieux de pouvoir qui soutiennent Macron. L’Europe est vivante non pas lorsqu’on la considère comme une princesse sur laquelle, comme sur tout le reste, il faut faire main basse, mais comme l’allégorie que porte son nom, qui signifie : « Au regard vaste et portant loin ». Avant de prétendre lui rendre cette magnifique vérité, il nous faut renverser les fascismes qui l’emprisonnent et tentent de s’en emparer, à commencer par chez nous, en France.

*

Nous qui résistons, nous qui combattons, nos morts, nos mortes sont avec nous

Mon grand-oncle Albert m’a rendu visite. Je ne m’y attendais pas (il est mort depuis longtemps). Il est venu m’apporter un petit gilet jaune, avec des manches, tricoté à la main pour un nouveau-né. Cette visite m’a beaucoup émue, je me suis réveillée tout heureuse. C’était la fin de l’après-midi, je m’étais endormie – le traitement anticancer me fatigue.

Mon grand-oncle Albert était sympa. Un sacré personnage. Fils d’immigrés italiens misérables, il a été chanteur dans les chœurs et figurant au Grand Théâtre, puis il a été aussi policier. Quand j’étais enfant, il était à la retraite. Il habitait tout près de chez nous, il prêtait de l’argent à mon père quand il n’y avait vraiment plus d’autre moyen d’acheter à manger pour nous sept, quand même le crédit à l’épicerie était dépassé. Il avait un piano, et de temps en temps des « admirateurs » et des « admiratrices » venaient le voir dans sa petite maison maison (toute la smala travaillait dans le bâtiment, y compris mon père, leurs maisons ils les faisaient eux-mêmes).

Je reviendrai dans quelques heures, j’ai quelque chose à dire après avoir vu le passage infect de BHL chez Ruquier, sans contradicteur sur le plateau, insultant les Gilets jaunes, injuriant gravement notamment Ruffin, étalant sa morgue, sa morve et son hystérie de concert avec celles d’Angot qui lui léchait les pieds. J’ai quelque chose à dire, non pas tant sur BHL, dont à peu près tout le monde sait ce qu’il en est, mais sur le pouvoir macronien qu’il défend, que la caste qui était là, défendant son fric, défendant sa position, défendait avec lui. Un immense combat contre les fascismes se livre, va devoir se livrer.

Bella ciao, le chant des résistants italiens, devenu chant de tous les résistants du monde, fut d’abord un chant de résistantes, dont voici le dernier couplet originel :

Mais un jour viendra que toutes autant que nous sommes
O bella ciao bella ciao bella ciao ciao ciao
Mais un jour viendra que toutes autant que nous sommes
Nous travaillerons en liberté.

*

Déter

photo Alina Reyes

photo Alina Reyes

*

J’ai mis une licorne et un papillon dans mes cheveux, pinces d’enfant avec des mèches et tresses multicolores du plus joli effet dans ma chevelure grise libre, et je suis partie travailler à la bibliothèque du Muséum, celle du bas parce qu’il y avait une table libre juste derrière la baie vitrée. Il s’est mis à pleuvoir beaucoup, et un hélicoptère tournait dans le ciel, au-dessus de la proche place de la Bastille où Jérôme Rodrigues, l’une des figures des Gilets jaunes, se faisait délibérément éborgner, alors qu’il était comme toujours parfaitement calme. Tandis que Macron manœuvre bassement et violemment pour récupérer les récupérables (Mouraud, Levavasseur) et intimider les irrécupérés (Nicolle frappé et interpellé à Bordeaux alors qu’il était également parfaitement calme, comme les vidéos en témoignent aussi, et donc Jérôme Rodrigues tiré comme un lapin à bout portant, selon son témoignage d’une grenade au pied et d’une balle à la tête – il aurait pu en mourir), j’écris. Ma meilleure arme, la plus puissante pour accompagner les humains sur la durée.

*

Ahou ! ahou ! ahou !

Aujourd’hui samedi, ma black plume se lève avec les Gilets jaunes :

Ahou ! ahou ! ahou !

Un nouveau roi est appelé à régner.

Araignée ? quel drôle de nom pour un roi ! Et pourquoi pas Micron, Castagnette ou Chiassa ? Blanquette, BotuHL ou Cul Ferry ? Jacline Mouron, Nanar Tapine, Lavavassale ? Roteur Goulpil, Con Bandit, Leji Dédé, Paris Catch, les Condés, les Tévés ?

Assez !

Le roi est mort,

vive le peuple souverain !

 

Villiers de l’Isle-Adam, lumière pour notre temps

Carnavalet_-_Auguste_Villiers_de_l'Isle-Adam_01Comme annoncé, voici une note sur cet auteur magnifique, qui sera peut-être suivie d’autres.

« Écrivain de race », « poète absolu » selon Verlaine, « exorciste du réel » et « portier de l’idéal » selon Rémy de Gourmont, Villiers de l’Isle-Adam est un auteur incisif, perspicace, d’une exquise et puissante finesse, doué d’une sensibilité aiguë, sauvage, raffinée, un ciseleur de brèves nouvelles hors pair. Ses bien nommés Contes cruels et Nouveaux Contes cruels sont semblables, dans l’esprit, à des pièces shakespeariennes extrêmement condensées. Ils en ont la profondeur métaphysique, l’acuité, la folie à la fois vertigineuse et maîtrisée – mais la bouffonnerie et le rire sont absents de ce théâtre de la cruauté, ou plutôt en sont très sous-jacents, de façon glaciale, dans une ironie aussi discrète que dévastatrice.

C’est que le siècle de Villiers, ce dix-neuvième industrialisé, bourgeois et décadent, pourri par le souci d’argent, traversé de révoltes écrasées dans le sang, est sans doute trop grossier pour son intellect subtil. Sans doute n’y trouve-t-il pas à sourire de la condition humaine – sinistre, trop sinistre, dans une société si vieille, si usée, et une modernité si froide, si déshumanisante. Lui qui aimait mettre en œuvre le choc des temporalités apprécierait sûrement la correspondance que l’on peut ressentir, à la lecture de ses contes, entre son époque et la nôtre, avec leurs sociétés figées par l’exacerbation des classes et des castes et leur fuite en avant hors de l’humain – cet humain qui faisait encore sourire Shakespeare et rire (jaune) Molière – cette fuite, cette marche forcée que figure la « bête humaine » de Zola et que le macronisme met aujourd’hui au pas de l’oie, en avant toute vers le précipice.

Évidemment lecteur de Poe, auquel il se réfère splendidement sans en aucun cas l’imiter, tout en paraissant indifférent aux préoccupations sociales de son temps il en évoque indirectement l’esprit par une écriture imprégnée d’inquiétante étrangeté, dans des textes de très risqué et parfait équilibriste, donnant le sentiment de se tenir toujours au bord de l’abîme. Où le monde est une illusion, la mort et les passions mauvaises rôdent sous les masques de joie ou d’honorabilité, où sous les apparences de paix s’ouvrent des gouffres sans fond.

Villiers de l’Isle-Adam fut peu apprécié du public de son temps et eut une vie difficile (mais l’aristocratie de son caractère l’élevait au-dessus de ces trivialités) ; son génie reste méconnu. Mais pour qui veut comprendre où en est aujourd’hui l’humain, il est l’heure de le lire.

 

"La Gloire tirant Auguste de Villiers de l'Isle Adam de son sommeil éternel" par Frédéric Brou, musée Carnavalet

« La Gloire tirant Auguste de Villiers de l’Isle Adam de son sommeil éternel » par Frédéric Brou, musée Carnavalet

*